Flore-Ella Rivard : Une volonté de fer dans un gant de velours

Sandrine Dussart,
Journaldesvoisins.com,
Montréal, décembre 2015

Savoir façonner son destin est un art qui nécessite du cran et de l’inspiration. Flore-Ella Rivard est l’incarnation parfaite de cette conscience plus grande que nature, capable de se renouveler chaque jour et de faire de la vie une aventure inestimable…

Née en 1925 dans un village des Cantons-de-l’Est, Flore-Ella grandit sur une ferme, puis devient pensionnaire à l’École normale de Sherbrooke. Au métier d’infirmière qui la fait rêver, elle choisit plutôt l’enseignement, sur les conseils de ses parents.

« C’était l’hiver. J’allais à l’école à pied et je devais faire fonctionner la fournaise. Je suis tombée malade… », raconte-telle. Flore-Ella décide alors de suivre une formation commerciale et trouve un emploi comme secrétaire à 12 $ par semaine. L‘amour arrivant au détour, elle se marie et déménage à Mont-Laurier, avant de revenir s’installer à Montréal avec son mari. « En 1948, il y avait une pénurie de logements en ville, car ceux-ci étaient réservés aux soldats qui revenaient de la guerre, explique Flore-Ella.

Nous avions un bébé et j’étais enceinte. Il a fallu louer un salon double dans un sous-sol d’école. Finalement, nous avons pu habiter au second étage d’une maison, à deux pas des anciens garages de tramways. »

 

Audace et persévérance

 

Les saisons passent et Flore-Ella voit sa famille s’agrandir… « Avec un septième bébé en route, il était impossible de rester où on était, mais qui voulait de neuf personnes dans un appartement? On a donc acheté un triplex, avec un chauffage au charbon! », se rappelle-t-elle. Pour améliorer leur sort, la jeune maman travaille les fins de semaine dans les grands magasins. « Grâce aux revenus complémentaires, les enfants avaient toujours un gâteau à leur anniversaire, ainsi qu’un cadeau à Noël », évoque-t-elle avec émotion. Bilingue, elle se fait embaucher par le Montreal High School pour enseigner le français aux militaires étrangers. Puis, ce sera au tour des directeurs des entreprises Weston Bakeries, Kraft Foods et Lipton Tea de bénéficier de ses compétences. Énergique, Flore-Ella s’inscrit à l’Université de Montréal pour apprendre le secrétariat médical. Deux ans plus tard, elle est engagée à temps plein dans une clinique, avant de travailler successivement à l’hôpital Sainte-Justine et à la Clinique de fibrose kystique, jusqu’à sa retraite en 1986… année où elle perd son mari.

 

Le début d’un autre temps

 

Se retrouver seule et retraitée aurait pu en effrayer plus d’un. Grâce à ses nombreux intérêts culturels, Flore-Ella se garde loin de l’ennui. Globe-trotter, elle parcourt les quatre coins de la planète et s’enflamme pour Singapour, Prague, Vienne, Saint-Pétersbourg, sans oublier les Antilles et le Moyen-Orient. « Je me suis baignée dans la mer Morte, c’était merveilleux! » dit-elle.

Une autre passion berce les heures de Flore-Ella : la langue française. Dès son arrivée à Ahuntsic, en 1995, elle propose à l’Association des Retraités d’Ahuntsic de mettre sur pied un cercle littéraire, tout en leur offrant ses services de réceptionniste. « Au début, on avait sept inscriptions. Maintenant, il y a trois groupes différents! », souligne-t-elle, satisfaite.

Si Flore-Ella a déjà été vice-présidente de l’ARA et membre de son C.A., elle fréquente aujourd’hui l’association pour y jouer au Scrabble. « Je joue aussi à l’ordinateur. Je sais me servir d’une tablette, mais je ne veux pas être envahie.

J’aime le silence, confie-t-elle. Pourquoi se fuir? On n’est pas déplaisant avec soi-même!». En 2008, Flore-Ella a reçu un hommage de la Table de concertation des aînés de Bordeaux-Cartierville pour son engagement au sein de sa communauté.

 

Le sens d’une vie

 

Friande de musique classique, Flore-Ella apprécie les concerts à l’église de la Visitation. Abonnée au TNM ainsi qu’à l’Espace Go, elle fréquente également la Place des Arts, le cinéma Beaubien et la bibliothèque Ahuntsic… et elle organise même des « virées en famille » dans les Cantons-de-l’Est. « Ma voiture, c’est ma liberté! » affirme-t-elle.

À 90 ans, Flore-Ella se porte comme un charme. « Ce qui m’a conduite tout au long de mon existence, c’est ma curiosité. Si ce qu’on découvre est décevant, on estime davantage ce que l’on a. Parfois, on prend une décision qui tourne mal, puis on en saisit le sens. Je suis très contente d’en être arrivée où je suis », dit-elle en souriant. Après tout, le bonheur n’est-il pas d’avoir le courage d’aller au bout de ses rêves, et de faire de sa vie une ode à la joie?

 

 

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