Bilan des rencontres régionales : «Ce que vous nous avez dit»

Propos recueillis par Yvan Noé Girouard

 

Une soixantaine de personnes au total ont participé à la discussion intitulée « Parlez-nous de vous »,  animée par le président de l’AMECQ, François Beaudreau, lors des rencontres régionales tenues à Lévis le 13 octobre, à Sherbrooke le 20 octobre et à Montréal le 27 octobre. En voici un résumé qui trace, en somme, le portrait des journaux communautaires membres de l’AMECQ.

La gestion démocratique

La plupart des journaux ont deux catégories de membres : individuels et associatifs. Le coût du membership par personne y varie entre 5 $ et 12 $. Certains journaux ne font pas payer les individus pour devenir membres, mais leur demandent plutôt de s’impliquer dans la production de leur média communautaire. On constate qu’en général, il y a peu de participants aux AGA; dans plusieurs cas on y obtient le quorum de justesse. Le nombre de membres présents oscille entre 5 et 30 personnes en moyenne, tandis que le nombre de membres total des journaux varie entre 40 et 500. Le recrutement des membres se fait surtout de bouche à oreille bien que plusieurs journaux insèrent un formulaire d’adhésion à l’intérieur de leurs pages.

Les CA sont formés de 5 à 7 personnes en moyenne, mais certains d’entre eux comptent de 9 à 12 personnes. Les réunions varient d’une par mois à trois par année. Les membres du CA sont souvent élus pour deux ans. C’est essentiellement par le bouche à oreille que se constitue l’équipe du CA. On approche directement certains candidats pour les de convaincre d’intégrer le conseil d’administration. Ce n’est pas toujours facile de renouveler le CA, car il ne s’agit pas d’une priorité pour les gens, qui sont souvent rebutés par  les obligations associées à une implication au sein du CA. Ce sont souvent les mêmes personnes que l’on retrouve au CA et dans l’équipe de production.

Quelques journaux tiennent des campagnes de financement : ils recrutent des membres en faisant du porte-à-porte une fois par année, ce qui leur permet en même temps d’effectuer du financement. D’autres le font par courrier ou en insérant une enveloppe avec un coupon dans le journal, voire en publiant un formulaire sur leur site web. Autre exemple de financement : un journal effectue ses levées de fonds en organisant une vente de pizzas ou bien un dîner gastronomique.

 

Relation avec les municipalités

Les journaux semblent tous avoir une politique éditoriale claire, ce qui ne les empêche pas d’avoir connu des expériences de censure de la part de leurs municipalités. C’est que plusieurs citoyens confondent le journal communautaire avec un bulletin municipal. Il faut donc souvent se garder de laisser les employés de la municipalité gérer le journal.

Quand on lui vend des pages, la municipalité est libre d’en gérer le contenu. Une problématique souvent rencontrée est l’obligation de publier les textes écrits dans un jargon technique sans aucune correction permise. Pour éviter la confusion des contenus, il arrive que les pages qui sont octroyées à la ville soient de couleur différente.

En termes d’échanges de services ou de partenariat, certaines municipalités ont parfois droit à un escompte; on leur accorde alors la moitié du prix courant. D’autres journaux reçoivent une subvention annuelle de la municipalité, ce qui exige d’eux d’entretenir d’excellentes relations avec le Conseil municipal ou la direction générale de la municipalité.

 

Les bénévoles… et les employés

Le nombre de bénévoles qui œuvrent au sein des journaux communautaires peut varier de 5 à 40 personnes. Le nombre d’heures de bénévolat se situe entre 60 et 389 heures par parution. De plus, les bénévoles sont souvent membres du CA et ce sont aussi les bénévoles qui distribuent les journaux dans les 200 points de dépôt.

Les journaux tiennent, pour la plupart, des activités de reconnaissance des bénévoles une fois par année, soit lors d’un 5 à 7, soit lors d’un souper ou d’un party. D’autres profitent de la soirée de reconnaissance des bénévoles organisée par la municipalité pour honorer ceux du journal. Tous s’entendent pour dire qu’il faut savoir remercier ses bénévoles. Pour ce faire, on peut également remettre certificats de reconnaissance.

Il y a cependant un constat à faire concernant les bénévoles : ils vieillissent et il est de plus en plus difficile de les remplacer. La demande est là, mais l’offre de services est mince.

Bien que la plupart des journaux soient l’œuvre de bénévoles, quelques-uns d’entre eux ont des employés à temps plein, en général une ou deux personnes. D’autres comptent sur des pigistes ou des contractuels. On déplore toutefois le manque de formation offerte aux employés, et ce, faute de ressources financières. Les montants offerts aux pigistes pour leur travail sont environ 50 $ pour les chroniques et 150 $ pour les articles. Les infographistes sont généralement des contractuels et les vendeurs de publicité se voient offrir des commissions de 20 %.

 

La publicité n’est pas au rendez-vous

La recherche de publicité est le nerf de la guerre, mais tandis que les coûts de production augmentent et les revenus publicitaires, eux, fondent à vue d’œil. Les journaux déplorent le manque de publicité gouvernementale et la difficulté de vendre de la publicité locale. On constate que les commerçants locaux annoncent avant tout pour soutenir le journal et se demandent même à quoi bon annoncer. Quant à la publicité sur le web, elle n’est tout simplement pas rentable, à titre d’exemple : 800 clics donnent 15 $. Dans ce contexte, les journaux doivent trouver des stratégies pour intéresser les annonceurs.

