Aider HaÏti en pédalant

Audrey Neveu, l'Itinéraire, Montréal

Trois organismes unissent leurs forces pour implanter la culture du vélo en Haïti.

Plus qu’un moyen de transport, le vélo permet à ce pays au grand potentiel de stimuler son économie grâce à des projets inspirants et à l’envoi de vélos québécois usagés au nord de l’île antillaise.

«Il ne s’agit pas seulement d’envoyer des vélos à Haïti, nuance Mercier Pierre-Louis, secrétaire général de Centrech, organisme de développement économique basé à Haïti. Il faut transférer la connaissance en mécanique, en réparation et en modification de vélos qui serviront de moyen de transport et d’outils de travail.» Grâce au vélo, Centrech désire éradiquer les problèmes de santé de nombreux Haïtiens, causés par le transport de charges lourdes sur la tête. Très réaliste par rapport aux forces et au potentiel de son pays, Mercier Pierre-Louis veut avant tout stimuler l’économie en créant une maind’oeuvre qualifiée.

«J’ai vu concrètement à quel point acquérir un vélo change la vie des gens, explique Claude Beauséjour, coordonnatrice à l’engagement communautaire et logistique chez Cyclo Nord-Sud, qui envoie des vélos usagers dans les pays du Sud. C’est très difficile économiquement à Haïti et ce n’est pas à la portée de tout le monde d’avoir un véhicule. Le vélo facilite le quotidien des Haïtiens de façon incroyable.»

 

DE LA PETITE-PATRIE À HAïTI

Cyclo Nord-Sud collecte chaque année des milliers de vélos usagés aux quatre coins du Québec et les envoie tels quels dans différentes villes du nord d’Haïti, grâce à une contribution de 15 $ de chaque donateur de vélo. Deux conteneurs ont été envoyés en 2011, soit 911 vélos. La réparation des vélos se fait sur place, à l’atelier-école implanté dans la ville de Caracol.

En 2012, l’expertise de l’entreprise-école de réparation de vélos Cyclochrome dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie à Montréal a permis de former en mécanique vélo deux prêtres haïtiens de la congrégation des Pères de Sainte-Croix, qui participent au projet. «Ils ont reçu des cours d’informatique et de gestion des ressources humaines et toute une base d’administration qu’ils n’avaient pas», explique François Caron, directeur général de Cyclochrome. Grâce à cette formation, les deux prêtres pourront administrer l’atelier-école d’Haïti comme une petite entreprise et formeront à leur tour un corps professoral qui pourra enseigner dès le mois de mai.

 

ÉCOLE À VÉLO

La valorisation des métiers est un enjeu essentiel au développement économique d’Haïti. «Il y a un urgent besoin de techniciens, de plombiers, de couturières, d’informaticiens, continue François Caron. Ici, il y a des gens qui sont extraordinaires en travaux manuels, mais qui ne sont pas aptes à avoir un diplôme universitaire. Ils sont l’avenir du pays, mais il faut qu’ils y restent.» Les régions du Cap-Haïtien et du Limbé, ainsi que les villes de Caracol et de Fort-Liberté voient déjà les effets bénéfiques de la formation de maind’oeuvre en lien avec la culture du vélo.

Le projet-pilote École à vélo vise d’ailleurs à implanter cette culture chez les jeunes. Plusieurs écoles participent au projet et permettent aux élèves et à leur famille d’acheter un vélo pour 25 $. Combattre le décrochage scolaire en facilitant l’accès à l’école grâce au vélo est un volet bénéfique du projet, selon les deux organismes québécois. Pour Centrech, il s’agit d’un plus. «Même quand l’école n’a pas de bancs pour s’asseoir ou de bâtiment, les enfants aiment y aller», précise Mercier Pierre-Louis. Nul doute à ses yeux que la motivation des Haïtiens est bel et bien présente. Ne manque plus qu’un petit coup de pouce mécanique pour les aider à cheminer.

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