Alain Guay «C’est plus simple de se faire soigner en prison.»

Bastien Potereau, L’Itinéraire, Montréal

Quand on est itinérant, les problèmes de santé s’accumulent souvent rapidement.

En plus, les personnes vulnérables éprouvent beaucoup de difficulté à accéder à des soins. C’est le cas d’Alain Guay, qui n’a tout simplement plus confiance dans le système de santé.

Vivre dans la rue entraîne un risque élevé de problèmes alimentaires et d’hygiène. Lors de notre rencontre à L’Itinéraire, Alain Guay se présente avec un énorme orgelet, une infection aux bronches et la gale. Pourtant, il refuse de se rendre dans un CLSC pour se faire soigner. Les deux fois où il s’y est rendu précédemment, on lui a rétorqué que les seuls problèmes qu’il avait étaient mentaux : «Chaque fois que j’ai essayé de me faire soigner, on m’a dit que c’était dans ma tête. Ils m’ont juste donné des prescriptions.»

«C’était plus simple de se faire soigner en prison, se souvient-il. Tu as juste à faire une requête quand tu as mal quelque part et on te soigne. Une fois sorti, à qui s’adresser?» La dernière fois qu’il s’est rendu dans un centre de santé, on lui a réclamé un montant de 100 $ pour une radiographie, qu’il n’a pas eu les moyens de payer. «Les gens ne se rendent pas compte, mais c’est déjà un énorme défi pour nous de s e rendre dans un CLSC, ça demande énormément de courage. On a honte d’y aller, on sait que les gens ont des préjugés sur nous… Et quand ils refusent de nous prendre comme patient, alors là, on est complètement découragé.»

Alain est désabusé à l’égard de ce système et ne s’en cache pas. Il ne mâche pas non plus ses mots lorsqu’il parle des refuges pour personnes itinérantes : «Ça fait vraiment longtemps que je n’ai pas pu prendre de douche parce que je ne veux pas aller dans les refuges, tout le monde est malade là-bas.»

 

Toujours en marge du système

Après avoir passé plus de 20 ans en prison, le camelot se dit toujours incapable de se réinsérer socialement : «Je ne sais pas comment m’adapter à la société, comment faire un budget… Les itinérants qui restent dans la rue sont traités de chien sale, c’est dur.» Alain Guay a tout de même réussi à se dénicher un petit logement pour l’hiver, lui qui ne veut pas aller dormir dans les centres d’aide de Montréal.

Le camelot se montre très critique sur la gestion des budgets des refuges. Il estime qu’au lieu de soigner les itinérants malades ou de les aider réellement, les intervenants ne sont là que pour les encadrer.

Pour illustrer ses propos, Alain Guay prend l’exemple des itinérants du métro McGill, un lieu qu’il connaît bien pour s’y être réfugié à plusieurs reprises. «Ils sont malades, ils ont plein d’infections diverses, mais ils ne savent même pas à qui s’adresser pour se faire soigner.» Selon lui, ils sont laissés à l’abandon par la société et sont destinés à un triste sort. «Personne ne veut s’occuper des malades de McGill, on les regarde crever et on s’en calice», s’indigne-t-il.

Il reconnaît que les itinérants ne sont pas des patients faciles, mais pense qu’il y a quand même moyen de mieux gérer la situation. «Si ton chien est malade, tu l’envoies chez le vétérinaire. Nous, on a nulle part où aller, on est pire que les animaux.»

 

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