Le financement participatif et les médias écrits communautaires

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Élisabeth Caron-Sergerie

Bienvenue à ce dixième mémo numérique portant sur les outils de financement participatif numérique. Dans ce document, nous aborderons le processus et les différentes formes de financement participatif, nous donnerons des exemples d’interfaces numériques accessibles et, enfin, nous entreverrons les possibilités pour les médias écrits de l’AMECQ.

Avec la croissance des pertes de revenu publicitaire, nous expérimentons et essayons de trouver différentes solutions de financement pour assurer la pérennité de l’information locale.

Il est toutefois important que vous sachiez qu’à l’heure actuelle, peu de recherche et de développement ont été fait sur le financement participatif des médias écrits. La participation des journaux membres de l’AMECQ aux différentes activités de financement participatif qui seront énoncées ci-dessous serait novatrice et inspirante pour le milieu.

 

Qu’est-ce que le financement participatif à l’ère du numérique ?

Vous connaissez sans doute différentes façons de faire une campagne de financement unique et fonctionnelle. Cette chronique ne discrédite en aucune façon les méthodes traditionnelles de financement de votre journal. En fait, l’intention de ce mémo est plutôt mettre en lumière l’essor, en nombre et en popularité, des différents moyens de financer vos idées et projets à l’ère du numérique.

La collecte de fonds par le numérique a fait son entrée en même temps qu’internet au début des années 1990. Elle est l’une des façons les plus accessibles d’amasser de l’argent pour un projet ou une cause qu’une entreprise, un média, un artiste ou un particulier veulent voir naître, se développer et, parfois même, survivre. Ce type de financement peut prendre différentes formes telles que :

  • Le don pur : c’est la méthode la plus classique destinée majoritairement à des projets caritatifs et humanitaires. Vous recevez l’argent, sans rien devoir en retour.
  • Le don contre récompense : c’est la méthode la plus populaire actuellement. Les projets, et l’argent accumulé sur les plateformes proposant ce type de financement se comptent par millions. Si cela vous intéresse, Kickstarter et Indiegogo sont les plateformes les plus adaptées et connues pour ce type de financement. Le principe est simple, vous financez votre projet grâce aux dons et vous redonnez une partie de ce « projet » à ceux et celles qui vous ont encouragé (ex. : édition spéciale de votre journal ou magazine, visibilité dans votre média…). Dans les domaines de la culture et du divertissement, ce type de financement est privilégié.
  • Les sommes versées à intervalle constant en échange d’une garantie de contenu. Cette façon de faire devient de plus en plus populaire. Vous pouvez apercevoir plusieurs artistes et créateurs de contenus, sur YouTube, Patreon et Twitch, profiter de ce principe pour arrondir leurs fins de mois ou même gagner leurs vies.

Il existe bien évidemment d’autres formes de prêts (prêt entre particuliers, « royalty crowdfunding » et « equity crowdfunding »…). Toutefois, certaines d’entre elles ne sont pas vraiment adaptées à la structure des OBNL. Si vous voulez en savoir plus sur ces formes de prêts, nous vous suggérons d’aller consulter ce site internet qui explique bien les différents formats de financement participatif sur le web :

 

À qui profite le financement participatif ?

Enfin, les campagnes sur le web profitent à différents domaines d’activité, tels que les arts, l’entrepreneuriat, le développement social et les actions caritatives. Il est important que vous sachiez qu’il existe actuellement un nombre important de ces plateformes sur internet et que leurs intentions diffèrent de manière significative.

Les différents types de plateformes dont nous traiterons ci-dessous peuvent profiter à ceux et celles qui ne désirent pas faire affaire avec un intermédiaire. Le fait de monter vous-même votre propre campagne permet de tisser des liens forts avec votre communauté et de développer un sentiment d’appartenance plus fort de la part de vos lecteurs envers votre équipe et votre journal. Un élément important à retenir est que le succès des campagnes de financement réalisées sur les différents sites sur le marché (Kickstarter, GoFundMe…) dépend plus de vous que de la plateforme que vous choisirez.

