Recouvrement de l’autoroute Ville-Marie

Joëlle Girard, Échos Montréal, Montréal, mars 2014

«Balafre». «Cicatrice». «Déchirure». Richard Bergeron, urbaniste de formation, ne mâche pas ses mots lorsque vient le temps de qualifier l’autoroute Ville-Marie, une épine dans le pied de Montréal qu’il rêve de retirer depuis plus de 25 ans. Un candidat tout désigné pour piloter le dossier du recouvrement d’une portion, entre les rues Sanguinet et Hôtel-de-Ville, de cette autoroute en tranchée construite au courant des années 1960.

Denis Coderre, maire de Montréal, a ainsi confié au chef de l’opposition la tâche de livrer ce projet dès 2017, au moment du 375e anniversaire de la ville. Une initiative qui, malgré l’accueil glacial par le ministère des Transports du Québec, a ravivé les conjectures autour d’un chantier d’envergure qui pourrait grandement contribuer à la relance du centre-ville de Montréal.

 

Des conditions de développement

 

«Si on souhaite recouvrir l’autoroute sur 125 mètres, à fort coût, seulement pour y faire circuler des piétons, ça ne sera jamais une priorité», tranche Florence Junca-Adenot, professeure associée au département d’études urbaines et touristiques de l’UQÀM et directrice du forum Urba 2015. Depuis environ 20 ans, la tendance est à la diminution du nombre de voitures dans le centre-ville et à l’apaisement de la circulation rapide, explique-t-elle. « On souhaite reconstituer la trame urbaine pour encourager la vitalité de surface et rendre l’es pace plus agréable pour les piétons, mais ce type de terrain a aussi beaucoup de valeur d’un point de vue immobilier.»

Par exemple, «si le recouvrement de l’autoroute était requis pour l’agrandissement du Palais des congrès, qui a une bonne clientèle et qui doit prendre de l’expansion pour rester compétitif, là, ce serait justifié, ajoute-t-elle. On pourrait trouver les sommes pour exécuter le projet.»

André Poulin, directeur général de la Société de développement commerciale (SDC) Destination centre-ville, et Mario Lafrance, directeur général de la SDC Vieux-Montréal, sont également de cet avis. Le recouvrement de l’autoroute «permettrait le développement du secteur et surtout l’agrandissement du Palais des congrès, un besoin majeur pour la ville, explique M. Lafrance. C’est un projet très concret, discuté depuis plusieurs années.» «Il ne faut pas laisser ces congressistes aller dans d’autres villes, dit Mario Lafrance.

Pour les commerçants du Vieux-Montréal, [un agrandissement] serait une excellente décision. C’est impossible à quantifier pour l’instant, mais ça aurait un effet certain sur l’hébergement, la restauration et même le commerce au détail. »

 

Redessiner le quartier

 

« Sous l’impulsion de la Caisse de dépôt [et placements du Québec], on a vu se rénover et se redévelopper le Quartier international, explique pour sa part André Poulin. Ça prend un investisseur majeur qui fasse un premier pas pour que les autres emboîtent le pas.» Le recouvrement de l’autoroute pourrait donc être intéressant s’il était jumelé à l’agrandissement du Palais, créant alors une demande pour de l’hébergement et des restaurants, estime M. Poulin, qui laisse d’ailleurs entendre que le projet pourrait faire l’objet d’une annonce lors de l’imminente campagne électorale.

Déjà en 2013, l‘ex-président et directeur général de Tourisme Montréal, Charles Lapointe, estimait que le « carnet de commandes» du Palais serait saturé dès 2015. Or, l’établissement demeure plutôt vague sur la question d’un agrandissement lié au projet de recouvrement. « Nous avons mis en réserve deux terrains l’an dernier et nous étudions la possibilité d’agrandissement, mais ce sont ces terrains qui sont visés, dit Jimmy Laforge, conseiller en communications. Le reste, c’est hypothétique.»

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