Le théâtre pour écouter l’autre

Francis Halin, L'Itinéraire, Montréal

Pervers. Le titre de la pièce est accrocheur. Mais ce que veut avant tout son metteur en scène Philippe Lambert, c’est raconter des histoires, parler à l’intelligence et au coeur des gens, et faire un travail artisanal.

Rencontre avec celui qui est également adjoint à la direction artistique du Théâtre de la Manufacture.

Philippe Lambert a eu un coup de foudre. La tentation était trop forte. Dernièrement, il a posé le pied en Irlande pour échanger avec la jeune dramaturge irlandaise Stacey Gregg, dont la pièce Perve l’avait visiblement secoué.

Difficile de trouver une histoire aussi brûlante d’actualité. Le jeune héros, Gethin, a 20 ans. Celui-ci rêve de devenir cinéaste; il désire réaliser un documentaire pour défendre les gens faussement accusés de pédophilie. Pour y parvenir, il décide de vivre l’expérience de l’intérieur, en lançant des rumeurs à son propre sujet, en demandant à sa jeune soeur de 16 ans de répéter à tout le monde à l’école qu’il est un pervers. La vie du jeune homme bascule très vite. Le phénomène prend de l’ampleur. La rumeur s’emballe et explose.

 

Communauté perdue

«Je choisis mes textes en fonction de leur résonance sociale», assure le metteur en scène. Et ce faisant, il souhaite faire évoluer les mentalités. «J’espère que les gens sortiront de ce spectacle en se posant des questions», tranche l’homme.

Selon Philippe Lambert, l’individualisme règne en maître au sein de la société, mais nous pouvons changer les choses en prenant le temps d’écouter son prochain pour briser ce cercle vicieux. D’ailleurs, le mot qui reviendra le plus souvent au cours de notre entrevue est «écoute». «L’absence d’écoute sincère et franche de l’autre, de la personne assise juste à côté de moi : mon chum, ma blonde, mon fils, mon père, mes amis…» Cela lui est intolérable. Rien ne peut justifier l’absence d’une telle écoute, pas même la création artistique. Au contraire, il estime que l’artiste ne doit pas faire cavalier seul. Une oeuvre narcissique ou égoïste ne vaut rien à ses yeux. «Si tu brises des vies ou que tu fais du tort autour de toi, ça t’aura servi à quoi?», s’interroge-t-il.

Le metteur en scène se fait critique face à la société. «Je me pose beaucoup de questions sur la communication qui passe de plus en plus par des filtres électroniques. Je n’ai pas de téléphone cellulaire. Je trouve qu’on perd en qualité lorsqu’on ne prend pas le temps de parler face à face avec quelqu’un», ajoute-t-il. Le travail occupe aussi trop d’espace au sein de la communauté, selon le metteur en scène. «À un moment donné, il faut avoir le temps de vivre, de parler et de jouer.»

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