Plus de 140 ans de générosité au Reflet du Canton de Lingwick rappelle

4 novembre 2017.
En avant : Catherine Bouffard, Jacqueline P.-Bouffard et Monique P.-Rodrigue.
À l’arrière : Lisette Bolduc, Manon Bolduc et Daniel Pezat. Photo : Ghislaine Pezat                                          

Catherine Bouffard, Le Reflet du Canton de Lingwick, Lingwick

Au début du mois de novembre, j’ai eu l’honneur de faire une entrevue avec les bénévoles vétérans du Reflet, qui sont là depuis les premières années. Je vous avoue que ça n’a pas été bien difficile… Quand des passionnés se rencontrent, ils se racontent avec enthousiasme. Il s’agit de Jacqueline P.-Bouffard, Manon Bolduc, Lisette Bolduc, Monique P.-Rodrigue et Daniel Pezat. À eux cinq, ils cumulent plus de 140 ans de bénévolat, de générosité et de plaisir à participer à la production de notre journal communautaire, année après année.

Comme Daniel est le seul homme faisant partie de l’entrevue, ça lui qu’il a bien souvent été en minorité au sein du conseil d’administration. Depuis les débuts du journal, il y a toujours eu au moins un homme au CA (pour un maximum de trois) à l’exception de celui de 1992, qui n’était composé que des femmes. Daniel était alors allé rejoindre l’équipe du journal du Haut-Saint-François pendant un an. Mais, comme il s’ennuyait il s’est dépêché de nous revenir.

Qu’est-ce que ça représente pour vous de réaliser que ça fait autant d’années que vous êtes bénévoles au Reflet ?

Daniel : Ça ne nous rajeunit pas. Et comment j’ai pu faire ça ?

Monique ajoute : On n’en revient pas. On ne compte pas le temps quand on est là, pis, tout à coup, tu t’arrêtes et tu réalises que ça fait un bout.

Tous en choeur, ils mentionnent que ça a passé vite.Manon : La charge de travail est « dispersée », et c’est pas si pire pour chacun. C’est pour ça qu’on continue.

L’entraide

La municipalité a toujours soutenu Le Reflet en lui fournissant gratuitement, dès le début, un local dans le centre municipal. Elle a même fourni du papier, en plus de faire l’impression du journal pendant un moment. La photocopieuse de la caisse populaire a aussi surchauffé un peu en imprimant Le Reflet.

Ce sont les bénévoles du journal L’Éveil du citoyen de Weedon, surtout Mme Thérèse Lavertu, qui ont permis la création du Reflet du canton de Lingwick. Notre journal a, à son tour, aidé celui de Scotstown (L’Événement), celui de Bury (Bury’s Image de Bury), puis Le Jaseur de La Patrie à démarrer.

Statue de la Sainte Vierge

En posant une autre question, cela a fait remonter plein de souvenirs que chacun et chacune racontent. Parfois, tout le monde parle en même temps. Daniel se rappelle les débuts, où tout se faisait dans le petit local près de la porte extérieure, là où  les réunions actuelles se tiennent. Il le trouvait trop petit pour une grande équipe et un photocopieur. On a donc demandé aux gens de la pastorale d’emprunter une partie de leur local pour le montage et le brochage du journal. Ce local contenait encore l’autel où les messes pour les soeurs étaient célébrées. Daniel se souvient aussi que Manon avait pris la nappe de l’autel pour la laver un jour où ils avaient une réunion. Avec le temps, ils ont pu utiliser tout le local actuel.

La statue de la Sainte Vierge a été remisée dans un des garde-robes. On lui avait enlevé les mains, qui tenaient par des clous, pour ne pas les briser. Monique se rappelle qu’à un moment donné, Isabelle Bouffard lui en avait refait.

