Une conférence sur la maladie mentale avec Dr Suzanne Lamarre

Paul-Alexis François, Le Monde, Montréal, décembre 2015

Suzanne Lamarre est médecin psychiatre, urgentiste de la Région de Montréal, Canada. Elle travaille en collaboration avec divers Hôpitaux et centres de soins de la région. Depuis 1995,  Directrice du service d’urgence psychiatrique et du service de crise de l’hôpital St Mary, à Montréal. De 2004 à 2012, elle fut chef du département de psychiatrie de l’hôpital St Mary. Depuis 2014, elle travaille comme médecin psychiatre à lasantementale.info.

Le 13 novembre 2015, Dr Lamarre était à l’ASAP. C’est une personne passionnée pour son travail. Elle aime les gens.  Elle aime donner le meilleur d’elle-même.  On n’avait qu’à la voir à l’œuvre avant sa conférence sur le triangle infernal à l’ASAP le 13 novembre dernier, pour comprendre ce que je viens de dire.  Elle travaillait à faire un montage pour présenter à l’auditoire venu en grand nombre de partout sur l’île de Montréal pour comprendre ce que je viens de dire.  Parmi les personnes qui avaient répondu à l’appel d’Éternel Victor et Evens Valcin de l’ASAP, il y avait des personnes de toutes les couches sociales de la société montréalaise. 

Dr Suzanne Lamarre, après avoir fait un montage vidéo accompagné de schéma en power point, nous a introduit la théorie du psychologue américain Stephen Karpman, spécialisé en Analyse transactionnelle, nomme qui explique un  type de relations fréquent sur la scène du travail ou dans les relations amoureuses, le « triangle dramatique ».

Trois rôles s’y partagent l’affiche : la victime, le persécuteur et le sauveur.  Nous endossons tous à notre insu un rôle préférentiel. Sachez repérer le vôtre

Dr Suzanne Lamarre est allé plus vite avec sa présentation. Il nous a laissé visionner une vidéo qui montrait d’entrée de jeu, deux cercueils.  Dans ces cercueils, il y avait les deux acteurs du drame triangulaire. Il s’agissait de deux victimes de la trilogie SVP sauveur-victime-Persécuteur.

C’est l’histoire de deux personnes âgées, un couple d’octogénaires.  La femme souffre d’une maladie qui nécessite énormément de soins. Elle est en fauteuil roulant. L’époux dévoué et fidèle l’a amené dans un centre de soins adapté à sa condition où elle était hébergée, lavée, nourrie à des heures fixe. Elle recevait l’assistance de préposées aux bénéficiaires qualifiés, d’infirmiers et d’aide infirmier qualifié, de médecins spécialistes.  Elle était aux petits soins. Cependant, elle s’ennuyait de son chez soi et de son mari aimant et empressé envers elle. Elle exigea et obtint son exeat.  Normalement ce devait être temporaire mais elle voulait plus.  Elle voulait rester à la maison seule avec son époux.  Arrivée chez elle, elle dit à celui-ci: » chéri, promets-moi que jamais plus je ne retournerai dans cet enfer. Jamais plus, je ne retournerai vivre en résidence spécialisée. Désarçonné, le sauveur garda le silence.  Il était incapable de dire à sa dulcinée victime-persécutrice  que c’était une mission impossible.  Elle revint à la charge avec des mots plus explicites: «Chéri, je veux entendre deux mots, jamais plus. »

Il se calla dans son divan comme pour exprimer son désaccord de façon non verbale.  Alors, pour une troisième fois, elle dit: « Jamais plus »

C’était donc un ordre sans appel.  Il avait le choix d’être ferme ou de céder à la demande impérative de son épouse adorée.  Il céda.  Il dit : »Oui »

Catastrophe garder à la maison une personne dont la condition nécessitait l’intervention d’une armada médicale qualifiée, jeune et  expérimentée alors qu’il était lui-même affaibli par l’âge et avait besoin d’être assisté personnellement.

