Louise Lebœuf, Le P’tit Journal de Malartic, le 13 avril 2016
Comment passer sous silence le décès de Sandy Michel, ce jeune Algonquin à Lac-Simon. Rappelons les faits: mercredi le 6 avril dernier, Sandy Michel, 25 ans, est mort par balle à Lac-Simon suite à une intervention policière. Sandy Michel se promenait avec une arme blanche dans les rues de la communauté.
En 2009, son frère, Johnny Jr Michel-Dumont est mort dans des circonstances similaires. En peu de temps, les réseaux sociaux se sont emparés de l'histoire. Un film amateur s'est propagé comme une traînée de poudre sur facebook démontrant toute la tension au moment où les agents de la Sûreté du Québec sont arrivés comme premiers répondants pour prêter secours à la victime. Avec son cellulaire, une jeune Autochtone filme la scène d'arrivée des policiers et on l'entend parler à son ami: « Regarde , c'est lui qui m'a violée l'autre jour », en parlant d'un des policiers. J'en ai eu des frissons. Un autre drame à ne pas oublier malgré l'atrocité des autres. Si on porte bien attention aux paroles dans la vidéo amateur, on entend également : «Maudit speed, maudite drogue».
Samian, le rapeur algonquin a publié un cri du cœur sur les réseaux sociaux : «Je suis triste… En colère… Déçu… J'en ai marre de voir à quel point l'alcool et la drogue ravagent nos communautés ! J'entends tellement de jeunes se plaindre que les Blancs nous font si, nous font ça… Alors qu'on se fait plus de mal entre nous que les soit disant "Blancs" Ce n'est pas une question de couleur, mais d'honneur! Nos parents ont souffert, nos grands-parents ont vécu les pensionnats, nos arrières arrière grand- parents ont vécu la colonisation et nos ancêtres ont versé du sang pour nous ! Et nous ? Quel exemple on donne à nos enfants ? Ça fait des années que je me bats pour montrer, avec optimisme, une belle image de nos communautés, mais à chaque fois que j'y retourne je constate que la situation est terrible ! J'en ai marre de voir des adolescents briser leurs rêves avec du poison!
On se dit fier de notre culture, mais on ne le montre pas! On se dit guerrier, mais on ne se bat pas ! L'alcool et la drogue embrouillent l'esprit … Pensez-vous vraiment que nos ancêtres avait besoin de ça !? Pensez-vous vraiment qu'ils seraient fiers de nous !? Tu n'es pas un Amérindien parce que tu sais boire une caisse de 24! Un Amérindien ça se tient debout ! Pas à 4 pattes ! Il est temps qu'on se lève ! Qu'on se réveille ! Vous voulez voir du changement ? Soyons le changement ! Soyons digne de se dire "Autochtone" arrêtons de s'apitoyer sur notre sort ! Le combat est loin d'être terminé.»
Rappelons aussi que le 13 février dernier, Thierry Leroux, un policier de 26 ans avait perdu la vie en devoir lors d'une intervention à Lac-Simon. Il a été abattu par balle avant que le jeune Algonquin retourne son arme contre lui. Les représentants syndicaux des policiers du Conseil de la Nation Anishnabe de Lac-Simon parle d'une situation explosive qui ne cesse de mettre en péril la sécurité des membres de la communauté et des policiers. Ils interpellent vivement le gouvernement du Québec pour que la crise de sécurité publique soit enfin gérée avec tous les moyens nécessaires. La députée et porte-parole des affaires autochtones pour Québec Solidaire, Manon Massé a elle aussi rapidement réagi et demandé une intervention du gouvernement : «Cette triste histoire rappelle la situation misérable dans laquelle vivent les communautés autochtones du Québec. Ce n’est pas le temps de trouver des coupables, mais de travailler pour briser le cercle vicieux de la violence et de la pauvreté et d’aller au fond des choses, notamment les relations entre les corps de police et les peuples autochtones. …il devient impératif d'agir.»
Que dire de plus? Par où commencer? Je reste sans mot tout comme vous. Je suis allergique aux propos haineux et raciaux, je suis allergique aux commentaires de gérants d'estrade trop souvent abondants sur les réseaux sociaux. Je retiens des mots de la lettre de Viviane Michel, présidente de Femmes autochtones du Québec: «… Les événements récents du Lac-Simon démontrent également qu’il reste énormément de travail à faire en matière de prévention de la violence. Priorisons les efforts de collaboration au sein des communautés et hors communautés. C’est en travaillant ensemble et solidairement que nous parviendrons à développer des stratégies et des solutions qui sont véritablement aux couleurs de nos nations. Nous avons tous une part de responsabilités dans cette situation, peu importe qui nous sommes et d’où nous venons. Travaillons ensemble pour nos futures générations, travaillons ensemble pour nos enfants et travaillons ensemble pour une vie meilleure et sans violence » – Viviane Michel, présidente de FAQ. http:// www.faq-qnw.org/fr/press_media/ press_release/lettre-ouverte-