Troupe de théâtre Atout-Cœur

Christiane Dumont,
Journaldesvoisins.com,
Montréal, mars 2016

À l’occasion de la Semaine de l’action bénévole qui se déroulera du 10 au 16 avril, journaldesvoisins.com trace le portrait de Yolande Lemaistre, résidante d’Ahuntsic-Cartierville, et de ses comédiens, pour qui le théâtre, c’est plus que du jeu.

La troupe Atout-Cœur compte une quinzaine d’artistes dont certains ont un handicap intellectuel ou sont atteints d’un trouble de l’autisme. Journaldesvoisins.com a assisté à l’une de leurs répétitions dans un gymnase du boulevard Crémazie, par un soir de février, alors qu’ils reprenaient un passage délicat.

La scène montrait une femme aux prises avec un conjoint menaçant. C’est que la violence est très présente dans la vie de ces artistes, indique Yolande Lemaistre, directrice bénévole de la troupe. Il faut donc distribuer les rôles avec doigté, en fonction de l’expérience de chacun et après une période de préparation.

 

Chacun d’eux…

 

« Louis, par exemple, c’est de la soie. C’est pour ça que je lui ai donné un rôle de méchant », indique celle qui était auparavant intervenante sociale. « J’incarne Marc et il a mauvais caractère. Au début, c’était un peu difficile, mais on s’attaque au personnage », confirme l’intéressé. « Il y a des émotions avec lesquelles ils ont de la misère, parce que les personnes déficientes, on les a empêchées de s’exprimer », ajoute celle qui assure également la mise en scène. Plus tard, l’un de ses protégés admettra avoir peur d’exprimer sa colère « parce que si je suis méchant, ils vont me placer en psychiatrie…», révélant un sentiment d’impuissance bien palpable parmi les membres de la troupe Cela dit, le théâtre n’est pas que thérapeutique. « Nos rôles ne sont pas aussi faciles qu’on pense. Tous les jours, je pratique à la maison. Quand je m’endors, j’ai mon texte à côté de moi et je réfléchis à ça », avoue Mai, comédienne depuis 20 ans.

« Mon rôle est d’aider Pierre. Il m’appelle. Moi, je réponds et mon rôle, c’est de laisser parler les autres et de lui dire : “Calme-toi”. Ça, c’est mon rôle », indique timidement Stéphane, membre de l’Union des artistes et dont le talent s’exprime davantage dans la gestuelle et la danse ainsi qu’à la batterie. Olivier, lui, tient le rôle de Rémy : « Quand j’apprends que ma fille Candie s’est fait agresser par son superviseur, je suis en colère. Là, je dis à ma femme : “On va le poursuivre et elle ne retournera pas travailler tant qu’il sera là. On ne laissera pas traîner ça”. Quand on joue, on dirait que c’est réel, je trouve.» Membre lui aussi de l’UDA, il était de la distribution de Ma gang de malades, à Ztélé, l’été dernier « pour faire taire les préjugés envers nous, les gens atteints de déficience intellectuelle légère. Les gens, ils croient qu’on est différents d’eux autres, mais ce n’est pas vrai… Nous avons un travail différent, mais on prend le métro, on prend l’autobus comme tout le monde. Mais ils nous voient comme un peu croches. On leur dit : “Regardez, on ne vous fait rien” », lance-t-il avec éloquence.

 

Estime de soi et droits

 

« L’un des objectifs de la troupe, c’est d’élever l’estime de soi et d’apprendre à défendre ses droits », renchérit celle qui est à tous les fourneaux et qui reste discrète sur le nombre d’heures qu’elle consacre à sa passion. Atout-Cœur prépare Souviens-toi du futur, une pièce portant sur la désinstitutionnalisation.

À l’approche de la représentation, la directrice avoue être plus fébrile que ses comédiens. Mais elle sait qu’elle peut compter sur eux. « Ils n’ont jamais failli… Ce n’est jamais aussi bon que quand ils font le spectacle. Il y a l’adrénaline, la magie », révèle la femme de théâtre.
 

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