Véronique Lalande : Portrait d’une battante de Limoilou

François G.Couillard, Droit de Parole, Québec

À la suite de l’apparition d’une mysté­rieuse poussière rouge sur les voitures de Limoilou, le 26 octobre dernier, une mili­tante du quartier, Véronique Lalande, rend public le résultat de ses recherches. Le port pollue, et beaucoup. Ça fait l’effet d’une bombe. Le ministre de l’Environnement, le ministère de la Santé, le maire et le député fédéral sont forcés de répondre. C’est pour­quoi Droit de parole a souhaité rencontrer Véronique Lalande pour en savoir plus sur cette David qui fait trembler les Goliath.

“On sent qu’on dérange” réplique Vé­ronique Lalande, imperturbable. Le 19 décembre, le PDG du Port de Québec, Mario Girard, exprime des doutes sur la méthode d’échantillonnage. Ses actes tra­hissent la panique. Il embauche un expert en gestion de crises pour répondre.

Les activités industrielles du Port déran­gent les citoyens depuis fort longtemps. Cependant, la situation s’est envenimée récemment. Les deux dernières années ont battu des records d’achalandage. Gonflé à bloc par une économie mondia­le affamée de matières brutes, le Port a des projets d’agrandissement de 500 mil­lions$ dans ses cartons. Il est le plus acha­landé du Saint-Laurent. 1 400 bateaux ont été chargés et déchargés en 2012, une moyenne de près de quatre bateaux par jour. La quantité de tonnes transbordées a haussé de 12,5% par rapport à l’année précédente.

Véronique L. dénonce un problème structurel du Port: «Il y a conflit d’intérêts. Le Port a comme mission d’augmenter son chiffre d’affaires tout en autorégulant ses impacts environnementaux. De plus, le conseil d’administration est composé des compagnies locataires du Port».

Il y a copinage politique également. Mario Girard est un grand ami de Régis Labeaume. Il lui a succédé à la Fondation de l’entrepreneurship. Johanne Lapointe, vice-présidente d’Arrimage Québec, com­pagnie en cause dans l’épisode de la pous­sière rouge, était candidate de la CAQ aux dernières élections. Selon une entrevue au blogue MonLimoilou.com, cette rési­dante de Notre-Dame-des-Laurentides s’est lancée en politique par «goût du nettoyage».

Tout ça peut être stressant pour Véroni­que L., nouvellement mère d’un deuxiè­me enfant. Situation qu’elle affronte avec détermination en affirmant que : «En s’engageant, on devient plus fort. Ça nous donne du contrôle sur la situation. Ça grise.»

 

Amoureuse de Limoilou

Véronique L. adore Limoilou. C’est le quartier qu’elle a choisi entre tous pour s’installer avec sa petite famille deux ans après une escale dans Saint-Roch. Aupara­vant, elle habitait Montréal, sa ville natale. Ce fut un choix mûrement réfléchi, même si on peut se demander ce qui l’a poussé à s’installer dans une maison en piteux état près des lignes à haute tension de l’Hydro, de l’incinérateur, de la White Birch et du Port. C’est simple, affirme celle qui adore toutefois la nature et le plein air : «On est des urbains. On s’attend à ne pas avoir la même chose qu’en banlieue. L’endroit par­fait n’existe pas. Même, à Shannon, l’eau est contaminée. Tu choisis un milieu de vie parce qu’il correspond à tes valeurs. Ensuite tu travailles au quotidien pour le rendre meilleur». Et elle poursuit : « Tu peux pas juste réhabiliter d’anciens lieux industriels pour en faire des écoquartiers. Il faut également discipliner les gens qui ont un impact sur la qualité de vie de ceux qui habitent les quartiers centraux»

Celle qui ne peut concevoir de vivre en banlieue tout en travaillant en ville de préciser : «Je peux tout faire à pied et j’aime pouvoir me rendre chez le boulan­ger à pied. Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est la mixité du quartier » affirme-t-elle. Mixité des âges, des classes et des couleurs, qui rappelle la Métropole. C’est par souci écologiste qu’elle a choisi une maison de Limoilou pour pouvoir la reta­per avec son conjoint en prenant soin de conserver les moulures originales.

 

Vie personnelle

Son conjoint, Louis Duchesne, cher­cheur scientifique sur les écosystèmes et l’environnement, lui a donné l’indispen­sable appui pour ses recherches. Toute la famille a mis du sien dans la lutte. C’est d’ailleurs le congé de maternité, obtenu grâce à la naissance du petit Léo, qui lui a donné le temps nécessaire.

Véronique L. travaille dans la forma­tion professionnelle aux adultes. Elle a participé à la fondation de l’obnl Détail formation, organisme qui offre des cours aux travailleurs des entreprises de détail, de l’alimentation, de la restauration et du tourisme. Par contre, c’est chez CGI qu’elle fait actuellement carrière.

L’engagement se trouve dans l’ADN de la famille Lalande puisque la mère, organisa­trice communautaire, a fondé des coopé­ratives d’habitation au sein d’Habitations communautaires Centre-Sud à Montréal. Elle deviendra par la suite journaliste et re­lationniste. Ses grands-parents étaient éga­lement actifs dans des réseaux d’entraide : friperies, cuisines collectives, etc.

 

Politique

Depuis le 26 octobre, les témoignages d’appui des citoyens n’ont cessé d’affluer de Lévis, du Cap-Blanc et de Beauport. Vé­ronique L.est devenue en quelque sorte la porte-étendard d’un mouvement de ras-le-bol contre le Port. Elle s’est familiari­sée au fonctionnement de son conseil de quartier. Elle a également participé à une période de questions à la Mairie. «Au dé­but, mon coeur se débattait» confie celle qui visionne désormais chaque séance municipale par Internet. L’expérience l’a interloquée: «Ça commence par de longs préambules. Puis, après un long moment, les grands enjeux sont traités très rapide­ment, presque sans discussion.»

Véronique L. déplore le manque de cohésion des divers conseils de quartier qui oeuvrent tous sur des questions qui les concernent en vase clos, chacun dans son quartier. «Il n’y a pas de vision glo­bale. C’est un bel espace de discussion, mais ce n’est pas suffisant». Elle valorise l’engagement politique citoyen non-par­tisan: «Les citoyens doivent pousser sur le Port et sur les élus; en premier sur le Ministère de l’Environnement, en second sur la Santé publique et, troisièmement, sur les élus fédéraux».

À ce sujet, le ministre conservateur De­nis Lebel a tourné en dérision au Parle­ment une question de Raymond Côté, élu du NPD dans Beauport–Limoilou, au sujet du Port. M. Lebel n’a jamais répondu aux lettres de Véronique L. Elle fait partie des membres fondateurs de Québec Solidaire. Peu active au sein du parti, elle met toute l’énergie pour le droit de bien vivre en ville. Elle croit fermement qu’une famille peut vivre et se développer sainement en habitant les quartiers centraux.

 

La suite…

Une demande de recours collectif a été déposée, le 14 janvier dernier. Si ce recours va de l’avant, il ouvrira la voie pour un grand nombre d’habitants des quartiers centraux à un dédommagement financier.

 

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