 

Le papier versus le Web

Tous les journaux consultés sont d’accord pour l’affirmer : il faut maintenir la version papier, qui est là pour rester. Le média communautaire imprimé est en demande, car le lectorat manifeste un véritable attachement pour ce support. Selon les équipes de médias communautaires, c’est le papier qui permet d’être près des gens. Les gens conservent leur journal papier. Le papier est très fortement ancré dans les habitudes de la population (la distribution par la poste est d’ailleurs plus efficace et celle par publi-sac est moins dispendieuse). La force des journaux papier est qu’ils sont livrés à chaque porte et se retrouvent dans chaque foyer.

Le web gagne sans cesse de l’espace, qui est de plus en plus restreint du côté du papier. Le web accroît le rayonnement et permet de poster des publications entre les éditions imprimées. Les sites web et Facebook peuvent être mis à jour fréquemment. Comme le réseau Internet n’est pas encore uniformément accessible dans toutes les régions, il faut regrouper les ressources. La fibre optique n’existe pas partout. Il faut donc tenir compte du fait que tout le monde n’a pas accès à Internet. De plus, les publicitaires ne paient pas pour le Web. Les revenus générés par clics ne sont pas payants. On espère donc que le papier va durer. Comme nous avons affaire à des clientèles différentes, il faut qu’il y ait deux approches différentes. Sur le Web, les gens ne vont cliquer que sur ce qui les intéresse, ce qui n’est pas le cas du journal papier.

Le Web est en train de changer les habitudes de lecture des gens. En ligne, un média n’a que quatre secondes pour attirer l’attention sur une page. Il faut donc tenir compte de cette nouvelle donne. Aussi, les gens passent de plus en plus de temps sur Facebook. Beaucoup y accèdent par leur téléphone (35 %) le site du journal doit donc être adaptatif. Reste à déterminer comment faire la promotion du site web ou de la page Facebook du journal…

 

Les défis d’ici 10 ans

Les principaux défis relatés par les journaux rencontrés pour les 10 prochaines années sont variés : l’adaptation au Web et au vidéojournalisme; l’arrimage de la version papier et des médias sociaux; l’atteinte de l’objectif du 4 % en matière de publicité gouvernementale; la migration du journal communautaire vers le multimédia; la mise à contribution des MRC pour la création de médias communautaires régionaux;  la recherche des personnes aptes à faire du financement et à s’occuper du sociofinancement; le maintien des trois principales sources de financement : gouvernementales, municipales et publicitaires; des solutions pour contrer le vieillissement des bénévoles et l’exode des jeunes qui ne reviennent pas au village. Malgré ces défis de taille, tous les journaux communautaires consultés sont d’accord pour dire que, dans dix ans, ils existeront toujours, mais que leur modèle d’affaires devra changer.

 

La perception de l’AMECQ

La mission de l’AMECQ est perçue de la façon suivante par ses membres : défendre les intérêts des membres face au MCC; donner de la formation; tenir un congrès; permettre des échanges entre les journaux; appuyer les journaux communautaires. L’AMECQ, par ses nombreux services, aide à faciliter le travail des membres. Les liens entre l’AMECQ et ses membres sont importants, essentiellement parce que l’AMECQ représente la principale source de formation, notamment offerte lors des congrès, pour la plupart des journaux membres. De plus, le travail de l’AMECQ a été particulièrement apprécié dans le cadre de l’étude de lectorat des médias écrits communautaires réalisée au début de l’année.

Voici quelques suggestions qui ont été faites à l’AMECQ : mettre un lien vers le site du journal quand un texte est publié sur le site de l’AMECQ; évaluer la pertinence d’une campagne de sociofinancement annuelle avec contribution au prorata par journal; donner des ateliers de formation aux nouveaux venus lorsqu’il y a des changements de personnel dans un journal;  faire des capsules vidéo et des documents d’encadrement; devenir un groupe de lobby et mettre l’accent sur la combativité;  faire plus d’efforts pour trouver des annonceurs nationaux; augmenter la fréquence des ateliers de formation.

 

Accomplissements dont les journaux sont le plus le plus fiers

Interrogés pour savoir quels étaient les accomplissements dont ils étaient le plus fiers, les journaux participants ont répondu qu’ils étaient fiers  d’être encore là depuis 29 ans, 33 ans, 36 ans, 40 ans ou même 45 ans. En d’autres termes, la fierté des journaux, c’est leur longévité, le fait d’avoir réussi à durer en étant toujours là pour leurs communautés et surtout en étant apprécié par leurs lecteurs. N’être jamais tombé dans la facilité et demeurer pertinent. Le journal communautaire est aimé des petits et des grands, des enfants et des grands-parents. On peut sentir l’attachement de la population au journal communautaire, qui est là pour donner des moments de gloire à des individus ordinaires.

Certains journaux ont réalisé des projets spéciaux.: Certains ont troqué le mini format pour le magazine couleur ; d’autres ont augmenté le rythme de production bimensuel; l’un d’entre eux est devenu un magazine dont gens sont fiers; un autre membre a mis de la couleur et changé son logo selon la saison; certains sont passés du format 8.5 broché au format magazine, ont mis toutes leurs archives sur le web, ont créé un projet spécial d’activité parascolaire en collaboration avec les écoles où des jeunes ont publié des textes dans le journal, ont a publié une édition spéciale montrant l’évolution du journal. Et ainsi de suite…

En somme, un journal communautaire, c’est un réseau de communication. Quand on parle d’eux, les gens se reconnaissent dans le journal. Ils en parlent alors entre eux. Le monde ordinaire n’a plus que les journaux communautaires pour se reconnaître. La notion d’information a changé, il est donc primordial d’avoir la  reconnaissance du milieu.