Les immigrants ont le dos large

Christine Richard, L’Itinéraire, Montréal, le 1er  mai 2016

Je ne me souviens plus où j'ai entendu cette phrase qui disait que l'homme est un animal stupide qui retombe toujours dans les mêmes pièges, mais elle est, plus que jamais, pleine de bon sens. L'histoire a plusieurs fois confirmé cet adage. Les crises économiques ont infailliblement engendré des crises sociales qui à leur tour ont mené à une montée de la droite. Les Mussolini et Hitler d'hier font place aux Le Pen et Trump d'aujourd'hui. Nous demandons en outre à nos politiciens de gérer le pays comme on gère un portefeuille. Nous sommes en sérieuse panne de visionnaires menant leur peuple vers un projet commun.

L’arrivée des quelque 25 000 réfugiés syriens secoue l'opinion publique. Les échos de la population en général nous amènent les réflexions suivantes: Les immigrants déjà établis peinent à s'intégrer, comment alors en faire entrer d'autres? Ne devrions-nous pas prendre soin de nos itinérants avant de nous occuper des étrangers? Rappelons-nous pourtant qu'il y a à peine deux ans, nous avions au centre-ville des pics anti-itinérants, alors que la question syrienne ne se posait pas encore. C’est tout dire! Les immigrants ont le dos large.

À Montréal, qui aujourd'hui n'a pas de voisins provenant d'un autre pays? La plupart du temps, nous oublions même qu'ils viennent d’ailleurs. Nous les apprenons à les connaître comme ils apprennent à nous connaître. Malheureusement, ces dernières années, un discours haineux provenant de la droite semble prendre racine. «Si t'es pas content, retourne chez vous! » Qui n'a pas entendu cette phrase au moins une fois dans sa vie?

L'immigration est, et ce plus que jamais, au centre de tous les enjeux ministériels. Pourtant, le vieillissement de la population. le faible taux de natalité ainsi que les départs massifs à la retraite représentent des freins pour le Québec qui peine à rester productif au niveau international.

Rendons-nous à l'évidence. Les immigrants sont ici pour rester. Il s'agit de survie, même pas de qualité de vie. La seule façon d'intégrer les immigrants, ce n'est pas en leur dictant comment vivre avec une charte qui les ostracise dès le début et les rend coupables jusqu'à preuve du contraire. C’est plutôt en leur proposant un projet de société commun, bref, une vision qui intègre tous les Québécois, peu importe leur origine.

Et quoi de mieux que le travail pour intégrer quelqu'un ? En 2011, l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS) mentionnait la non-reconnaissance des diplômes étrangers, le manque d'expérience de travail en terre d'accueil ainsi que la discrimination directe à caractère raciste comme des obstacles importants au levier de développement économique qu'ils pourraient apporter.

S'il est important d'intégrer les immigrants en emploi, ils ne doivent pas non plus n'être considérés que comme du capital humain. En tant que futurs citoyens, leur contribution ne peut se réduire à leur participation au développement économique. Dotons-nous d'une réelle politique pour les intégrer, car, à terme. c'est toute la société qui y gagnera. Menons des campagnes de sensibilisation, donnons des avantages aux entreprises qui embauchent des immigrants, pour ne donner que ces exemples. car il s'agit d'investissements, pas de dépenses.

Il en va de notre bien-être à tous. Qui sait, ce qui semble aujourd'hui tout à fait farfelu pourrait être réel demain. Avec le recul phénoménal des structures sociales sous la bannière de t'austérité, peut-être qu'un jour nous connaîtrons leur réalité. Et nous, comment voudrions-nous être accueillis?

 

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