Michel-Pierre Sarazzin, Ski-se-Dit, Val-David, février 2016
Qu’est-ce qu’un quérulent? C’est une personne qui pète un câble après avoir été victime de ce qu’elle considère comme un tort irréparable. Qui succombe au délire de la revendication. Autrement dit, une personne qui considère que tout le monde a tort… sauf elle. Les quérulents, ces don Quichotte du négatif, s’engagent dans une bataille sans fin pour obtenir justice… ou satisfaire une vengeance. Ils engueulent les responsables du service à la clientèle des entreprises, ils inondent les organismes publics de plaintes incessantes, de courriels, de lettres : chantage, fausses déclarations, courriels à rallonge et démonstrations chiffrées outrancières : tous les moyens sont bons pour atteindre leur but.
Il suffit d’avoir assisté à quelques assemblées publiques du conseil municipal de Val-David pour constater qu’il y a, hélas!, quelques candidats à la quérulence parmi nous. Le problème, avec ces personnes, explique le Dr Évens Villeneuve, psychiatre spécialiste des troubles de la personnalité au CIUSSS de la Capitale-Nationale, c’est qu’elles ne reconnaissent pas leur problème. Il existe des thérapies qui pourraient les aider, mais pour réussir une thérapie, il faut aspirer à changer.
Ainsi, il semble que le phénomène de ces interventions déraisonnables soit en croissance. Cette déviance coûte horriblement cher à notre société, en temps, en argent, en ressources humaines. Ce genre de harcèlement décourage souvent des personnes de talent qui aimeraient aller dans le service public. Les réseaux sociaux servent aussi de plateforme à ces comportements débilitants, souvent diffamatoires, et qui ont provoqué, notamment dans les milieux scolaires, des dépressions et des arrêts de travail ou fait naître des idées suicidaires. En réalité, il s’agit d’une forme de violence insidieuse dont les conséquences sont dans tous les cas imprévisibles. Faire subir un calvaire à petit feu à quelqu’un est une forme de torture que la souplesse des moyens de communication actuels facilite.
Dans un manuel intitulé Gestion du plaignant dont la conduite est déraisonnable publié par l’ombudsman australien et adopté dans le monde entier, on propose diverses solutions pour gérer les… ingérables. Parmi ces recommandations : parler clairement. Dire des phrases courtes. Rester calme, en toutes circonstances. Dire non quand la réponse est non. Mais comme le dit le journaliste Marco Fortier, auteur d’un long article sur le sujet dans Le Devoir du 16 janvier dernier, tous les experts insistent : il faut prendre au sérieux toute menace, qu’elle soit proférée sur Internet, au téléphone, par courriel ou en personne. On a vu, aux États-Unis, que les plus extrêmes parmi les maniaques de la chicane ont tendance à régler leurs comptes à coups d’armes semi-automatiques. Inutile d’en arriver là.