Camelot pour le journal de rue

Julien Lachance, L’Info, Saint-Élie, novembre 2016

Habituellement, j’ai une facilité à passer d’un dossier à l’autre et d’y travailler avec acharnement. Cet après-midi, j’en suis incapable. Ce midi, je suis allé avec les gens du journal de rue de Sherbrooke pour vendre leur journal aux passants et « BANG » me voilà touché dans ma vie de petit bourgeois.

 

Une indifférence qui peut faire mal

Ces camelots qui ont eu un parcours de vie difficile ont le courage de collaborer à imprimer un journal fort intéressant à tous les deux mois et à le distribuer par la suite. Ils se placent debout devant un commerce qui accepte de les accueillir (j’étais devant la Maison du Cinéma au centre-ville). J’étais jumelé à Ghislain, un homme fort sympathique, père de cinq enfants et grand-père de sept petits-enfants et de huit autres par adoption. Il a 59 ans, a de beaux yeux bleus, une grande barbe blanche et la vie lui a fauché la moitié de sa dentition.

Je l’observe pour savoir comment faire; il fait très attention de ne pas importuner les gens, il se tient debout, le journal devant lui. La majorité des gens passent et détournent le regard. Je prends conscience que parfois je le fais aussi dans de pareilles situations « et vlan, que c’est un constat difficile pour moi ». Heureusement, une femme arrive avec 3 $ pour acheter le journal, une autre donne 1.25 $ et nous offre de bons beignes fourrés à la crème de la pâtisserie Duquette… me voilà comblé.

 

1.25 $ / heure

En moyenne, Ghislain vend un journal à l’heure, ce qui lui donne 1.25 $. Il doit acheter ses journaux à l’avance à 1.75 $. Certains passants donnent 2.50 $ pour le journal, il accepte quand même puisqu’il fait un peu de profit. Par contre, certains clients donnent plus, il lui est même arrivé d’avoir 20 $, soit un profit équivalent à 15 ventes.

Comme nous nous sommes rendus à notre point de vente dans ma nouvelle voiture électrique, il me mentionne qu’il aime la teinte de la peinture. Je ne lui dis pas, mais je réalise qu’il lui faudrait travailler 1 000 heures pour payer seulement l’option supplémentaire de cette couleur. Il me fait réaliser notre folie de consommation.

 

Le camelot poète

Je parle aussi avec Bernard Couture, le camelot poète qui publie un poème dans chaque édition du journal. La journaliste de Radio- Canada lui demande comment il vit avec l’indifférence de bien des gens. Il a appris que ce n’est pas lui le problème, mais les gens qui sont souvent inconfortables, ont peur ou sont incapables d’entrer en contact avec des gens différents d’eux. Je réalise que Bernard est mieux connecté sur ses émotions et comprend mieux la psychologie humaine que moi.

 

Pourquoi ne pas offrir ce journal dans notre milieu

Bernard me demande si je connais un propriétaire d’épicerie qui accepterait qu’un itinérant puisse offrir le journal quelques heures par semaine sur son terrain. Je ne sais pas si Éric Bouchard du IGA, nos pharmaciens Jean-Luc Trottier et Jean-Philippe Cliche ou Jacques Quirion et Aline Caron de Dollar Plus accepteront de les accueillir, mais s’ils le font, je vous implore d’une chose : échanger un regard, un sourire ou quelques mots avec ces camelots. Ainsi, le thème de notre secteur « Un bien-être à partager » prendra tout son sens.

 

Ma vie a changé aujourd’hui

Seul dans mon bureau, bien que je sois du type rationnel, j’ai pleuré tout l’après-midi. Aujourd’hui, je suis sorti de ma zone de confort, cette expérience m’a touché en plein cœur. Ces gens au parcours difficile m’ont aidé à devenir une meilleure personne. Merci Bernard et Ghislain de m’avoir partagé votre simplicité du cœur.

 

Présence au centre Richard-Gingras

Je serai au centre Richard-Gingras à l’étage du bas, le mercredi 9 novembre entre 19 h et 20 h 30 pour vous recevoir.