Êtes-vous circonflexe?

Julie Gaudreault, L’Action de l’Est, Rimouski, février 2016

Une série d’articles de journaux français et de diverses publications québécoises ont récemment paru sur la nouvelle orthographe. Une annonce concernant l’impression d’ouvrages scolaires français suivant la nouvelle orthographe a déclenché l’intérêt médiatique pour cette question. Le grand public québécois a réagi promptement, comme toujours lorsqu’il est question de sa langue. De façon assez viscérale, dois-je ajouter. J’apporterais quelques précisions.

On a vu apparaître dans les médias sociaux le mot-clic #JeSuisCirconflexe, sur un ton mi-humoristique, mi-sérieux. Certains internautes souhaitaient braquer les projecteurs sur un sentiment de perte devant l’orthographe rectifiée de la plupart des mots comprenant un î ou un û. L’impression dominante était de perdre une couche de sens, de priver les locuteurs francophones d’une partie de l’histoire de certains mots. Dans île, par exemple, l’accent circonflexe est la trace de la présence d’un s dorénavant muet.

D’autres commentaires d’internautes exprimaient la crainte que la langue française soit simplifiée à outrance. Simplifier signifiait céder du terrain, se montrer vulnérable, laxiste, voire vaincu. Simplifier le français, autrement dit, était perçu par plusieurs comme un manquement à la mission largement partagée de défendre le français.

Une première précision. Le français, comme toutes les autres langues du monde, existe (encore aujourd’hui, après mille ans d’évolution) parce que des groupes linguistiques le parlent. Ces groupes linguistiques y trouvent suffisamment de ressources pour exprimer leur savoir, leur créativité, leur volonté, individuelle et collective; leur identité, en somme.

Le français est l’outil d’expression privilégié des francophones. Ils choisissent de le parler, de l’écrire et de l’enseigner. Cet outil, ce moyen d’expression peut avoir besoin d’être rafraîchi et adapté à la réalité linguistique de ses locuteurs. Que des institutions conseillent de le transformer par une réforme orthographique est un signe de sa vitalité et de son dynamisme, non de sa perdition ou de sa défaite.

Je termine en précisant par ailleurs que rien ni personne ne prescrit à qui que ce soit l’utilisation de la nouvelle orthographe. Comme langagière, aucun client ne m’a demandé de l’appliquer jusqu’à présent. Pour ma part, il ne me vient pas à l’esprit de l’utiliser, car il me faudrait désapprendre ce que je sais. J’ai choisi d’écrire apparaître et rafraîchi, avec des accents circonflexes. Les deux graphies sont correctes.

Cependant, la nouvelle orthographe est à notre disposition. Les graphies qu’elle propose seront probablement de plus en plus visibles. L’habitude croissant avec l’usage, apparaitre et rafraichi délogeront peut-être leurs prédécesseurs!

 

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