Des salamandres vulnérables à Dudswell?

Olivette Boulanger, Le Papotin, Dudswell, avril 2016

La municipalité de Dudswell renferme de grandes superficies de forêts naturelles, dont plusieurs sont comprises dans le massif forestier des monts Stoke. Ces forêts regorgent de petits ruisseaux, certains qui s’écoulent toute l’année, d’autres qui se trouvent asséchés sur des périodes plus ou moins longues. C’est précisément dans ces cours d’eau permanents ou intermittents que l’on peut trouver ces fameuses salamandres de ruisseau vulnérables.

On compte trois espèces de salamandres de ruisseau dans les monts Stoke. La salamandre à deux lignes est la plus commune d’entre elles. Les deux autres espèces sont moins abondantes, et bénéficient d’un statut de vulnérabilité au Québec. Il s’agit de la salamandre sombre du Nord et de la salamandre pourpre. La salamandre sombre du Nord, qui est susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable, peut être retrouvée dans des cours d’eau permanents ou qui sont complètement asséchés, pourvu que le sol soit humide. Elle est relativement abondante dans les monts Stoke. La troisième espèce, la salamandre pourpre, est plus rare. C’est elle qui retiendra notre attention dans les prochains paragraphes.

La salamandre pourpre est une salamandre de grande taille. Elle peut atteindre 20 cm. Sa coloration va du rosé à l’orangé, avec des mouchetures. Sa queue est aplatie verticalement, à la manière de la nageoire d’un poisson. Elle utilise d’ailleurs celle-ci pour se déplacer dans l’eau. La salamandre pourpre est plus exigeante que sa cousine sombre en termes d’habitat. En effet, elle ne peut tolérer un assèchement des ruisseaux où elle vit. Elle a donc besoin de cours d’eau permanents ou, alternativement, de mares résiduelles dans les cours d’eau intermittents où elle pourra se réfugier en période d’assèchement. La salamandre pourpre cohabite mal avec les poissons qui représentent pour elle de redoutables prédateurs. Ainsi, on la retrouvera dans des ruisseaux de tête avec un bon débit, mais suffisamment haut sur les versants pour être hors de portée des poissons. Finalement, elle a besoin d’eaux claires et bien oxygénées.

Il est parfois difficile de la repérer dans les tourbillons des cours d’eau. Ajoutez à cela les débris qui se trouvent libérés lorsque vous soulevez les galets susceptibles de l’abriter et les chances sont bonnes pour qu’elle vous file entre les doigts! Mais nul besoin de la capturer pour apprécier sa présence, bien au contraire. Mieux vaut la laisser tranquille : elle améliorera alors votre qualité de vie en se nourrissant de larves de moustiques et autres insectes indésirables. Intéressantes les salamandres, n’est-ce pas?

Que peut-on faire alors pour contribuer au maintien des habitats de qualité pour la salamandre pourpre? Le respect des bandes riveraines est un élément important du maintien de la bonne qualité des cours d’eau habités par la salamandre pourpre. En effet, on tentera de maintenir trois strates de végétation bien représentées sur une largeur minimale de 10 m, idéalement 30 m, de part et d’autre du ruisseau.

Cette végétation abondante réduira les risques d’érosion et de transport de sédiments dans les cours d’eau, en plus de limiter la pénétration de la lumière et, par le fait même, le réchauffement des ruisseaux. L’aménagement de traverses de cours d’eau qui respectent les normes techniques en vigueur limitera également l’apport en sédiments dans les cours d’eau. Les traverses à gué engendrent souvent une dégradation des berges et un brassage du lit des ruisseaux, contribuant ainsi à l’apport en sédiments.

À une échelle plus large, le maintien du couvert forestier sur l’ensemble du bassin versant d’un cours d’eau forestier contribuera à la bonne qualité de celui-ci (fraicheur, oxygénation, faible quantité de sédiments). On tentera donc de maintenir le caractère forestier des milieux naturels, notamment en limitant le prélèvement des arbres à 30 ou 40%. Une autre alternative est de procéder à une récolte forestière basée sur le maintien sur pied d’un certain volume de bois (donc d’une certaine quantité d’arbres). La récolte sera donc plus ou moins grande selon les secteurs, dépendamment du volume de bois sur pied, et au final, le couvert forestier sera maintenu.

Finalement, une bonne planification des travaux forestiers peut contribuer à la bonne qualité des cours d’eau. En effet, on pourra intervenir dans les milieux sensibles en hiver, lorsque le sol est gelé. De cette manière, on limitera la perturbation et la santé des ruisseaux et des peuplements forestiers sera préservée.

Par ailleurs, toutes ces mesures sont bénéfiques pour une panoplie d’autres espèces, végétales ou animales. La salamandre pourpre est une espèce emblématique des cours d’eau forestiers. Sa présence et sa pérennité dans nos ruisseaux sont un gage de pratiques forestières conciliantes avec la grande biodiversité des monts Stoke et de Dudswell!

L’équipe de Nature Cantons-de-l’Est est active dans le secteur des monts Stoke, entre autres à Dudswell. Les personnes intéressées à mieux protéger la biodiversité de leur propriété peuvent donc contacter l’équipe de Nature Cantons-de-l’Est pour plus d’informations sur les monts Stoke et les divers moyens d’agir pour les propriétaires: Téléphone:(819) 566-5600 ou courriel au Monts-stoke@naturecantonsdelest.ca

 

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