Incertitude autour du cinéclub en région

Julie Francoeur, Le Mouton NOIR, Rimouski, le 25 janvier 2014

Le 20 novembre dernier, le faible taux d’assistance à la représentation de L’industrie du ruban rose, long métrage documentaire réalisé par Léa Pool pour l’Office national du film du Canada, amenait les organisateurs de Cinéma Politica Rimouski à interroger publiquement la pertinence du maintien du cinéclub dans la région. La plateforme Facebook de l’organisation agitait alors le spectre de la fin du service, faute d’une masse critique pour justifier le temps et l’argent investis à son maintien. Si elle avait de quoi surprendre, l’interrogation des bénévoles n’était cependant pas nouvelle. Elle remontait à plus tôt cet automne, à peine plus d’un an après l’adhésion officielle du cinéclub au réseau Cinéma Politica.

Cinéma Politica est un réseau international de cinéclubs à but non lucratif qui a pignon sur rue au Canada (Atlantique, Colombie-Britannique, Nord, Ontario, Prairies et Québec), aux États-Unis, en Europe, en Amérique latine, en Asie et en Océanie. Au Québec, on compte actuellement des cinéclubs à Chicoutimi, Mascouche, Montréal, Ormstown, Petite-Nation, Saint-Jérôme, Québec et Rimouski. Organisation entièrement bénévole née à l’occasion du printemps érable à l’initiative d’étudiants et de membres du personnel du Cégep de Rimouski, Cinéma Politica Rimouski projette sur une base bimensuelle des films et vidéos politiques indépendants qui explorent, de manière latente ou explicite, les contradictions de l’histoire ainsi que la nature même de la société de classes.

Rassemblant des films qui dénoncent à ce titre les idées dominantes comme les idées de la classe dominante, la programmation de Cinéma Politica Rimouski explore les enjeux politiques du monde contemporain et témoigne d’histoires d’oppression et de résistance occultées par les médias conventionnels. Porteuse d’un point de vue alternatif sur le monde, elle favorise de ce fait réflexions et débats autour d’enjeux multiscalaires tels que le libéralisme, l’environnement, le féminisme, les conditions des travailleurs, etc.

Si, à ces enjeux, l’espace du corps fournit la première cible, l’on comprendra qu’ils concernent cependant l’ensemble du corps social. À ce titre, ce n’est qu’à tort qu’un lieu de diffusion et de réflexion tel que Cinéma Politica pourrait en venir à être considéré comme une composante optionnelle de ce qu’on décrit normalement comme « la qualité de vie en région».

On sait que le maintien de services de proximité en région continue de s’appuyer largement sur les piliers de l’engagement bénévole. Aussi les temps d’incertitude à Cinéma Politica Rimouski nous amènent-ils à réfléchir sur l’importance de la contribution des jeunes et de leur entourage à la qualité de vie en région, tout en soulignant les limites du seul bénévolat dans la pérennisation des services de proximité régionaux, dont la valeur n’est pourtant plus à démontrer. Plus encore, alors que le bénévolat d’un noyau de cinq personnes apparaît aujourd’hui essentiel à la pérennité de Cinéma Politica Rimouski, on peut se demander ce que peuvent l’agir subversif et la résistance territoriale face à l’absence d’engouement chez les populations desservies. Car, pour le cinéclub, c’est bien là, et seulement là, que le bât blesse.

Malgré l’assistance peu convaincante à la projection d’Anarchroniques : chroniques d’une mouvance libertaire le 3 décembre dernier, Cinéma Politica Rimouski a finalement opté pour la prolongation de sa programmation dans la première moitié du trimestre d’hiver. Le premier film, Les sentiers de l’utopie d’Isabelle Frémeaux et John Jordan, sera diffusé le 28 janvier, à 15h15, à la bibliothèque Gilles-Vigneault du Cégep de Rimouski. Suivront Des mensonges payants : le rôle du Canada dans les industries de la guerre et de la paix d’Amy Miller, La Quatrième Guerre mondiale de Richard Rowley et Jacqueline Soohen et L’âge de la stupidité de Franny Armstrong, les 11, 15 février et 18 mars respectivement, à 15h15.

 

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