Le courage de dire « j’ai peur »

Flôrilène Loupret, La Gazette, Mauricie

Il n’est pas rare de voir des personnalités publiques se rallier à une cause. En ce domaine, ce ne sont pas les choix qui manquent, comme le dit si bien le comédien Hugo Giroux, pour qui il y aurait eu des milliers de causes, notamment celles concernant des enfants, auxquelles il aurait pu offrir son appui.

Si son choix s’est arrêté sur la prévention du suicide, ce n’est pas par hasard. «J’ai choisi de m’associer à une cause où il y avait vraiment une résonnance», confie celui qui a «connu l’effet du vide et du geste» qui a dévasté sa famille il y a un peu plus de huit ans, tandis que l’un de ses frères, atteint de schizophrénie, s’est enlevé la vie.

Hugo Giroux est co porte-parole, avec Claude Legault, pour la Fondation Dédé Fortin, qui oeuvre à l’échelle du Québec pour réunir des fonds et les redistribuer à d’autres organismes voués à la prévention du suicide. «Je trouve la cause importante, exprime-t-il. On néglige souvent l’aspect émotif de la vie. Pourtant plein de monde souffre. Mais quand on en parle, ça dérange. Les gens trouvent ça trop “pathos”, la société n’est pas à l’aise avec ça. Elle impose une façade qui véhicule le contrôle, le bonheur, la perfection.»

 

Changer les mentalités

«Avec mon apport, je veux changer les mentalités. Je veux dire que dans la vie, on peut être très équilibré, avoir des ambitions, et en même temps être quelqu’un de sensible, capable de dire “je t’aime” à ses chums, et aussi capable de dire “j’ai peur”».

L’acteur qui multiplie les rôles au petit comme au grand écran ne cache pas qu’à la suite de ce drame familial, il a eu recours à une psychologue, qu’il consulte toujours d’ailleurs. «Je me suis rendu compte que j’avais peur de la mort, confie-t-il. J’aimais tellement la vie et là je prenais conscience de la fatalité. Un jour, ma psy m’a dit que c’était normal. Juste ça, entendre qu’avoir peur de mourir c’est normal, ça l’a tout dédramatisé.»

Celui qui dit faire «un travail d’émotions» reconnaît que l’ouverture et la présence de ses parents ont grandement contribué à son cheminement et à son équilibre. «C’est un facteur auquel on ne s’attarde pas assez, poursuit le comédien. Dans la vie, il faut passer par des moments de faiblesse pour développer sa force. Ça prend plus de courage pour s’occuper de soi-même et faire face que pour s’enlever la vie.»

Hugo Giroux, en grand amateur de hockey qu’il est – il a notamment eu le bonheur de jouer dans Lance et compte, le fi lm et la télésérie – ne peut s’empêcher de dresser un parallèle avec Stéphane Richer, pour qui il a beaucoup d’admiration. «Ce gars-là a souffert toute sa vie. Il avait une grande sensibilité et souffrait d’anxiété. Mais il était dans un monde de gars où il faut performer. Il a été pris avec ça toute sa vie». L’ex joueur des Canadiens de Montréal a d’ailleurs confié, à l’émission «Réjean Tremblay», le mal-être qui l’a rongé intérieurement toute sa vie. Comme quoi la façade la plus solide peut cacher une grande sensibilité.

 

Tendre la main et ouvrir le cœur

«L’argent ne compense pas pour la souffranceémotive des êtres, rappelle à juste titre le comédien. Avant de porter un jugementsur quelqu’un, je lui demande “commenttu te sens?” Il faut arrêter de se camoufleret s’accepter comme on est. C’est un beautravail, positif. Ça vaut la peine». Hugo Girouxconclut en soulignant que c’est une bonnechose que la Fondation ait pour porteparoledes modèles masculins, car cela peutcontribuer à rendre la société plus ouverte àla dimension affective. «Il faut faire le pas deplus, dit-il, faire de la prévention du suicide,c’est vraiment tendre la main aux êtres quisouffrent.»

 

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