De fausses vraies images : Vraisemblances d’Isabelle Hayeur

Paul-Henri Frenière, Journal Mobiles, Saint-Hyacinthe

D’entrée de jeu, Isabelle Hayeur avoue que c’est sa plus imposante exposition en carrière. Du 26 janvier au 21 avril, Vraisemblancesprésente 16 photographies géantes et quatre vidéos dans la salle d’Expression, spécialement réaménagée pour l’occasion.

Lors de notre passage au centre d’exposition de Saint-Hyacinthe, jeudi dernier, l’artiste supervisait l’installation de ces grandes photographies dont certaines peuvent atteindre jusqu’à 12 pieds de largeur.

C’est le cas de Alluvions, une œuvre faisant partie de la série Destinations, les trois autres séries étant Maisons modèles, Excavation et Underworlds.

À première vue, l’image représente un paysage avec une plage, un plan d’eau, un boisée, un pont et un édifice au loin. Mais ce que le « regardeur » ne sait pas, c’est que cette image est composée de différentes photos que l’artiste a amalgamées de manière à la rendre crédible.

Pour Alluvions, pas exemple, les photos dont Isabelle Hayeur s’est servi ont été prises à Cape Cod, en Floride et à Rivières des Prairies, entre autres. Mais les photos auraient pu être captées au Japon, en Argentine, au Mexique où ailleurs dans le monde, au gré des nombreux voyages que l’artiste a effectués ces dernières années.

 

Une démarche artistique signifiante

Ces réalisations ne sont pas que des prouesses techniques fignolées à l’ordinateur, elles témoignent surtout d’un propos, d’une démarche artistique signifiante entreprise par Isabelle Hayeur.

« Depuis toujours, je suis préoccupée par les transformations que subissent les paysages, confie l’artiste. Ayant grandi en banlieue, j’ai dû assister au spectacle de l’étalement urbain et aux nombreuses disparitions qui l’accompagnent. »

« Mon approche est liée à cette expérience et se nourrit des discours qui entourent la question environnementale, ainsi que des problématiques d’aménagement du territoire. Je m’intéresse en particulier aux sentiments d’aliénation, de déracinement et de dislocation. »

Ce qui explique sa série Maison modèles qui, au premier coup d’oeil, leurre encore le « regardeur » que nous sommes. Il en est ainsi de son œuvre Catherine : un clin d’œil à l’entreprise Les Maisons Bonneville qui baptise souvent ses maisons avec un prénom féminin.

La maison est bien réelle, mais la partie inférieure de l’image provient d’une autre photographie, soit celle d’un château. Isabelle Hayeur n’apprécie guère ces immenses demeures luxueuses – une tendance étasunienne – que les promoteurs imposent dans les banlieues. On les retrouve, entre autres, dans le quartier DIX30, près de Montréal, et un peu partout, même dans certains secteurs de Saint-Hyacinthe.

« Il y a un côté factice, Disney World, qui ne cadre pas avec le milieu naturel. Comme à Mont-Tremblant, par exemple. J’ai des amis qui vivaient là et qui n’ont pas du tout apprécié le développement à l’américaine que l’on y a fait ». D’ailleurs, une autre œuvre de l’artiste, Cassandra, témoigne de cette réalité.

Rappelons que l’exposition Vraisemblances sera présente au centre EXPRESSION jusqu’au 21 avril. Par la suite, elle prendra place au Musée régional de Rimouski et elle sera accompagnée d’une publication coéditée par les deux institutions muséales.

Isabelle Hayeur vit et travaille à Montréal. Ses œuvres ont été présentées dans le cadre de nombreuses expositions, notamment au Musée des Beaux-arts du Canada, au Musée d’art contemporain de Montréal et à la Art Galery of Ontario. Son travail a également été exposé dans plusieurs institutions étasuniennes de même qu’à Berlin, Istanbul et Paris.

classé sous : Non classé