Rencontre avec André Jacques

Gaëtane Therrien, Le Contact, Beaulac-Garthby, février 2016

André Jacques est peu bavard de sa personne, il ne se livre pas facilement. Il s’entoure de mystères, tel son héros Alexandre Jobin. Quels liens, quels parallèles relever entre sa vie personnelle et son œuvre ? Je suis tout de même parvenue à en déceler quelques-uns, enfin quelques bribes de son enfance, d’où provient sa fascination pour les crimes et le mystère.

André Jacques est né à Beaulac. Son père était propriétaire du magasin général de l’époque… on y trouvait de tout. Objets hétéroclites, parfois précieux, qui feraient l’envie de certains antiquaires. La première pierre angulaire de son monde imaginaire avait été posée.

Souvenir à huit ans: il avait découvert un médicament pour animaux libellé: le sang de dragon. Son attrait du sang qu’il transmettra dans ses romans. Et cette aura de mort tout au long du récit. Morts suspectes de Françoise et de Linda. Pavie qui « signe » la mort partout où elle passe. Et son ami, médecin, Raphaël qui brandit le spectre du cancer. André Jacques m’avoue être préoccupé par la fatalité de la mort, de sa sensation de vulnérabilité face à elle. Cette sensation, il la transpose à Alexandre Jobin, ce qui donne, accorde plus d’étoffe, de profondeur et d’humanité à son personnage. André Jacques manie à merveille l’art du dialogue. Son ton estjuste. Chaque mot est choisi avec soin. Il ne faut pas oublier qu’il a enseigné l’art de l’écriture cinématographique pendant de nombreuses années.

Le personnage de Pavie à mon avis est une réussite totale: mystérieuse, rebelle, farouche, mais attachante malgré ses crimes horribles et terrifiants. Elle possède l’instinct et la haute intelligence et même le génie de la survie. On « sent » l’affection que lui porte Alexandre pour elle, sa fille.

Au niveau du polar, il est un auteur chevronné. Il recrée les lieux, l’ambiance, les odeurs, les sons avec une économie de mots. Ce n’est pas un reportage. La description des lieux, les détails techniques des manœuvres de la gent policière ne sont présents que pour soutenir les personnages et la trame de l’histoire. André Jacques me soumet l’exigence des lecteurs pour la vraisemblance. Palerme, le Café en Provence, il les connaît, comme le fond de sa poche.

Pourquoi ce titre? Encore des liens. Un pan du triptyque présumé de Raphaël (son intérêt pour l’histoire de l’art et Pavie qui mène le combat, la bataille de sa vie.) Pour lui, un véritable suspense se situe au niveau de l’attente et non de l’action démente ou délirante. Dans ce sens, nous sommes très bien servis.

Le lecteur est haletant et sa curiosité constamment nourrie et aiguisée. La course folle d’Alexandre et de Pavie ne semble jamais avoir de fin. Alexandre et Pavie se sont mutuellement beaucoup apportés. Tous les deux aspirent à vivre pleinement et non plus simplement, à fuir leur tragédie intérieure, leurs démons intérieurs. Se reverront-ils dans le prochain épisode? J’ose prétendre que c’est de l’ordre du possible au plus grand plaisir du lecteur! Et puis, va-t-il enfin lever le voile sur le mystère de la mort de Françoise? Et qu’adviendra-t-il de sa relation amoureuse avec Chrysantie plus jeune que lui de vingt ans qui désire un enfant? Plusieurs perches tendues… Alexandre Jobin n’est pas au bout de ses peines.

 

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