Jean-François Gerardin, Le Lavalois, Sainte-Brigitte-de-Laval, avril 2016
« Moi, je pourrais pas vivre sans solidarité parce que si on n’est pas solidaire, on ne se fait pas beaucoup d’amis. Sans solidarité, on est rien du tout. » Julie, 10 ans. Albert Jacquard n’aurait pas dit mieux… « Avec mes amis, on s’aide les uns les autres. Quand on a un problème, c’est comme si on avait tous un problème et on essaye de le régler tous ensemble. » Wanderson, 9 ans.
Et nous, adultes accomplis, en la matière ou non, que disons-nous à propos de la solidarité? Sommes-nous solidaires mes amis? Il n’y a pas si longtemps, nous avons connu les corvées, accomplies spontanément et avec réel enthousiasme lorsqu’un voisin, une famille ou une communauté vivaient un drame exigeant un secours collectif important. Qu’en est-il aujourd’hui?
Un peu d’histoire: « Unus pro omnibus, omnes pro uno ».
Saviez-vous que cette devise bien connue des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas était la devise non officielle de la Suisse? En 1868, fin septembre et début octobre, les Alpes connaissent un épisode de pluies diluviennes entraînant de nombreuses et fort sévères inondations. Des régions entières sont sinistrées. Dans le but de stimuler un sentiment de solidarité et d’unité nationale, les autorités de l’époque lancent une campagne d’aide en utilisant ce slogan qui fera le tour du monde. La Suisse étant aussi italienne et allemande, on le verra apparaître en italien et en allemand.
Notons qu’officieusement, bien avant cet événement, l’humain a toujours eu ce réflexe de se porter au secours de celui qui en avait besoin. La bonne samaritaine ou le bon samaritain sont heureusement toujours d’actualité et les Saint-Martin comme leur modèle qui fendit son manteau en deux parties pour un nécessiteux a des émules encore aujourd’hui.
Qu’est-ce que la solidarité?
C’est un sentiment de responsabilité et de dépendance réciproque au sein d’une collectivité, d’une communauté, d’un groupe de personnes qui sont moralement obligées les unes par rapport aux autres. À cet égard, on ne peut se sentir moralement concerné si notre conscience individuelle et collective est inexistante ou embryonnaire.
Conséquemment, cette réciprocité mène ou incite le citoyen à agir comme s’il était directement confronté aux problèmes des autres. Et, sans cette attitude éminemment communautaire, ce sont le présent et le futur de cette collectivité qui pourraient être compromis…
Sommes-nous solidaires?
Il est certain que nous pouvons compter sur de nombreuses organisations caritatives et bénévoles qui veillent, à la mesure de leurs moyens, à exercer une action bénévole structurée et officielle auprès des laissés pour compte, des déshérités, des millions, voire des milliards de pauvres gens sous la botte des milliardaires qui les oppriment.
La Croix-Rouge, Centraide, Médecins sans Frontières, Enfants Soleil, Saint- Vincent-de-Paul, Armée du Salut, Moisson Montréal, Accueil Bonneau et Lauberivière ne sont que quelques exemples de cette solidarité structurée et pérenne. Et puis, je n ’o u b l i e pas tous ces groupes de bénévoles qui choisissent de travailler, localement, pour apporter leur aide dans leur milieu réciproque…Mais je veux aller plus en profondeur. Jusqu’où va la solidarité? Est-elle toujours officielle et fait-elle toujours l’objet d’un certain battage publicitaire ou s’accompagne-t-elle, plus souvent qu’on ne le pense, de gestes anonymes car cette action profondément solidaire n’a pas besoin d’être ostentatoire?
Anonymat
Je sais d’expérience et par témoignages indirects que la solidarité existe dans ma ville et ailleurs et que sans elle, je ne crois pas que nous pourrions nous en sortir indemne en tant qu’individus et sociétés. Un peu partout, la solidarité fleurit et refleurit au gré de l’éveil individuel et collectif et cette révolution commence en chacune et chacun de nous. Nous pouvons bien souhaiter une société plus juste, plus éthique. Nous pouvons bien répéter que nous désirons un monde pacifique, harmonieux où les richesses sont réparties équitablement. Mais si la solidarité n’est pas une ligne de conduite pour chacun de nous, inutile de rêver à une embellie mondiale.
Une question se posera toujours
Comme le disait la jeune Julie, 10 ans, en début de texte : « Sans solidarité, nous ne sommes rien ». Albert Jacquard l’a dit et répété sous bien d’autres formules, mais celle de cette enfant est accessible à toutes et tous et invite à la réflexion bien des adultes, beaucoup plus qu’on ne pourrait l’imaginer.
Je me rappelle la question d’un de mes amis lavalois qui me demandait, il y a de çà quelques années, « Jean-François, j’aimerais faire quelque chose pour ma communauté, mais je ne sais pas en quoi je pourrais être utile…» Je crois que les causes ne manquent pas et elles ne sont pas toutes, selon moi, à caractère caritatif.
La solidarité et la vie citoyenne
Il existe, dans nos municipalités et nos villes, partout dans le monde, des problèmes d’intérêt public qui sont criants parfois et dont les retombées affectent toute une population. Tout le monde est conscient de cette réalité… Cependant, il arrive qu’une immense indifférence se manifeste au regard des problèmes qui nous concernent tous.
On entend souvent: « Je paie mes impôts et pour le reste, ce n’est pas à moi de contribuer davantage. Nous avons des élus, qu’ils fassent leur boulot.» Avec un tel raisonnement, un peu simpliste, oublions la santé, l’essor et le bien-être de toute société… Combien de fois avons-nous ainsi constaté que notre indifférence, voire notre laxisme citoyen, provoquaient des situations regrettables au vu des résultats? Être solidaire, cela va au delà de nos impôts; il nous faut sortir de notre bulle confortable et être plus présent à la « chose publique ». Et là, nous avons parfois de grandes résistances citoyennes, ne nous le cachons pas…
Vers un monde meilleur…
Nous sommes les vecteurs essentiels de changements profonds : en nous-même pour affiner notre propre conscience et autour de nous pour participer au bien commun de toute la communauté. Dans la nature, je me sers très souvent de cet exemple que j’utilisais en écologie avec mes élèves : les relations vivant-vivant qui y existent.
Nous connaissons, d’un côté, la prédation, le parasitisme et la compétition qui se manifestent au sein de la faune, de la faune ailée, de la faune halieutique et des végétaux et de l’autre côté, le mutualisme, le commensalisme et la coopération. Nous réalisons aussi que nous obéissons malheureusement encore trop souvent à l’influence des trois premières relations: prédation, parasitisme et compétition malsaine au détriment du mutualisme et de la coopération qui induisent la solidarité dont il est ici question.
Solitaires ou solidaires?
Si chacun de nous cultive en lui et autour de lui ces comportements souhaitables pour une humanité en meilleure santé physique et psychologique, nous serons tous reconnus des terriens solidaires et non solitaires.