Des sentinelles contre le suicide

Geneviève Gélinas, Graffici, Gaspésie

Partout en Gaspésie, des sentinelles veillent pour détecter des signes de détresse chez leurs proches ou leurs collègues de travail. Une stratégie qui permettra de prévenir le suicide chez de plus larges pans de la société, espèrent ses initiateurs.

Jonathan Hackett, un employé de l’usine LM Wind Power à Gaspé, fabrique les pièces qui soutiennent les pales d’éoliennes de l’intérieur. Mais il se préoccupe aussi de ce qui se passe sous les casques de ses collègues. M. Hackett s’est porté volontaire pour devenir sentinelle il y a trois ans.

Depuis, il a dû intervenir deux fois, dont une dans un cas qu’il a perçu comme sérieux. L’écoute offerte à ce collègue a porté ses fruits. « Aujourd’hui, ça va super bien », dit-il. Selon M. Hackett, le fait qu’il soit un homme facilite les confidences dans son milieu de travail. « Pour les gars, parler de leurs sentiments avec une femme, ça peut être plus difficile. Certains sont plus portés à parler avec moi. »

Joindre les hommes est l’un des buts visés par le programme des sentinelles, explique la psychologue Francine Maltais, responsable du programme à la Direction régionale de la santé publique. « Les hommes ne vont pas nécessairement vers les ressources formelles, dit-elle. Ils vont plutôt chercher de l’aide auprès de leurs collègues de travail, de leur conjointe, de leurs amis. Avec le programme de sentinelles, on pense qu’on peut les joindre plus facilement. »

La Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine comptaient 160 sentinelles en juin 2012, dont 88 dans la MRC du Rocher-Percé, particulièrement active à les recruter.

« C’est un système de solidarité et de soutien social, décrit Mme Maltais. Monsieur et madame tout le monde peuvent devenir les yeux et les oreilles du système. »

Les milieux qui s’engagent sont autant « des grosses organisations comme LM Wind Power, Temrex ou les caisses pop, que le dépanneur du coin, qui est un lieu de rassemblement, ou des regroupements d’aînés », énumère la psychologue.

Les futures sentinelles suivent une formation de sept heures. « On leur décrit les indices de détresse, les moyens d’aborder ces personnes, comment les référer et leur parler des ressources du milieu », explique Mme Maltais.

Depuis qu’il a reçu la formation, Gaétan Cousineau dit être devenu « plus sensible » aux signaux de détresse. Le coordonnateur du Mouvement Action chômage est « en première ligne », puisqu’il vient en aide à des chômeurs qui vivent des démêlés avec l’assurance-emploi. Récemment, il a eu affaire à un homme mal pris. « Son cas ne se réglait pas. Il devait vendre son auto, sa blonde l’avait “dumpé”, il avait trois mois de loyer en retard et était obligé de retourner chez son père. » Quand l’homme lui a dit qu’il devait « prendre une décision », une lumière rouge s’est allumée dans le cerveau de M. Cousineau.

« Je l’ai signalé au CLSC, rapporte-t-il. Eux connaissent les façons d’intervenir. »

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