Un jab pour avancer

Alexandra Guellil, L’Itinéraire, Montréal, le 15 juillet 2016

Aider les jeunes en difficulté à développer la maîtrise et leur estime personnelle à travers un engagement dans les arts martiaux, c’est l’objectif d’Ali Nestor. Avec l’organisme Ali et les Princes de la rue, il parvient à mêler entrainement sportif et apprentissage scolaire, en offrant à ces jeunes des solutions pour avancer.

Située dans le quartier Saint-Michel à Montréal, l’Académie Ness Martial fait partie de ces lieux qui redonnent un peu d’espoir aux jeunes en difficulté. Dès l’entrée dans la salle d’entraînement, il y a de quoi détruire les préjugés affiliant les jeunes de Montréal-Nord, aux gangs de rue ou à l’immigration grâce à la présence des différents drapeaux de pays. « C’est pour montrer que ceux qui viennent ici ont des origines multiples et que c’est fa richesse de notre groupe. Ici, c’est comme une grande famille», précise le fondateur Ali Nestor.

Quand il a créé l’organisme qu’il baptise Ali et les Princes de la rue en l’honneur de ces jeunes « qui ont tout de princes et de princesses», c’était comme un rêve devenu réalité pour le boxeur, aujourd’hui âgé de 42 ans. Celui de pouvoir enseigner aux plus jeunes ce qu’il aurait aimé savoir à leur âge: canaliser leur énergie et transformer leurs colères et frustrations en quelque chose de positif.

Et, en jetant un furtif coup d’œil sur le ring, on ne peut qu’être impressionné par les efforts de ces jeunes hommes et femmes qui s’entraînent presque tous les jours. L’effort est orienté sur la précision des gestes grâce à une technique retravaillée avec l’aide des entraîneurs le tout dans une ambiance à la fois sérieuse et détendue. Mais attention à ne pas se méprendre sur les jeunes qui fréquentent la salle de sport aujourd’hui. « Rares sont ceux qui ont fait partie d’un gang de rue, s’ils sont ici c’est pour donner un autre sens à leur vie malgré les problèmes qu’ils ont eus avant», insiste Ali.

 

Briser les préjugés

Charles Ali Nestor, de son nom complet, vient lui aussi du quartier Saint-Michel. Il était donc logique d’y installer là l’organisme. Pour y parvenir, il a dû se raconter, comme s’il fallait justifier l’envie de s’intéresser à des jeunes en difficulté, Si en entrevue il est resté très discret sur son passé, comme s’il préférait s’attarder sur le parcours réalisé pour éviter les amalgames et préjugés qui persistent, son histoire a inspiré de nombreux articles et reportages.

Adolescent, Ali a flirté de trop près avec les gangs de rue. Il est passé d’une époque où il fréquentait les mauvaises personnes et ne pouvait plus sortir de chez lui sans être armé, à celle où il a fait un tour à 1800 pour se reprendre en mains. Avant même d’atteindre sa majorité, il avait déjà commis plusieurs délits, faisant des entrées et sorties en Centre jeunesse. « C’est grâce aux sports de combat que je m’en suis sorti! »

À 18 ans, le boxeur a pris conscience des répercussions de ses actes sur la santé de sa mère. « Ma mère ne prenait pas soin d’elle parce qu’elle se préoccupait de moi. Quand elle m’a fait part de son état de santé, j’ai compris que j’aurais pu la perdre à cause de mes agissements. » Son tout, premier sport de combat était la lutte olympique parce que ses parents pensaient que la boxe ou les arts martiaux le rendraient violent. « C’est ma mère qui a accepté que je fasse de la lutte parce qu’elle aimait en voir à la télévision. Elle croyait en moi, j’ai découvert le karaté à 14 ans quand j’étais en Centre jeunesse. Quant à mon père, il m’a demandé de l’oublier la première fois que je me suis fait arrêter par la police. C’était dur, mais c’était ainsi », affirme-t-il.