Hébergement illégal : encore du chemin

Geneviève Gélinas, GRAFFICI, Gaspésie, octobre 2013

Un an et demi après que tourisme Québec ait promis de serrer la vis à l’hébergement illégal, les avis divergent sur les résultats obtenus. Si le ministère estime qu’il y a des progrès, les gens d’affaires en voient peu ou pas du tout.

Hôtelier à Grande-Vallée, Francis Brousseau en a fait une bataille personnelle. « J’ai rencontré des gens qui font de l’hébergement illégal et je leur ai expliqué que moi, je paie des permis, des taxes [commerciales] de vidanges et d’eau. J’ai 35 emplois à sauver dans mon entreprise. Je ne me sentirais pas correct de ne pas les dénoncer. » Grande-Vallée a eu besoin du renfort des particuliers pour accommoder les travailleurs des chantiers éoliens ces dernières années, explique M. Brousseau. L’habitude d’offrir le gîte et le couvert est demeurée. « L’hiver dernier, 35 travailleurs sont venus défaire une ligne d’Hydro, rapporte l’hôtelier. On n’en a pas vu un [dans les trois hôtels ouverts du secteur]. Les gens les ont logés pour 30 $ à 35 $ par jour. En plus de priver les hôtels de clients, ils défont le marché. »

Pour exploiter une résidence de tourisme, il faut détenir une attestation de la Corporation de l’industrie touristique du Québec et afficher son panneau à étoiles. En Gaspésie, des dizaines de maisons et de chalets sont mises à louer sur Internet. Sur les sites de location consultés par GRAFFICI cet été, plus de la moitié (52 % et 60 %) n’affichaient toujours pas d’attestation. C’est toutefois un peu mieux qu’au printemps 2012 (60 % et 69 %).

Tourisme Québec a bel et bien entrepris la campagne de publicité promise. Au bureau d’information touristique de Gaspé, le visiteur peut voir dès l’entrée l’affiche « La clé d’un séjour réussi ». La même publicité orne la page d’accueil du site web Bonjour Québec.

Le directeur de la Chambre de commerce et de tourisme de Gaspé, Olivier Nolleau, ne voit toutefois « aucune amélioration ». « Ça suffit », martèle-t-il. La Chambre a acheté deux pages de publicité cet été dans le journal local pour inciter à dénoncer cet hébergement « qui ne contribue pas à l’effort de promotion touristique de notre région [par la taxe à l’hébergement] et pratique l’évasion fiscale ». Les contrevenants ne peuvent plus plaider l’ignorance, croit M. Nolleau. « C’est de la mauvaise foi. » Dans la seule municipalité de Gaspé, la Chambre de commerce a répertorié 44 cas « douteux » qu’elle soumettra à Tourisme Québec.

Pourtant, en Gaspésie, le nombre de résidences de tourisme classées est passé de 161 à 187 entre 2012 et 2013, selon le ministère québécois du Tourisme. Une preuve que le dépistage de l’hébergement illégal donne des résultats, affirme la directrice de l’accueil et de l’hébergement touristique à Tourisme Québec, Suzanne Asselin.

L’un des deux inspecteurs de Tourisme Québec a passé une semaine en Gaspésie en juillet, rapporte Mme Asselin. Dans la région, 111 cas sont « en dépistage ». Parmi eux, 43 propriétaires ont affirmé qu’ils mettaient fin à leur offre et 38 ont entamé des démarches pour être classés. Un seul casa été transmis à la justice. Le flou du règlement – qui exclut les résidences louées « sur une base occasionnelle » mais ne précise pas ce concept – pourrait toutefois compliquer les choses à cette étape. Quelqu’un qui loue sa maison à la semaine pendant la haute saison touristique, du 1er juillet au 30 août, doit-il obtenir une attestation?, a demandé GRAFFICI à Mme Asselin. « Je ne répondrai pas à ça… [ ] Si on avait défini la base occasionnelle, elle serait dans le règlement. »

Selon Francis Brousseau, les municipalités seraient les mieux placées pour surveiller l’hébergement illégal. « Ton inspecteur municipal n’a pas besoin d’être Colombo. Dans mon village, si ma tante garde à coucher et nourrit cinq personnes, ça se sait et ça se voit. »

 

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