Hélène Dorion : Une poète, un livre, leur histoire

Jocelyne Annereau Cassagnol,
Le Sentier, Saint-Hippolyte, avril 2016

En avril, au Centre d’exposition de Val-David, Hélène Dorion a présenté Temps du paysage, son dernier livre. Il s’agit d’un livre dont le papier a été choisi pour bien s’allier aux photographies, un livre qu’on caresse, qu’on a plaisir à posséder.

Les auditeurs étaient nombreux. Chacun se déplaçait lentement, d’une photographie à l’autre, chuchotant ses commentaires ou hochant la tête en silence, d’un air dubitatif. La poétesse accueillait chaleureusement ses connaissances. Puis elle se dirigea vers le micro…

 

Se relier à soi- même par le paysage

 

Femme toute menue, vibrante, elle est d’une intensité profondément émouvante. Sa voix nous touche, trouve un écho immédiatement. Avec simplicité, elle nous emmène en Italie, en Ombrie, dans ce château magnifique du 15e siècle. Invitée par la Fondation Civitella Ranieri, en résidence d’artistes, elle nous promène dans ces lieux qui n’ont rien d’insolite, mais sont empreints de beauté. Elle apprivoise ces paysages, pénètre ces chemins, lève la tête vers ces voûtes de feuillage, s’enfonce dans la brume légère et se retrouve, aspirée au plus profond d’elle-même, en symbiose. Nous comprenons que les paysages ou plutôt la lecture que nous en faisons reflètent notre vie intérieure. Tout comme la lumière et l’aspect du ciel modifient le panorama, nous-mêmes nous nous redéfinissons constamment.

 

Elle est d’une authenticité percutante

 

Elle évoque la mort de son père, les étapes douloureuses, les brouillards. Nous traversons avec elle ces brumes, ces ombres, cette douleur poignante et finalement l’absence, le silence laissé par la mort. Puis la vie nous réinvente en nous faisant retourner dans le vertige spiralé de l’enfance… L’auditoire, captivé, boit ses paroles puis certains font part de leurs impressions et de leurs émotions. Hélène remercie pour ces partages et me revient alors, à l’esprit ce qu’elle me disait il y a quelques années ã propos des résonances et de ses échanges avec les lecteurs : « Nous sommes des êtres de liens ».

 

Liens, rupture, force créatrice

 

Engagée, Hélène Dorion porte en elle la conviction profonde que le poète, comme l’artiste, par sa vision et le biais des sensations, peut toucher et ébranler certains aspects de nous-mêmes et aussi de nos sociétés. « Cela donne le sentiment de constituer une communauté qui offre une certaine résistance à la société qui nous entoure » me disait-elle, lors d’une entrevue. Dans son dernier livre, elle explore la fracture du deuil de son père. « Je suis née d’un homme qui a tenu la main de mon enfance ». Elle nous interpelle, crée en nous des remous intérieurs. Elle fait émerger des souvenirs, nous rend conscients de la vulnérabilité et de l’éphémère qui nous fait vaciller. Elle nous invite à éclairer nos paysages intérieurs, à explorer notre force créatrice à partir de nos différentes ruptures. « En mourant à soi-même, on accède à ce que l’on est ». Son élan, sa fougue nous incitent à goûter cette beauté de la vie qui nous entoure, beauté incommensurable et précieuse, car fugace et fragile. Ce fut une belle rencontre, un moment qui réjouit l’âme et le cœur.

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