Des acériculteurs contestent la FPAQ

Jean-Claude Vézina, Le Haut-Saint-François, Cookshire-Eaton, le 9 mars 2016

Depuis quelques années, la vente du sirop d'érable, contingentée par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) s'attire des détracteurs. Ces derniers souhaiteraient assurer, hors contingent, et par eux-mêmes, la distribution à grande échelle d'une partie de leur récolte en contenants de moins de cinq litres, à des «consommateurs», comme le prévoiraient, à leur avis, les règlements de la FPAQ.

Daniel Gaudreau et Nathalie Bombardier, de Scotstown, acériculteurs au cœur du débat, comme d'autres en région et à travers le Québec, en ce qui concerne la vente du sirop d'érable en petits contenants, souhaitent offrir leur production en dehors du système institué par la Fédération. « On ne veut pas détruire la Fédération, mais il y a des incongruités qui nuisent au développement. Le système est trop contraignant » plaide Mme Bombardier. Vu les difficultés que rencontre la relève, elle dénonce la modalité de paiement suivante qui défavoriserait, à son avis, leur établissement. « Il manque aux jeunes qui commencent 25 % de leur revenu pour faire de l'investissement », juge-t-elle.

Considérant que le couple voit une faille dans la mise en marché du sirop en contenants de moins de cinq litres, ils souhaiteraient écouler par eux même une partie de leur production. M. Gaudreau expliquait, lors d'une entrevue téléphonique, que la Fédération avait défini trois façons de le vendre, dont deux en format de moins de 5 litres. Il y aurait une zone grise dans ce domaine, considère-t-il. M. Gaudreau affirmait dans un article de La Tribune: « Nous avons vendu le sirop en petits contenants, nous avions le droit de le faire et c'est dans leurs règlements… Ils n'ont pas le droit de nous empêcher de vendre directement aux consommateurs. » La Fédération n'aurait aucun droit de regard sur les ventes aux consommateurs. « Elle a trop de pouvoir », se plaint-il.

À son avis, les producteurs recevraient de 75 % à 80 % de leurs revenus sur une période variant de trois à cinq ans selon les ventes effectuées par la FPAQ. Ils récupéreraient ces sommes à raison de trois versements par année. Ceci constituerait, à ses yeux, une raison majeure de rejeter la Fédération parce que l'argent entrerait trop tard et pourrait nuire à des investissements. Il conteste aussi l'obligation d'adhérer à cet organisme pour écouler le fruit de son travail. Enfin, le prélèvement de 0,14 $ la livre ne lui convient pas. Ces sources d'insatisfaction seraient la cause des «rouleux de barils», ces acériculteurs qui sont membres de la FPAQ et qui expédient leur sirop sur le marché noir. « 90 % des producteurs contournent le système de la Fédération », estime-t-il.

Séparément, le couple a soulevé bien d'autres irritants. Cependant, un point les réunissait: la possibilité pour les acériculteurs d'offrir leurs petits contenants sans contrainte, ce qui permettrait de percer de nouveaux marchés et de concurrencer, entre autres, les Américains. « Les Américains vendent sans avoir de contrôle », avance M. Gaudreau. Il en est de même des Ontariens et des Néo-Brunswickois qui disposeraient de leurs produits à travers la province à moindre prix que les Québécois dû au fait qu'ils n'auraient pas de contraintes.

M. Gaudreau soulève le voile en ce qui concerne le contingent. « Le contingent en soi n'a pas de valeur monétaire, il est donné gratuitement. Si une ferme vaut 500 000 $ et qu'elle a un contingent de 300 000 $, donne-t-il en exemple, la ferme ne vaut que 500 000 $. » Le contingent n'est pas un quota, affirme-t-il. Ce faisant, il informe les acériculteurs qu'il ne peut pas être vendu avec la ferme, ce que penseraient beaucoup d'entre eux qui comptent sur cette valeur pour tirer un meilleur profit de leur propriété.

Le producteur craint que les É.-U. inondent le marché du sirop d'érable. Il y aurait, au sud de la frontière, un potentiel de 2 milliards d'entailles dont 200 millions exploitables à court terme, comparativement aux 100 millions potentielles au Québec dont à peine 43 millions sont entaillées. Selon M. Gaudreau, cette quantité deviendrait une manne pour plusieurs acériculteurs québécois qui iraient établir des érablières dans les états limitrophes. Il mentionne que même des fournisseurs d'équipement les suivraient. À son avis, les Américains percevraient 0,50 $ de plus la livre que les Québécois « parce qu'ils ne contribuent pas aux coûts du système de mise en marché québécois et qu'il n'y a pas de contingentement », prétend-il. Toutefois, le rapport Gagné ajoute à cet énoncé de M. Gaudreau « qu'ils en tirent les bénéfices et les avantages », parlant de la recherche qui se fait dans le domaine, du développement de la technologie et de la recherche de produits dérivés et de l'ouverture de marché qu'elle réalise et que paient en commun tous les membres de la FPAQ.

Interrogé sur la vérification de la qualité du sirop, M. Gaudreau avance qu'il n'y en a pas sur ce type de contenants. Chaque acériculteur est responsable de ce qu'il met en bouteille ou en conserve de moins de 5 litres. « C'est le consommateur qui a le dernier mot. Si tu veux garder ta clientèle et ouvrir de nouveaux marchés, ton produit doit être excellent », fait-il remarquer. Le MAPAQ superviserait, quant à lui, les inspections et il devrait se conformer aux règles canadiennes portant sur l'alimentation, complète-t-il.

« Retroussez-vous les manches, les producteurs » exhorte-t-il. Selon lui, le Partenariat transpacifique ouvre les portes à un marché de 800 millions de livres en Asie et 600 millions en Inde. Si les acériculteurs restent sous le régime de la Fédération, les États-Unis risquent de s'emparer de tout ce secteur d'activité commerciale, croit-il. Il leur conseille enfin de prendre le temps de lire le rapport Gagné. « Le rapport signale qu'il y a une perte de marché de 10 % », conclut-il.
 

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