Machine à écrire

Manon mentionne que les textes qui arrivaient au journal étaient déjà tous tapés à la machine à écrire. Avec l’aide de Jacqueline, elle se rappelle qu’il y a eu Josée Bolduc, Diane Rousseau et peut-être Suzanne Blais-Gilbert qui tapaient aussi des textes. Daniel, avec son extraordinaire mémoire, se rappelle que Le Reflet a acheté sa première dactylo électrique pour 80 $.

Avant les imprimantes couleur, le coloriage se faisait chez Monique. Tout le monde arrivait avec ses crayons de couleur. Il y a même eu une parution de décembre où chaque journal était retouché à la main. Les bénévoles avaient décidé de coller des brillants. Mettre la colle, saupoudrer des brillants sur le sapin, attendre que ça sèche.

J’appelle cela de la passion et de la patience, quand un groupe de gens décide de faire quelque chose du genre. L’assemblage et le montage du journal se faisaient en une soirée où six à sept personnes se réunissaient. Lisette se rappelle des pages de petits dessins de toutes sortes de choses qu’il fallait choisir selon l’occasion : petits lapins pour Pâques, citrouilles pour l’Halloween…

Y a-t-il d’autres histoires comme celles-là?

À cette époque, c’était Josée Bolduc qui utilisait le logiciel Publisher. Elle et Daniel ne savaient pas ajouter des pages. Donc Josée en tapait une, elle l’imprimait, puis effaçait ce qu’elle venait de faire à l’ordinateur… et elle recommençait pour la page suivante. Aussi, la pagination a été faite à la main pendant plusieurs années. Plus tard, Daniel a demandé à quelqu’un du journal du Haut-Saint-François de lui imprimer les mois de parutions avec des numéros de pages qu’ils avaient photocopiés en plusieurs copies. Il suffisait alors à l’équipe de découper le mois et le numéro de page pour le coller au bas de chaque page du journal en cours.

Et les photos tramées! Daniel explique que ces photos ressortaient comme celles des journaux, composées de minuscules points gris et blancs, ce qui ne donnait pas de très bons résultats. Il rigole encore en mentionnant que Jacqueline repassait chaque visage pour lui dessiner un sourire au crayon fin. C’était la version manuelle de la retouche photo.

Caméra digitale

Manon relate que Le Reflet était avant-gardiste en achetant une caméra digitale, l’une des premières sur le marché, beaucoup plus grosse et lourde que celles que l’on trouve aujourd’hui. Seuls les grands journaux en possédaient à cette époque.

Le Reflet a été le premier journal communautaire de format magazine à mettre de la couleur après son adhésion à l’Association des médias écrits communautaires du Québec. Manon mentionne que cette seule page couleur coûtait plus cher à imprimer que tout le reste du journal. Ça coûtait 1 $ la page, page qu’il fallait faire imprimer à Lac-Mégantic. Ensuite, Le Reflet a acheté une imprimante couleur. Ghislaine Pezat imprimait les pages couleur. Les pages en noir et blanc se faisaient imprimer à Cookshire. Plus tard, le journal s’est muni d’un photocopieur qui pouvait imprimer l’édition au complet.

Il existait un programme gouvernemental (Centre d’accès communautaire à internet) qui offrait une subvention pour acquérir des ordinateurs afin de permettre à la population de se familiariser avec la technologie. Le Reflet a donc offert un accès à ses ordinateurs pendant environ 16 ans.

Avec toutes ces années de collaboration, il y a certainement eu des amitiés qui se sont créées?

« L’équipe du journal, c’est l’équipe du journal. C’était comme ça au début, et ça toujours été ça, une gang », dit Daniel. Jacqueline ajoute : « Ça a toujours été amical. » En général, tous les membres des différents CA s’entendent bien. Il y a bien sûr eu des réunions où les gens n’étaient pas tous d’accord, comme lorsque la possibilité de se munir d’ordinateurs a été évoquée. La majorité des administrateurs ne voulaient pas d’ordinateurs. La crainte de perdre des bénévoles a fait retarder le projet. On craignait de perdre le caractère communautaire du journal.

