Déficit zéro : un empressement qui fait mal !

Gilles Gagné, Graffici, Gaspésie

Les six premiers mois de pouvoir du Parti québécois laissent une grande partie de la population gaspésienne sur son appétit, parce qu’ils ont été marqués par l’obsession du déficit zéro, un objectif qui rime rarement avec développement régional.

Lors de son arrivée, le gouvernement de Pauline Marois a certes eu la mauvaise surprise de découvrir un déficit de 1,6 milliard de dollars, plutôt que les 800 millions de dollars annoncés par le ministre libéral des Finances Raymond Bachand. Il n’était toutefois pas nécessaire de rétablir l’équilibre en un an. Un redressement sur deux ou trois exercices aurait fait l’affaire.

La dette totale du Québec – incluant celles d’Hydro-Québec, des sociétés publiques et des municipalités – est élevée. Elle est passée de 178,4 milliards de dollars en 2003 à 248,6 milliards de dollars en 2012. C’est alarmant? Non. C’est inquiétant? Pas nécessairement. La preuve, c’est le taux d’intérêt très bas payé par le gouvernement québécois lorsqu’il emprunte. De plus, la proportion de la dette par rapport au produit intérieur brut se situait à 73,9% en 2003. Ce ratio est maintenant de 74,5%, en dépit de l’impact de la récession de 2008-2009. Bref, c’est un rapport semblable.

Il est bien sûr souhaitable de réduire cette dette et, surtout, son poids économique, mais une compression trop soudaine des dépenses risque d’affecter l’économie québécoise et de miner les revenus. L’effet sur la dette pourrait être pire en cas d’austérité brutale.

Tous les changements de régime sont ponctués par une période d’ajustements nécessaire pour que la nouvelle équipe s’installe.

En 2003, à l’arrivée des libéraux de Jean Charest, il y a eu une période de flottement qui a beaucoup ralenti l’élan qu’avait pu se donner la Gaspésie, grâce au plan de relance mis de l’avant entre 2000 et 2002 par le gouvernement du Parti québécois. Les libéraux de 2003 s’étaient fait élire en promettant un grand ménage de la fonction publique et la mise en veilleuse de certains programmes régionaux faisait partie du plan. Il a pratiquement fallu attendre l’automne 2004, et l’annonce des résultats du premier appel d’offres d’énergie éolienne avant que l’économie gaspésienne respire mieux.

Depuis 2005, le taux de chômage a perdu une demi-douzaine de points en Gaspésie. Lors de la campagne électorale de l’été 2012, Pauline Marois s’était engagée à rétablir le plan de relance du début des années 2000. Depuis septembre, les actions du Parti québécois dans les régions comme la Gaspésie sont davantage caractérisées par des réductions budgétaires que par le statu quo ou par une intensification de mesures progressistes. L’inquiétude frappe actuellement la forêt privée gaspésienne en raison du doute planant sur la reconduction des programmes de travaux sylvicoles, et les 300 emplois qui en dépendent.

Il est aussi grand temps que Québec rassure la filière éolienne en confirmant les modalités de l’appel d’offres de 700 mégawatts, une intention annoncée par les libéraux en juillet mais qui, rappelons-le, sert essentiellement à récupérer des projets n’ayant pas vu le jour depuis 2004. Il faut ajouter entre 5 et 10 millions de dollars aux 17 millions annoncés en mai 2012 pour sécuriser à court terme le tronçon ferroviaire gaspésien. Bien que la somme pour remettre ce tronçon en bon état pour 25 ans s’établisse à près de 100 millions de dollars, il est urgent d’envoyer un signal clair aux Gaspésiens quant à un mode de transport faisant l’unanimité dans le monde, excepté au Canada.

Bien qu’il soit tôt pour évaluer l’impact en Gaspésie des coupes en éducation, ce type de compression affecte toujours les régions, où il est souvent difficile de faire valoir le bienfondé de plus petites classes.

Le gouvernement québécois aurait été mieux avisé de ralentir la cadence en construction routière, où la surchauffe des dernières années a mené à des appels d’offres sans soumissionnaire.

Le gouvernement minoritaire du Parti québécois a pris le pari risqué d’assurer sa réélection en misant sur l’austérité budgétaire, plutôt qu’en mettant l’accent sur une transition douce vers l’équilibre et en garantissant aux régions un appui régulier. Il aurait été mieux avisé de ne pas sabrer dans des postes budgétaires sensibles en régions. Espérons qu’il n’attendra pas 18 mois, comme les libéraux en 2004, avant de corriger le tir.

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