Vers un printemps autochtone ?

Gilles Gagné, Graffici, Gaspésie

Les manifestations du mouvement Idle No More pourraient croître à mesure que l’année 2013 avancera, surtout si le gouvernement conservateur de Stephen Harper s’entête à traiter les autochtones du pays comme une quantité négligeable.

Ce genre de traitement, de mépris même, ne peut qu’entraîner une intensification des manifestations qui ont débuté en octobre, quand quatre femmes de la Saskatchewan ont institué le mouvement.

Le ras-le-bol des autochtones est justifié. Il est évident qu’il découle avant tout d’une accumulation de décisions abusives récentes du gouvernement conservateur, décisions qui, si elles ne sont pas modifiées en profondeur, entraîneront de grands changements au Québec et au Canada.

Ce ras-le-bol suit 40 ans d’échecs de pourparlers visant, officiellement du moins, à sortir les autochtones d’une précarité économique et de conditions de vie déplorables. Bien qu’il serait simpliste de lier ces conditions uniquement aux actions des Blancs, il faut reconnaître que le manque de partage des ressources, le confinement des autochtones à des réserves exigües et le paternalisme ayant mené à la création de pensionnats destructeurs ont largement contribué au déséquilibre actuel.

La méthode employée par le gouvernement Harper pour adopter les projets de loi C-38 et C-45 tient de l’autocratisme. Les règles élémentaires de légitimité, de transparence et de débat parlementaire sur un sujet aussi fondamental que le changement de 115 autres lois ont été écartées volontairement.

Ces deux projets de loi adoptés par le Parlement touchent aussi l’ensemble des Canadiens. Dans les régions, elles réduiront notamment la protection des voies navigables.

Ce terme est parfois trompeur parce qu’au sens des lois fédérales, une voie navigable

peut-être une petite rivière sur laquelle il était possible de canoter en 1880. Bref, réduire la protection conférée aux voies navigables revient à ouvrir presque la totalité du territoire canadien à l’exploration et à l’exploitation des ressources minières et gazières. Considérant le médiocre bilan environnemental des compagnies évoluant dans ces secteurs, c’est une très mauvaise nouvelle.

Le ras-le-bol autochtone survient à point nommé, stratégiquement. Assoiffé de pouvoir, Stephen Harper pense déjà à sa réélection. En principe, le prochain scrutin fédéral est prévu pour le début de 2015.

Les Conservateurs surveillent toutefois tout contexte susceptible de leur redonner une majorité, incluant une élection en 2014. La sympathie réelle, bien que difficilement mesurable, de millions de Canadiens non-autochtones pour le mouvement Idle No More vient assurément brouiller les cartes des stratèges conservateurs, qui n’anticipaient pas ce type d’union.

En Gaspésie, depuis quelques années, la communication entre les autochtones et le reste de la population s’est améliorée. La lutte contre l’incinérateur de Bennett à Belledune, au Nouveau-Brunswick, a tissé des liens. Il y a eu la déconvenue du projet de pourvoirie de Gesgapegiag, mais depuis deux ans, on assiste aussi à une collaboration entre Autochtones et Blancs dans l’opposition à l’exploration d’uranium et d’hydrocarbures. On a rétabli des liens, pour les améliorer.

Lors des manifestations de la fin de décembre et du début de janvier à Listuguj et à Gesgapegiag, on a assisté à des scènes rarement vues. La proportion de Blancs exprimant leur approbation face à l’initiative autochtone était plus forte que jamais. S’agissait-il d’opportunisme, parce que les politiques d’Ottawa sont nettement impopulaires en Gaspésie, ou d’une évolution des mentalités ? Il y avait sans doute un mélange des deux mais ces contacts rapprochent les peuples. Il est tentant de dire que la Gaspésie est en avance sur le Québec, lui-même en avance sur le Canada, en matière de relations autochtones. Il reste énormément de travail à réaliser, mais le progrès est palpable.

Au cours du dernier mois, chaque manifestation autochtone en Gaspésie a fait l’objet d’une communication avec les voisins. La volonté de minimiser les désagréments au profit de la sensibilisation a peut-être diminué l’éclat des actions, mais elle a généré des appuis.

Ces appuis seront fort utiles au cours des prochains mois si le gouvernement de Stephen Harper ne démontre pas plus de sérieux pour faire avancer la cause autochtone, d’autant plus qu’enfin, il apparaît de plus en plus évident que les intérêts autochtones et non-autochtones sont indissociables.

 

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