La table était mise pour les commentaires.  Sr Lamarre invita les volontaires à faire leurs commentaires puis elle passa à son exposé power point pour présenter la trilogie de Karpman et nous amener à pouvoir identifier les acteurs. Elle souligna la nécessité de pouvoir éviter à tout prix de jouer l’un ou l’autre de ces rôles dans nos interventions.  Nous pouvons aider seulement en étant neutre.  Il faut savoir prendre du recul par rapport à nos sentiments et les émotions que suscitent les personnes en notre présence dans une relation d’aide.  Prendre une profonde respiration, battre en retraite à temps et toujours travailler en équipe est selon Dr Lamarre la seule façon de s’en sortir sans laisser des plumes.

L’histoire s’est terminée mal.  On s’est retrouvé avec deux cadavres parce que l’époux, au lieu d’aller chercher de l’aide, s’est laissé prendre dans le piège svp. Alors dans la salle des gens ont demandé la parole pour donner des exemples de persécuteur, de sauveur et de victimes.

 

Le persécuteur

 

« Je tombe toujours sur des commerciaux incompétents et tire-au-flanc». C’est le patron persécuteur typique que décrivent si bien Alain Cardon, Vincent Lenhardt et Pierre Nicolas dans leur ouvrage Mieux vivre avec l’Analyse transactionnelle (Eyrolles, “Pratique”, 2005), la bible de tous les managers.

Il a souvent les bras croisés et le menton rentré, les sourcils froncés, le regard par-dessus les lunettes. Sa voix est critique, indignée, tranchante ou méprisante.  Sous des apparences d’autorité inébranlable, le monologue intérieur du persécuteur résonne pourtant comme une plainte : « J’ai l’impression d’être un salaud, mais je suis aussi exigeant avec moi-même qu’avec les autres. Parfois, je me sens le seul à avoir un peu de dignité. »

Selon Christel Petitcollin, psychothérapeute spécialiste du sujet, le persécuteur est souvent une personne qui, depuis l’enfance, a accumulé beaucoup de frustrations et les fait payer aux autres. Aussi, lorsque l’on critique et sanctionne les comportements de ses collègues ou de ses collaborateurs, il faut s’interroger sur ce qu’ils s’autorisent et que l’on s’interdit. Par exemple, l’imperfection, le repos, prendre du temps pour sa vie de famille…

Un bon moyen de se reconnecter avec ses vrais désirs, de réfléchir à ses choix de vie et de ne plus en vouloir aux autres, car en étant persécuteur, on est aussi prisonnier de son propre contrôle. Les techniques de relaxation sont recommandées pour aider à lâcher prise et renouer avec ses sensations corporelles et sa joie de vivre.

 

Le sauveur

 

Il se place derrière vous pour vous regarder travailler, vous encourage en vous tapotant sur l’épaule et n’est pas avare de conseils. Très concerné par ce qui se passe, il cherche à vous réconforter même si vous n’avez rien demandé.

« Le sauveur doit d’abord prendre conscience que son besoin maladif d’aider les autres n’est rien d’autre qu’une nourriture à ego », observe Christel Petitcollin. Aussi, pour sortir du piège du sauvetage inadéquat, la psychothérapeute conseille de se remémorer les cinq conditions d’une « aide saine » : la demande d’aide doit être clairement verbalisée ; elle doit être cadrée dans le temps et dans son contenu. Il doit dire:« Voilà ce que je peux faire pour toi ».

Dès que l’on soupçonne un message caché venant de l’autre, il faut pouvoir le décoder en posant des questions comme : « Qu’est-ce que tu veux dire ? », « Qu’est-ce que tu attends de moi ? »

Si on souffre, si on se sent désemparé, il est nécessaire de demander de l’aide. Car seul un thérapeute peut informer la personne sur son fonctionnement, en l’aidant à décoder les messages apparents et les messages cachés.

 

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