 

Malheureusement, ce n’est pas gratuit…

Il faut que vous sachiez qu’utiliser les plateformes mentionnées ci-dessous n’est pas gratuit. Dans la majorité des cas, vous devez payer des frais pour utiliser la plateforme, des frais de traitement pour les paiements (ex. : PayPal), en plus d’une commission sur le montant accumulé. Cette dernière varie entre 5 % et 8 %. Il est possible que le pourcentage de cette commission soit supérieur dans certains cas, par exemple sur Indiegogo, si vous choisissez une campagne à taux flexible dans laquelle vous gardez l’argent accumulé, que vous ayez atteint votre objectif ou non. Pour vous donner une meilleure idée de ce que représente la totalité de ces frais, sur chaque tranche de 100 $ amassée, approximativement 10 $ sont retranchés. Vous devrez considérer cela lorsque vous planifierez votre campagne.

 

Avant de vous lancer…

Si vous désirez lancer une campagne de financement participatif ou, dans le langage du « crowdfunding », être porteur de projets, il est crucial que vous soyez bien préparé et que vous connaissiez l’investissement « humain » que cela nécessite.

Dans un premier temps, vous devrez vous assurer que la plateforme que vous allez sélectionner ait un service à la clientèle accessible (dans le meilleur des mondes en français), une interface facile d’utilisation et, le plus important, une multitude d’outils pour partager votre campagne sur les réseaux sociaux et dans votre communauté.

Dans un deuxième temps, nous vous suggérons fortement d’aller lire à propos des différentes plateformes et de comparer leurs points positifs et négatifs ainsi que les différents frais (commission, frais d’utilisation…) que vous devrez débourser pour leur utilisation. Enfin, vous devez savoir qu’en faisant une telle campagne, vous devrez investir beaucoup de votre temps dans la mise en valeur de celle-ci sur votre site internet, vos réseaux sociaux, votre journal et lors de vos interactions avec les gens.

« Tout ou rien » ou « Garder le tout » ?  

Dans la majorité des cas, les campagnes de financement sur le web reposent sur le principe, peut-être dissuasif pour plusieurs, du tout ou rien, c’est-à-dire qu’il est nécessaire d’atteindre l’objectif que vous vous serez fixé pour récolter l’argent accumulé lors de votre campagne. Dans le cas contraire, l’argent est remis à vos contributeurs. Nous ne doutons pas de vos intentions, toutefois, les gestionnaires de ces plateformes désirent limiter les risques pour ceux qui vous auront encouragé. Ne vous inquiétez pas, ces restrictions existent pour que vous fassiez, en quelque sorte, une promesse à vos contributeurs, la promesse de leur remettre quelque chose en échange de leur contribution. Il semblerait que cette façon de faire nécessite plus d’engagement de votre part, mais que les retombées puissent être plus substantielles pour vous ainsi que pour ceux et celles qui vous encourageront lors de cette expérience.

Dans d’autres cas, il y a le principe populaire du « garder tout », comme dans le cas d’Indiegogo. Il s’agit alors de choisir l’option de financement fixe. Cette option est moins risquée pour vous, mais ce n’est pas nécessairement le cas pour les contributeurs qui vous appuient dans l’atteinte de votre objectif. Nous verrons cette situation plus en détail dans la présentation de différents exemples de plateformes un peu plus loin dans la chronique.

 

Quelques exemples de plateformes que vous pourriez utiliser…

Kickstarter : Vous avez déjà probablement entendu parler de cette plateforme étant donné sa popularité grandissante. Elle peut être utilisée dans de nombreux champs autant créatifs qu’entrepreneuriaux (création de jeux de société, lancement d’album de musique, édition spéciale de votre journal…). Vous devez savoir que Kickstarter n’a pas de visée caritative. Ce n’est pas à l’aide de ce type de financement participatif que vous pourrez faire l’achat de matériel ou obtenir de l’aide monétaire.

Malgré cela, la plateforme reste fréquemment utilisée pour des projets journalistiques. Voici une liste de projets qui sont classés dans la catégorie journalisme sur la plateforme (vous pouvez filtrer les projets selon différents indicateurs tels que le lieu, l’engagement qu’ils suscitent, la date de début et de fin, la proximité, etc.):

En utilisant Kickstarter, vous faites une promesse aux gens qui décident d’appuyer votre projet ou votre idée. Vous recevez un financement équivalent au montant nécessaire à la réalisation de votre projet. En échange, les personnes qui vous ont appuyé reçoivent un objet, un bien tangible ou un service de votre part. Il importe de noter que vous recevez l’argent du financement uniquement si vous atteignez la somme que vous avez fixée dans un délai de 60 jours. En y participant, vous n’achetez pas l’objet ou le service du créateur, vous le soutenez dans son processus créatif. Si l’objectif n’est pas atteint, vous ne recevrez rien, car on présume implicitement que le créateur a besoin du montant visé au complet pour réaliser son projet. En attendant, voici un petit guide créé par Kickstarter qui vous donne différents outils et vous permet de mieux fixer et atteindre l’objectif de votre campagne :

