Chantale Nadeau, Autour de l’Île, L’île d’Orléans
Le 27 février dernier, j’ai eu le plaisir de rencontrer Pierre Robitaille, résidant de Saint-Pierre et marionnettiste de métier depuis 35 ans. M. Robitaille est codirecteur artistique du théâtre Pupulus Mordicus depuis sa création, en 1995. Dans le cadre de la dernière édition des Prix d’excellence des arts et de la culture, il a reçu le Prix Jacques-Pelletier, pour la conception des marionnettes et des maquettes de La ville en rouge, une pièce de Marcelle Dubois.
Le prix Jacques-Pelletier souligne un travail remarquable aux éclairages, aux maquillages, à la conception vidéo et aux marionnettes. Ce prix a été créé en 1981 à la mémoire d’un des pionniers de la scénographie au Québec.
Pierre Robitaille est aussi le cofondateur du théâtre Ubus théâtre (autobus mobile) avec lequel il a voyagé et fait plus de 500 représentations dans les pays de la Francophonie. Je fus accueillie dans son atelier de théâtre Pupulus Mordicus, à Québec. À l’entrée, surprise ! Des marionnettes grandeur nature m’attendaient. C’est en prenant le thé qu’il m’entraîna, avec un enthousiasme débordant et une flamme vive, dans la découverte de son métier.
Déjà, dans sa plus tendre enfance, il faisait preuve de créativité en réinventant le monde à l’aide de son jeu de quilles en plastique : il créait des galaxies avec ses boules de quille, il inventait des planètes ; quant aux quilles, elles lui servaient à voyager, il en faisait des fusées.
Cependant, c’est en 1978 qu’il eut son premier coup de foudre pour son métier. Alors qu’il était étudiant au Cégep en Arts plastiques, il rencontra une jeune fille qui devint sa petite amie et qui lu présenta son frère. Au moment où il entra dans la chambre de ce dernier, son univers bascula ; le jeune homme était marionnettiste et la pièce était remplie de marionnettes, il y en avait partout, même suspendues au plafond.
C’est dans cet instant de suspension et d’émerveillement qu’il voit s’unir ses deux grandes passions : l’art visuel et le théâtre.
Mais pour lui, tout devint possible lorsqu’en 1979 il assista à une représentation de théâtre pour adulte et qu’il vit, sur scène, s’animer les marionnettes grandeur nature. Wow ! S’exclama-t-il ! Ce fut une révélation. C’est possible !
Rendre possible l’inimaginable
En effet, Pierre Robitaille rend possible l’inimaginable en s’inspirant du mouvement de la vie. C’est en décortiquant le mouvement premier dans l’apprentissage de la marche qu’il fait marcher ses marionnettes sur scène. « Je m’inspire de l’essence de la vie pour rendre vivant ce qui est à la base inanimé », me dit-il. C’est avec une émotion certaine et une profondeur d’être qu’il me confie : « Une marionnette, tu la tiens dans tes mains et elle vit ; tu la laisses sur une chaise, elle meurt. C’est bouleversant, cette fragilité ; on leur prête la vie et ensuite on la leur enlève, comme si on faisait le lien avec notre propre finalité. »
Les outils de la création
L’artiste profite aussi de sa curiosité pour fouiller tous les aspects dont on doit tenir compte dans ce métier, soit la biologie, la psychologie, la mécanique du mouvement, l’ingénierie, la résistance des matériaux… et j’en oublie sûrement. « Cela prend tout un tas d’outils pour réussir à créer une poupée articulée (Pupulus) qui ressemblera physiquement à un être humain et devra s’articuler sur la scène comme un être humain au point de s’y méprendre », me dit-il. Notre marionnettiste ne se contente pas de la seule présence physique sur scène de sa marionnette, mais va jusqu’à nous offrir un séjour dans les émotions ; et il paraît que ça marche ! Quel exploit !
Pierre Robitaille affirme qu’il éprouve une grande satisfaction à faire ce métier, car chaque jour est pour lui une chance de relever de nouveaux défis, de découvrir une nouvelle avenue, de rencontrer de nouveaux visages et de s’en inspirer pour créer un personnage.
« Tout est à découvrir et à réinventer dans ce métier. Cela n’a pas été toujours facile de vivre de ce métier, mais je n’ai jamais lâché, car je sais depuis le tout début que je suis exactement où je dois être et que je fais précisément ce que je dois faire ; et cela, je n’en ai aucun doute », me confie-t-il.
Si vous souhaitez voir ou rencontrer l’artiste et son oeuvre vous êtes conviés au Théâtre Le Trident, du 23 avril au 18 mai pour la pièce de théâtre Les Enrobantes, cabaret décolleté pour psychanalyste plongeant. Ça promet