La nourriture comme outil de socialisation

Valérie Delage, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, avril 2016

C’est l’effervescence autour du nouveau repas « tout en couleurs » à saveur algérienne qui se prépare dans le secteur Adélard-Dugré en cette froide journée de février. La responsable du jour, une résidente du quartier, immigrée d’Algérie il y a 5 ans, est chargée de faire découvrir aux participantes la façon de concocter un couscous dans la manière traditionnelle de son pays d’origine. Les convives sont des résidentes du secteur de toutes origines. Elles sont nées au Québec, au Burundi, au Rwanda, en République démocratique du Congo, en France, en Colombie, etc., et viennent apprendre à se connaître, à échanger sur leur culture, créer des liens autour d’un repas.

L’idée a germé à partir des défis posés par la vague de réfugiés qui a commencé à s’installer dans ce secteur HLM il y a une dizaine d’années. Plusieurs familles immigrantes se sont retrouvées imposées dans un milieu qui n’avait pas été préparé à les recevoir. Les problèmes n’ont pas tardé à surgir : insultes, méfaits, vandalisme replongeaient ainsi les gens dans la même insécurité qui les avait poussés à fuir leur pays. Des actes racistes d’autant plus mal vécus que ces réfugiés pensaient avoir laissé une bonne fois pour toutes derrière eux les expériences de violence passées. Il fallait agir et vite.

Les organismes partenaires se sont rapidement mobilisés pour trouver des solutions à l’intégration de ces réfugiés dans un milieu déjà vulnérable. Le constat le plus évident fut que l’intégration obéit au principe des vases communicants.  D’un côté, les nouveaux arrivants ont le devoir de prendre connaissance des codes de fonctionnement de leur nouvelle société et de s’y adapter, de l’autre, les résidents déjà en place se doivent de rendre leur milieu accueillant et ouvert à l’arrivée de nouvelles personnes. De là est né le comité d’accueil des nouveaux arrivants, réunissant des résidents et des intervenants des organismes œuvrant dans le quartier, qui organise des activités destinées à faire le pont entre les différences.

L’une des activités répondant le mieux à cet objectif, ce sont les repas « tout en couleurs ». La nourriture, ça rassemble! Ce n’est pas pour rien que c’est une des activités les plus fréquentées par les adultes du quartier. Elle offre une occasion d’être ensemble sans être obligé d’avoir une conversation très élaborée, ce n’est pas confrontant. On peut tout simplement discuter de la manière de couper les légumes selon les méthodes de chacun, de l’utilisation possible d’un aliment donné ou de la découverte d’un autre jusqu’alors inconnu. On peut aussi se contenter de couper les carottes dans son coin en écoutant parce qu’on n’est pas à l’aise de s’exprimer ou qu’on ne connaît pas encore bien la langue.

L’une des activités répondant le mieux à cet objectif, ce sont les repas « tout en couleurs ». La nourriture, ça rassemble! Ce n’est pas pour rien que c’est une des activités les plus fréquentées par les adultes du quartier. Elle offre une occasion d’être ensemble sans être obligé d’avoir une conversation très élaborée, ce n’est pas confrontant. On peut tout simplement discuter de la manière de couper les légumes selon les méthodes de chacun, de l’utilisation possible d’un aliment donné ou de la découverte d’un autre jusqu’alors inconnu. On peut aussi se contenter de couper les carottes dans son coin en écoutant parce qu’on n’est pas à l’aise de s’exprimer ou qu’on ne connaît pas encore bien la langue.

La responsable du jour guide la réalisation du repas, mais tout le monde met la main à la pâte. Puis on échange sur les différences culturelles autour d’une assiette bien garnie. On comprend ainsi mieux la culture de l’intérieur, en la vivant, et on démystifie les coutumes étrangères, ce qui permet de bâtir des ponts et de faire tomber des barrières. Voir deux femmes d’origine africaine se mettre à genoux pour pétrir la pâte à beignets dans un bol afin d’être en meilleure position pour forcer a marqué l’imaginaire de plusieurs, qui en parlent encore après plusieurs années! Résultat : les gens se croisent dans la rue et rigolent ensemble grâce aux liens tissés autour d’une pratique universelle, celle de manger. Le clivage entre les résidents de longue date et les nouveaux arrivants aux mœurs de prime abord suspectes est brisé, chacun sait désormais comment fonctionne l’autre et l’appelle par son prénom. Un petit noyau d’accueil s’est formé qui s’agrandit chaque fois que les gens rassurés parlent en bien des « nouveaux ». La preuve s’il en est que la nourriture est l’un des plus puissants outils de socialisation.

 

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