À titre d’exemple, pour le 30e anniversaire de votre journal, vous pourriez décider de publier une édition spéciale financée par les gens de votre communauté qui ont à cœur ce projet. Ce type de financement pourrait aussi être l’occasion de mener un excellent exercice de communication pour vous et pour votre équipe tout en solidifiant les liens que vous entretenez avec votre communauté.

 

Indiegogo

Cette plateforme est similaire à Kickstarter à l’exception du fait que, sur Indiegogo, vous avez l’option de faire une campagne de financement fixe ou flexible, ce que Kickstarter n’offre pas. En d’autres termes, une campagne flexible vous permettra de conserver l’argent des contributeurs même si vous n’avez pas atteint votre objectif, tandis que, dans le cas d’une campagne fixe, vous devrez atteindre votre objectif pour conserver la somme amassée, sinon elle sera retournée à vos contributeurs. En fait, le format fixe est privilégié, voire standardisé sur Indiegogo.

La plateforme est accessible à n’importe quel particulier ou entreprise et s’adapte à plusieurs idées ou projets. Indiegogo prend environ 8 % du montant amassé de chaque campagne.

La plateforme est similaire à Kickstarter dans le sens où, si vous décidez d’opter pour une campagne de financement fixe, il est nécessaire que vous atteigniez votre objectif pour récolter l’argent dans un délai d’environ 60 jours. Dans le cas contraire, l’argent sera retourné à vos contributeurs.

Toutefois, si vous n’avez pas atteint votre objectif, Indiegogo vous donne la possibilité de conserver le montant d’argent (si celui-ci est supérieur à 500$) amassé à condition que vous payiez un pourcentage relativement élevé du montant accumulé, soit environ 9 %.

Si vous désirez en savoir plus, nous vous conseillons fortement d’aller vous renseigner sur les différents tarifs et possibilités proposés sur le site d’Indiegogo.

 

Patreon : Patreon existe depuis 2013. La plateforme profite aux artistes et aux producteurs de contenu (podcasts, bédéistes, musiciens, écrivains, journalistes) qui reçoivent l’appui financier de mécènes soit à intervalle régulier (abonnement), soit par œuvre ou contenu produit.

Contrairement aux autres exemples mentionnés dans cette chronique, Patreon est basée sur le long terme et sur la quantité d’idées et de contenu que vous pouvez partager, c’est-à-dire, que vous n’avez pas de date limite pour amasser de l’argent, ni de limite d’idées ou de contenu comme sur Indiegogo ou Kickstarter qui se limitent généralement à une idée par campagne.

Patreon s’appuie sur le principe selon lequel vous recevez du contenu inédit en échange d’un montant d’argent établi par vous ou par le producteur de contenu. Ce dernier peut déterminer différentes récompenses en fonction du forfait choisi par les personnes qui l’encouragent.

Cela peut être un couteau à deux tranchants, car vous ne voulez pas nécessairement voir vos lecteurs s’éloigner définitivement de votre site internet au profit de Patreon. Il doit y avoir un juste milieu dans l’utilisation de certaines plateformes proposées dans cette chronique.

Enfin, certains blogueurs en journalisme tentent de trouver des solutions pour que le financement participatif profite à la pratique journalistique. Voici un site internet qui vous présente différentes façons originales de récompenser vos lecteurs en utilisant Patreon :

 

YouTube et Twitch: Ces deux plateformes sont une aide formidable pour les créateurs de contenu d’aujourd’hui. Elles ne sont pas directement liées au financement participatif, mais elles pourront vous aider à engranger des revenus supplémentaires. Nous tenons à vous avertir que les créateurs de contenus doivent atteindre de hauts standards pour avoir accès à la monétisation, et ce, autant sur YouTube, que sur Twitch.

Ces plateformes utilisent certaines fonctionnalités similaires soit les abonnements et les montants d’argent que les utilisateurs donnent aux propriétaires des chaînes pour avoir accès à du contenu supplémentaire.

