Anita, la vache autonome…!

André Chrétien, Le Pont de Palmarolle, octobre 2013

Ayant entendu dire que la Ferme des Pics avait fait l’achat de deux robots pour la traite des vaches, j’ai demandé aux propriétaires, Nathalie Gaudet, Sylvain Fontaine et leur fils, Maxime, une rencontre pour voir cette technologie de pointe. C’est avec leur courtoisie habituelle que j’ai été reçu. Quand je dis «courtoisie habituelle», je me réfère à l’accueil qu’on nous avait réservé, il y a trois ans déjà, lors du tournage de La petite séduction sur leur propriété.

D’abord nous avons fait l’historique de la Ferme des Pics. Avant d’être désignée sous ce nom, c’était la ferme de Monsieur René Fontaine, un pionnier de notre municipalité. Ce dernier l’a cédée à son fils, Germain, qui en a fait une organisation moderne pour le temps. En troisième génération, c’est Sylvain et Nathalie qui l’ont acquise et qui l’ont amenée au stade de grande production où elle se situe maintenant.

J’ai d’abord eu droit à une visite guidée de la propriété, des bâtiments et surtout des équipements. Moi qui, dans mon enfance, ai connu et surtout participé à la traite des vaches, au «soignage», à l’écurage à la main, j’allais d’un émerveillement à l’autre; même si j’essayais de vous montrer les différences entre ces générations de producteurs laitiers, j’en serais incapable ou, si j’y arrivais, il me faudrait imprimer un numéro du Journal Le Pont de Palmarolle de plus de cent pages. Aujourd’hui je vais donc me borner à vous parler de cette installation robotisée pour la traite des vaches. (Mon beau-frère, Maurice, disait à l’époque : Nous, on ne fait pas la «traite des blanches», mais la traite des noires et blanches).

Pour ce faire, je vais laisser parler Anita, une belle Holstein de quatre ans, à la robe noire et blanche bien propre, au pis généreux et à la parole facile. Voilà ce qu’elle m’a dit : «Monsieur le journaliste, je vais d’abord vous avouer que mes soeurs et moi apprécions ce nouvel équipement mis à notre disposition. Le premier avantage est que nous pouvons nous rendre librement et autant de fois que nous le voulons au robot de traite. Quant à moi, je m’y rends au moins trois fois par jour et même parfois quatre fois, le soir ou le matin, le midi et même la nuit si cela me chante et, chaque fois, j’ai accès à une portion de moulée.

«En plus de cette petite gourmandise, j’ai droit au lavage de mon pis, à sa désinfection et à son séchage puis, délicatement, monsieur le robot y installe les tétines un trayon à la fois, tout cela après s’être assuré, grâce à ses membres mécaniques et à sa caméra, que je suis dans une position confortable pour me faire traire.

«Jamais je ne me fais brusquer, il ne crie pas après moi, n’a pas de sautes d’humeur; il est d’ailleurs prouvé que ce système nous rend, mes collègues et moi, plus calmes et plus détendues et que cela se reflète sur la quantité de lait que je donne, je me rends même parfois à plus de 60 kilos quotidiennement.

«Monsieur le robot, – je devrais dire messieurs, car ils sont deux à notre service, question d’éviter les engorgements – n’est pas qu’à notre service, il est aussi d’une aide précieuse pour nos propriétaires. Il peut compiler une foule de données et de renseignements utiles et nécessaires pour une gestion efficace de la production. Comme il nous connaît toutes par notre prénom, il peut dire exactement quelle quantité de lait nous donnons par traite, il dit même la quantité donnée par chacun de mes quatre trayons, dans le langage technique, on appelle cela des quartiers. «Si ma production varie beaucoup d’une journée à l’autre, il envoie un message à mon propriétaire pour attirer son attention sur mon cas. Ce dernier peut même suivre le travail des robots et recevoir des messages de ceux-ci sur son téléphone intelligent.

«Je vais vous confier un secret monsieur le journaliste. Vous devez savoir que nous, de la race bovine laitière, ressemblons aux humains… parfois on essaie de tricher. Certaines de mes consoeurs ont tenté de se présenter à la stalle de traite alors qu’elles n’étaient pas prêtes, bien sûr pour pouvoir avoir plus que leur portion de moulée. Eh bien! Monsieur le robot le savait, il sait si nous avons besoin d’être traies ou non. Il connaît exactement les capacités de production et les fréquences de traite de chacune. Il a non seulement refusé de les traire, mais les a poliment expulsées hors de son espace par un jet d’air sur le dos et un jet d’eau aux pattes. Moi, soyez assuré monsieur que cela ne m’est jamais arrivé, je parle ici d’autres de mes collègues…

«En plus de tout cela, il goûte mon lait, s’il détecte par la conductivité une anomalie ou une trace de sang, il déviera mon lait dans un contenant autre que le réservoir commun (bulk tank) afin d’éviter toute contamination. S’il fallait qu’une seule goutte de lait infecté entre dans le réservoir réfrigéré, il y aurait risque de contaminer même tout le contenu du camion-citerne chargé du transport, ce qui serait une perte énorme, une catastrophe…

«De toute façon, mon lait est analysé pour sa qualité dès la sortie de mon pis, pour en assurer la totale salubrité pour la consommation humaine. Et, après réfrigération contrôlée l par ordinateur, il prend la route pour aller soit à la Fromagerie La vache à Maillotte soit à la laiterie du Témiscamingue à Laverlochère. La production totale de mon troupeau est égale à la moitié du lait utilisé par cette fromagerie de La Sarre. À ma façon, je participe à l’économie de ma région, les robots de traite dont je viens de vous parler, même s’ils sont fabriqués en Suède, sont vendus et entretenus par un agent local, monsieur Rock Aubin de Palmarolle.»

Après cet échange avec Anita, j’ai rejoint Nathalie, Sylvain et Maxime pour obtenir d’autres détails sur leur entreprise. J’ai entre autres appris qu’après trois ans en technique agricole au Cégep de St-Hyacinthe, le fils, Maxime, assurerait la quatrième génération sur la ferme. C’est donc avec les mêmes qualifications que celles de ses parents qu’il prendra la relève. Ce que je retiens de cette rencontre, c’est qu’être producteur laitier, cela demande beaucoup de savoir, beaucoup de compétences, il est passé le temps où on pouvait s’improviser cultivateur. Non seulement faut-il maîtriser les techniques agricoles proprement dites, mais il faut s’y connaître en informatique, en mécanique, en construction, en électricité et surtout en gestion des affaires. Sur une ferme, il faut tout savoir…

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