La vie et les arbres

Gustaaf Schoovaerts, L’Écho de Cantley, Cantley, mars 2016

À l’étonnement de certains membres de ma famille, ma sœur Griet (Margaretha) avait demandé que ses cendres soient répandues aux pieds des vieux pins qui bordent le cimetière du village. Ces arbres sont des reliques d’un bois qui a été transformé en lieu de repos pour les défunts.

Aux funérailles de ma sœur, son fils Geert (Gérard) a respecté son souhait en dépit du désir de gens de la famille ancrés dans des coutumes et des rites ancestraux. Ils jugeaient cette façon de procéder trop peu respectueuse et trop nouvelle. Les cendres ont été répandues.

Un article de Jean-François Nadeau dans le journal Le Devoir permet de constater que l’épandage des cendres aux pieds des arbres, parmi d’autres pratiques, a la faveur au Québec: « L’arbre s’enracine comme une pratique de plus en plus dominante.» « On me demande souvent, raconte John Tittel, si ce que fait la compagnie italienne Capsula Mundi est offert au Québec. Il s’agit de prendre un corps non embaumé, de le placer dans la position du fœtus dans une sorte de coquille biodégradable. On l’enterre et on plante un arbre dessus. L’ADN du corps se mélange ensuite à celui de l’arbre. Il est certain que si c’était offert, il serait très demandé ici. » (« Le vendredi 5 février 2016, La une et p. A 10).

Heureuse coïncidence! Pendant une attente prolongée à l’hôpital, je viens de lire de Boucar Diouf, Rendez à ces arbres ce qui appartient à ces arbres (Montréal, Les Éditions La Presse, 2015, 125 p.). Petit livre, reçu de ma fille Anne-Line comme cadeau de Noël. Un petit bijou qui me donne l’impression d’accompagner un guide touristique expliquant les merveilles d’une ville que l’on y rencontre quasiment à chaque coin de rue. C’est en partie une vulgarisation de la biologie.

Je vous propose sa conception: « S’il est vrai, comme disaient les anciens, que l’homme peut revivre par les enfants qu’il a éduqués, mais aussi par les arbres qu’il a plantés, je propose d’ajouter cette troisième possibilité qu’est la résurrection de l’homme par les arbres qui l’ont recyclé. » (p. 50) Il explique: « Pourtant, que l’on termine notre parcours dans le sol ou dans un baobab, un corps humain finira toujours composté par les vers et les micro-organismes avant d’être recyclé par les végétaux. » (p. 54) Il est conséquent lorsqu’il fait mention des cendres enfermées dans une urne qu’il considère comme une injustice, « un défaut de remboursement de dettes. Cette nécessité de rendre à ces arbres ce qui appartient à ces arbres a été bien comprise par une compagnie d’urnes funéraires espagnole qui propose un vase biodégradable à base de fibres végétales. Il suffit de placer les cendres du défunt dans cette urne contenant déjà une graine végétale de son choix et d’arroser le tout pour le voir revenir dans un arbre qui pourra encore vivre de 200 à 300 ans. » (p.57)

Boucar Diouf exprime, comme tant de religions, de philosophies, de visions, le désir profond d’éternité des êtres humains (voir mon billet dans L’Écho de Cantley « La mort: Arrêt ou suite », novembre 2015, p. 9.). Peut-on établir un lien entre cette conception de l’auteur et Pâques que nous célébrerons le 27 mars? Les deux convictions constituent une réponse à l’aspiration profonde de l’être humain: l’immortalité, la survie. Les deux sont ancrées dans une foi. Cette dernière est basée non sur une preuve scientifique dans le sens des sciences appliquées mais sur des motivations de vie. Jésus-Christ est la même personne avant et après. La foi chrétienne est une relation interpersonnelle. Chez Diouf, il n’y a plus de personne. L’arbre est un vivant mais pas une personne.

La fête de Pâques, fête de vie! Joyeuses Pâques!

 

 

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