Sur YouTube, le prix, le fonctionnement et les bénéfices de la souscription sont déterminés par les créateurs de contenus. Toutefois, certains critères doivent être respectés par ces derniers. Par exemple, il faut compter au moins 30 000 abonnés à votre page pour pouvoir bénéficier de cette fonctionnalité. Si vous voulez plus d’information, nous vous suggérons d’aller consulter ce lien :

  • https://creatoracademy.youtube.com/page/course/channel-memberships?hl=fr.

 

Twitch est similaire à YouTube pour certains services et fonctionnalités offerts aux créateurs et utilisateurs. Les propriétaires de chaînes peuvent offrir différents plans à leurs utilisateurs. Chaque palier de prix offre aux utilisateurs des bénéfices déterminés par le créateur. La plateforme est moins restrictive que YouTube, c’est-à-dire que vous ne devez pas atteindre 30 000 abonnés pour pouvoir monétiser votre contenu, mais plutôt :

  • Avoir fait 500 minutes de diffusion en tout au cours des 30 derniers jours;
  • Compter au moins sept jours « uniques » de diffusion au cours des 30 derniers jours;
  • Avoir eu une moyenne de trois spectateurs au cours des 30 derniers jours;
  • Cumuler 50 abonnés qui suivent votre chaîne.

Si vous voulez en savoir plus sur les modalités de Twitch, nous vous suggérons d’aller consulter ces deux sites internet :

 

Facebook : Facebook offre une fonctionnalité qui peut être très intéressante pour les médias communautaires. En effet, les associations caritatives de certaines régions peuvent recevoir des dons en s’inscrivant préalablement aux paiements Facebook. Un des avantages de ce type de financement est que vous n’avez pas de frais (commission) à payer à Facebook si vous faites votre campagne pour un OBNL.  Si cela vous intéresse, voici quelques liens qui pourront vous aider dans votre démarche :

 

GoFundMe : La plateforme possède une communauté de plus de 50 millions d’utilisateurs. Tout comme les autres sites de financement participatif abordés dans cette chronique, GoFundMe sert à financer une multitude de projets, d’événements et de causes. GoFundMe est principalement utilisé dans un but caritatif (paiements de facture médicale, frais de scolarité, opération d’urgence pour votre chat…); donc, vous ne devez pas remettre de contrepartie à ceux et à celles qui vous auront encouragés.

Pour mettre en œuvre votre campagne, vous devez définir vos objectifs, raconter votre histoire et ajouter certains éléments visuels. Le « storytelling » est très important dans votre processus afin que votre campagne atteigne le plus de gens possible. Ces éléments s’appliquent à l’ensemble des plateformes présentées dans cette chronique.

Contrairement à d’autres plateformes, comme Kickstarter ou Indiegogo, les fonds accumulés avec GoFundMe sont garantis que vous ayez atteint ou non votre objectif. Vous gardez l’argent supplémentaire accumulé lors de la campagne et vous n’avez pas de limite de temps. En fait, votre campagne peut durer aussi longtemps que vous le désirez.

 

En résumé…

Dans l’ensemble, Kickstarter et Indiegogo sont très similaires. Si la formule proposée par ces deux plateformes vous intéresse et que vous ne savez pas  laquelle choisir, vous pouvez consulter ce site internet qui compare les sites de financement participatif :

S’il s’agit de votre première campagne de financement participatif, ou si vous n’êtes pas certain de pouvoir atteindre l’objectif que vous avez fixé, nous vous suggérons d’opter pour un plus petit montant et de miser sur une campagne de type « don ».

Aussi, il est intéressant de noter que plusieurs utilisateurs des différentes plateformes mentionnées, comme Patreon, utilisent celles-ci en parallèle avec d’autres (YouTube, Twitch, Instagram, etc.) pour promouvoir leur contenu, se faire connaître et augmenter leurs chances d’atteindre leurs objectifs.

Enfin, l’un des éléments clés des campagnes de financement participatif sur le web est la promotion que vous fait de celles-ci sur vos différents canaux. Vous voulez qu’elles soient vues par le plus de gens possible, donc mettez-les en valeur. En effet, si vous avez la chance de mettre à profit le plus grand nombre possible de vos plateformes, et ce, pour donner le plus de visibilité à votre campagne, faites-le ! Vous ne perdrez rien et cela pourra être bénéfique pour votre journal. Enfin, si votre expérience est concluante, rien ne vous empêche de retenter l’expérience plus tard.

Sources :