Quand restauration rime avec réinsertion

Pascal Lévesque, La Quête, Québec

En arrivant au Piolet, cet établissement de la rue Racine, on a véritablement l’impression d’entrer dans un restaurant gastronomique classé plusieurs étoiles. La salle à manger est impeccable et le personnel nous accueille avec professionnalisme. De plus, l’odeur de la nourriture a tôt fait d’exciter les papilles sensibles et les estomacs gourmands. Pourtant, peu savent que derrière ce restaurant aux allures bon chic bon genre se cache un organisme de réinsertion sociale qui vient en aide aux gens de 16 à 35 ans.

Le passant pourrait difficilement le soupçonner au premier coup d’œil, mais le Piolet est un resto-école qui offre aux jeunes l’occasion d’apprendre les rudiments des métiers de la restauration, que ce soit le service ou la cuisine. « On travaille vraiment avec une clientèle désaffiliée, des jeunes qui sont éloignés du marché du travail et qui ont peu ou pas de réseau social », indique Lorenzo Alberton, directeur adjoint de l’organisme.

L’établissement emploie deux chefs cuisiniers et deux gérants qui supervisent les apprentis restaurateurs. Quand ils complètent leur parcours de 28 semaines, les jeunes reçoivent un certificat de métier semi-spécialisé reconnu par le ministère de l’Éducation qui va les aider à aller sur le marché du travail. « C’est sûr qu’en ce moment le marché du travail se porte bien, mais habituellement 80 % [(92 % selon les dernières statistiques de l’organisme)] des jeunes se trouvent un emploi », explique le directeur adjoint. La clientèle serait composée d’environ 60 % d’hommes et de 40 % de femmes. Lorenzo Alberton attribue cette réalité au décrochage scolaire, plus présent chez les garçons.

Enseigner le savoir-être

Ce ne sont pourtant pas tous les jeunes qui complètent leur parcours. Certains réalisent parfois tout simplement que la restauration n’est pas faite pour eux, d’autres sont aux prises avec des problèmes variés, mais l’abandon est assez rare, selon Lorenzo Alberton. Il faut dire que l’entreprise accueille les étudiants qui répondent aux critères de sélection. « On exige que la personne soit prête à occuper un emploi 35 heures par semaine. On exige aussi qu’elle ait un logement fixe et un numéro de téléphone pour la rejoindre. On demande qu’il y ait un spécialiste dans le dossier si la personne est aux prises avec, par exemple, un problème de toxicomanie, car nous ne sommes pas un centre de thérapie », affirme Lorenzo Alberton. Les jeunes suivent tout de même un plan d’action établi avec des intervenants. « Le but de l’entreprise de réinsertion, c’est de retourner les jeunes sur le marché du travail, peu importe le métier. On travaille beaucoup plus sur le savoir-être que sur le savoir-faire. Rentrer à l’heure le matin, être fier et propre de sa personne, avoir confiance en soi, c’est là-dessus qu’on mise. Ce qu’on apprend aux jeunes, ce sont des compétences qui vont leur rester toute leur vie », dit-il.

Un milieu de vie complet

Le Piolet c’est aussi une maison de jeunes, un hébergement transitoire offrant 22 logements pour des séjours de 24 mois maximum, et un service d’aide composé d’intervenants, de psychologues et de conseillers en orientation. À la maison de jeunes, on trouve instruments de musique, console de jeux, table de billard, ordinateurs, bref de quoi attirer une bonne clientèle qui s’avère, selon la direction, très participative aux activités du centre. L’organisme reçoit environ 450 jeunes par année alors qu’à ses débuts, il prévoyait n’en attirer que quelques dizaines.