Rino Parisé, Le Trait d’Union du Nord, Fermont, le 10 février 2014
Va t'on revoir un jour ce qu'on a connu? N'était-il pas beau de voir défiler les bardes de caribous sur les montagnes et sur les lacs gelés? La chasse au caribou est une coutume pour les gens d'ici, un rassemblement, une sorte de culture. À chaque hiver la question « le caribou est rendu où ? » se posait. Le caribou était abondant et tout le monde y trouvait son compte.
Je me rappelle très bien de ces beaux moments. Partir en motoneige avec le traineau derrière, carabine dans l'étui, le matériel nécessaire pour aller à la chasse aux caribous. Ce n'était jamais pareil, parfois il fallait faire des heures de motoneige pour trouver le caribou et cl' autre fois, il était tout près de la ville.
Je me rappellerai toujours de ma première chasse aux caribous. Les années où le caribou était abondant. Quand je suis arrivé à Fermont en 1998, il fallait s'inscrire au tirage pour avoir un permis de chasse au caribou. Cette année-là, j'avais réussi à avoir un permis. Un ami très proche m'a demandé si j'étais intéressé à aller avec lui aux caribous. Ce fut pour moi une belle occasion en plus d'aller explorer le nord. Je peux vous dire que je n'ai presque pas dormi de la nuit.
Enfin le soleil se leva et il faisait -32 degrés au thermomètre. Je me préparai un bon déjeuner avec un bon café pour avoir le plein d'énergie. Ça y est, c'était parti mais c'était pas chaud et le vent était quand même assez fort. Mon compagnon m'avait dit la veille qu'on avait au moins deux heures de motoneige à faire avant de se rendre au fameux lac où se trouvait le caribou. La randonnée de motoneige n'a pas été de tout repos car il y avait beaucoup de neige pour se rendre là où on voulait aller. On finit tant bien que mal à nous rendre. On ne voyaient aucune trace à cause du vent. Mon chum me dit que le caribou était ici: trois jours auparavant. « Ils sont surement de l'autre côté de la montagne» me dit-il. Pas le choix, rendus ici on y va!
Plus on avançait, plus on croyait voir des semblants de traces sur la neige. « Eh oui! Ce sont des traces de caribous, me dit-il » Je peux vous dire que je ne pensais plus au froid. On réussit tant bien que mal à se frayer un chemin au travers du bois pour franchir la dite montagne. Je dois dire avant de continuer que je n'avais jamais vu de caribous auparavant. Plus on avançait, plus les traces étaient fraiches. À un moment donné, mon ami me fit signe, regarde de l'autre côté du lac ! Ils sont là ! C'était de toute beauté de les admirer. Les caribous nous ignoraient complètement. Il devait y en avoir une trentaine. On s'est avancé avec nos motoneiges de plus près pour avoir une portée de tir respectable. Les caribous n'ont jamais bronché. Alors il arriva ce qui devait arriver, nous abattîmes nos quatre caribous. Ce fut une chasse mémorable en plus de voir quelques centaines de caribous sur le chemin du retour.
Aujourd'hui, la chasse est interdite et pour un temps indéterminé car on est en train de vivre le déclin du caribou. Il y a deux troupeaux de caribous qui occupent le nord du Québec. Le troupeau de la rivière aux Feuilles et le troupeau de la rivière George. Celui de la rivière aux Feuilles est quand même stable mais l'autre à périclité de façon très inquiétante. Ce même troupeau comptait près de 10 000 têtes dans les années 60 et a bondi à près de un million en 1995. En 2010, sa population est descendue à 74 000 bêtes puis, en 20 Il, à plus ou moins 26 000 têtes.
Pourquoi ce déclin? Le réchauffement climatique car il y a beaucoup plus d'insectes et de parasites, ce qui fait que le caribou doit se déplacer constamment et dépenser plus d'énergie pour se nourrir. Les loups qui sont plus nombreux et l'ours noir qui est de plus en plus présent dans le grand nord ont une incidence directe sur le déclin de cette espèce. La chasse et l'activité humaine de plus en plus présentes dans le grand nord ont également des impacts sur la diminution des caribous.
Pour ce qui est du caribou des bois, ce n'est guère mieux. Cependant, la principale cause de sa perte est l'activité forestière qui dérangerait le plus ces petits troupeaux ainsi que les loups et l'ours noir. Ce qui est positif pour notre troupeau de caribou de la Rivère-George, c'est qu'il sera plus facile pour lui de se nourrir étant donné son petit nombre et que les femelles semblent en meilleure santé selon les chercheurs.
Je souhaite de tout cœur que ça redevienne comme c'était et que l'on puisse encore pratiquer cette belle chasse ici dans notre belle taïga nordique.