Encore une maudite année devant moi !

Francine Chatigny, La Quête, Québec, mai 2016

Cette phrase, Serge Larochelle se l’est répétée chaque Premier de l’an pendant 40 ans. Puis, à l’automne 2008, rien ne va plus pour l’employé de la fonction publique : il cumule les erreurs, il dort sur son bureau, il pleure… Son directeur de service lui intime de se rendre à l’hôpital d’où il ressort avec une prescription d’antidépresseurs et la confirmation du psychiatre de l’urgence qu’il peut, dès le lendemain, reprendre sa routine quotidienne comme si de rien n’était ! En entrevue à La Quête, Serge Larochelle confie que ce sera plutôt le début d’une longue descente aux enfers.

Pendant quatre ans, il subira les effets d’une médication mal ajustée qui, non seulement, ne l’aide pas à vivre son quotidien comme si de rien n’était, mais ne contribue pas plus à enrayer les idées noires qui l’assaillent. Quatre longues années au cours desquelles il verra son couple éclater, ses relations s’effriter, sa santé mentale se dégrader à grande vitesse et sa stratégie de suicide… se peaufiner.

En 2012, à la suite d’une tentative de suicide, Serge Larochelle est hospitalisé pour une deuxième fois à l’Institut universitaire en santé mentale du Québec (IUSMQ). « Vais-je venir ici chaque quatre ans », se demande-t-il. Il sent qu’il doit amorcer une révolution personnelle. Heureusement pour lui, le psychiatre qui l’accueille cette fois-ci démontre une empathie naturelle et un bon sens de l’humour… et lui coupe sa médication de moitié.

Serge peut alors entreprendre, épaulé par son psychiatre confiant de trouver les sources de sa dépression, une profonde introspection et cibler l’origine de son mal de vivre. « Je m’en suis sorti grâce à ce médecin qui a pris le temps de m’écouter, à l’équipe médicale hors pair de l’IUMSQ et aussi à la thérapie fermée que j’ai ensuite suivie au Centre croissance renaissance », explique-t-il.

 

Maintenant ma vie prend racine

 

Après son rétablissement, celui qui a toujours écrit, notamment des coups de gueule politique, entreprend de rédiger un livre sur la dépression. « Je voulais présenter le point de vue d’un homme, parler des préjugés et, aussi et surtout, d’espoir », commente l’homme qui avoue que cette difficile tranche de vie l’a rendue plus solide.

Dans les premiers chapitres de Maintenant, ma vie prend racine, on peut lire le journal intime que tenait Serge Larochelle pendant qu’il taquinait la mort. « J’ai mis l’accent là-dessus parce que je veux que les lecteurs comprennent à quel point on est obnubilé par les idées noires pendant ces périodes ». Ces chapitres-là ne sont pas destinés aux gens en dépression « ils n’auront pas envie de lire cela » ajoute-t-il, mais plutôt à leur entourage afin qu’il ne sous-estime pas l’ampleur de la détresse inhérente à la dépression.

La deuxième partie du livre, dont la troisième édition paraîtra sous peu, contient des trucs, des conseils et des messages d’espoir tant pour les dépressifs que leurs proches. « Malgré l’ampleur du désespoir, à un certain stade on arrive à croire qu’il peut y avoir autre chose », admet l’auteur.

 

« Il y a une vie après la dépression…»

 

Après la publication de son livre, Serge Larochelle réalise qu’il y a plus à dire et conçoit une conférence, Il y a une vie après la dépression, qu’il offre sur demande. « Je voulais insister sur le comment on se sent en dépression et comment aider les gens dépressifs. L’entourage ne sait vraiment pas quoi faire, ni comment », témoigne en connaissance de cause le conférencier. Son auditoire est varié (voir encadré), tout comme les conseils qu’il donne, qui sont basés sur son expérience personnelle. « Premier conseil : dès que vous sentez des symptômes apparentés à la dépression, consultez ! » insiste-t-il. L’échange avec le public met de l’avant des préoccupations récurrentes. « Quand des gens me disent qu’ils ne veulent rien savoir de la médication, je réponds qu’il vaut mieux prendre des antidépresseurs que de se retrouver à la morgue ».

La médication, qui peut être un traitement temporaire, est un support essentiel selon lui. Enfin, ses conférences servent à semer l’espoir. « Je fais ce que j’aime. Les conférences. Les livres. Maintenant, ça va bien… et je dois le dire ! » Pour obtenir plus d’informations sur le livre et la conférence de Serge Larochelle www.sergelarochelle.com

 

LES GARS N’ONT PAS LE DROIT D’ÊTRE FAIBLES

« Je suis allé donner une conférence dans une usine de fabrication de fenêtre. Avant que je commence mon allocution, un homme est venu me dire que, lui, ‘’ il ne ferait jamais de dépression ». Je lui réponds qu’il est chanceux, mais je ne peux m’empêcher de lui demander pourquoi il peut affirmer ça. « Parce que je suis un vrai gars », m’a-t-il répondu. À la fin de la conférence, le vrai gars est venu acheter mon livre, mais m’a fait jurer de ne le dire à personne… Les gars sont trop fiers, ils n’ont pas le droit d’être faibles ».

 

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