En fait, Daniel voulait une table lumineuse qui aurait permis de faciliter le montage du journal. Il n’a jamais eu sa table lumineuse et un premier ordinateur est apparu dans le local du journal en 1997.

Épluchettes de blé d’Inde

Cela amène Lisette à demander s’il y a eu des années difficiles financièrement parlant. Daniel raconte que, lors de la première année, le journal a reçu un don de 100 $, sinon on était dans le trou. Et il s’est juré que ça n’arriverait plus jamais. Par la suite, il y a eu plusieurs activités de financement : soupers spaghetti, épluchettes de blé d’Inde, course de boîtes à savon, bingo, marchés aux puces, album à colorier. Il y a même eu, pendant quelques années, de la vente de calendriers. Est venue aussi la vente d’espaces pour cartes professionnelles. Monique se souvient que les bénévoles ne voulaient pas en avoir trop; ce n’était pas un journal d’affaires.

C’est d’ailleurs Le Reflet qui, le premier, a utilisé le pont couvert McVetty-McKenzie pour y faire une fête. C’était en 1993, l’année du centième anniversaire du pont. Les vétérans ont utilisé des génératrices pour illuminer le pont. Daniel avait dormi dans son camion pour veiller à la sécurité. Jacqueline mentionne qu’ils étaient jeunes et dynamiques à cette époque.

Une activité qu’ils ont bien aimée, même si ce n’était pas une levée de fonds, est la parade des Gai-lurons en 1992. Le char allégorique du Reflet représentait des lecteurs du journal communautaire dans tous les endroits qui sont bons pour le lire. Il paraît que quelqu’un était assis sur une toilette!

Recruter des bénévoles

Ça n’a pas toujours été facile de recruter des bénévoles pour le CA. Certaines années, il y a eu des postes vacants. Monique nous confie que, lors de la fermeture du bureau de poste, qu’elle opérait depuis de nombreuses années, elle a eu peur de s’ennuyer. Elle nous dit : « Je pense que je suis la seule à avoir dit, quand j’ai laissé le bureau : je veux rentrer au Reflet. Pis je ne savais pas comment m’y prendre. Pis j’étais certaine qu’ils diraient non. » Cette révélation a surpris le reste du groupe et les a bien fait rire. Lisette se souvient qu’à ce moment-là, Monique s’était jointe à plusieurs organismes du canton. Daniel mentionne que, de nos jours, il faut faire plus d’efforts pour recruter de nouveaux bénévoles.

L’avenir du Reflet
Même si la rencontre s’est principalement déroulée en parlant du passé, l’équipe du Reflet se doit de regarder vers l’avant. Selon Daniel, la version papier du journal est toujours actuelle, mais il faut penser aux médias sociaux et au web si l’on veut garder des lecteurs.
C’est sûr que l’on ne peut pas leur demander : Allez-vous être encore là pour 25 ou 30 ans ? Mais est-ce que l’intérêt est toujours là, pour vous, de continuer tant que vous allez pouvoir, tant que vous allez aimer ça ?

Sans hésitation, ils répondent oui. Malgré le fait qu’il y a des gens qui partent, de nouveaux qui arrivent. C’est différent aujourd’hui, il y a plus de bénévoles qui travaillent en petits groupes, comparativement à avant, où le montage requerrait plus de personnes, relate Monique.

Pas de retour en arrière
Même s’ils ne retourneraient pas à l’époque de la dactylo, du letraset (forme de stencil) et du coloriage à la main, les bénévoles vétérans ont encore le goût de continuer à offrir de leur temps pour Le Reflet parce qu’ils aiment ce qu’ils font et parce qu’ils ont encore du plaisir. Comme l’a si bien dit Lisette : « Et ça continue. »

En espérant que vous serez là encore bien des années. Merci de votre temps. J’ai bien apprécié ce moment passé en votre compagnie. Avec tout ce que vous avez raconté, vous êtes des bénévoles très généreux et vous pouvez être fières et fier de ce que vous avez accompli jusqu’à maintenant.