« Maîtres chez nous? » m’a choqué et révolté.

Jean-Louis Labonté, Le Pont de Palmarolle, Palmarolle

Il me semble qu'être maître chez soi, cela commence par la liberté de disposer de ses biens selon ses propres volontés et selon ses besoins.

Voilà qu'après avoir travaillé et trimé toute une vie pour me ramasser un capital dans une entreprise agricole, je ne pourrai pas la vendre pour assurer ma retraite, parce que des politiciens, des chefs syndicaux, des maires… s'y opposeront ? En Abitibi, le territoire est vaste, le climat est hostile, personne du milieu n’a intérêt à investir sur des terres agricoles.

Pendant plus de deux ans, j'ai attendu qu'un acheteur de la région se présente. L'heure de la retraite avait sonné pour moi, eh bien! je n'ai reçu aucune offre. Il en est de même pour mes collègues agriculteurs de mon voisinage.

Quand on possède une entreprise qui vaut plus d'un million, et que les revenus ne sont pas suffisants pour assurer le remboursement de cette somme, aucun acheteur peu fortuné ne peut s'en porter acquéreur, parce que les banques ou les caisses refusent de prêter l'argent nécessaire à un éventuel acheteur.

Si l'on veut céder son bien à ses enfants ou à ses descendants, il faut accepter de le sacrifier, à moins du tiers de sa valeur, ce qui n'est pas suffisant pour s'assurer une retraite viable et, même à ce prix, un jeune ne sera pas capable actuellement de faire face à sa dette.

Et dites-moi pourquoi un jeune accepterait de travailler douze heures quotidiennement, sept jours / semaine, sans répit, pour un revenu minable, alors qu'on lui offre des salaires de plus de cent mille dollars dans des conditions de travail plus qu'avantageuses dans d'autres secteurs économiques ?

La main-d'oeuvre étant, de ce fait, de plus en plus rare, un agriculteur ne peut concurrencer ces grosses compagnies présentes en région. L'acheteur, monsieur Renaud de Mirabel, n'est pas un martien, c'est un entrepreneur québécois qui veut se consacrer à la culture céréalière en Abitibi; il croit au potentiel de nos terres, il veut les garder en production, pour son profit bien sûr, comme tout homme d'affaires, mais aussi pour éviter qu'elles tombent à l'abandon, comme cela se produit depuis le déclin de l'agriculture chez nous à partir des années 1970, et probablement bien avant.

Monsieur Vachon, président de l'UPA-AT, vous avez peur de vivre dans un « désert d'avoine » comme vous dites. Préféreriez-vous vivre dans un « desert de terre en friche » ? Ce qui ne saurait tarder, compte tenu de la situation des agriculteurs en Abitibi, au Témiscaminque et à la grandeur du Québec. Madame Claire Bolduc de Solidarité rurale, vous vous inquiétez du fait qu'il faudra faire appel à de la main-d'oeuvre étrangère. Vous devez être consciente que c'est ce qui se fait présentement à la grandeur du Québec, de l'Ontario et du Canada même; les Québécois refusent ces emplois sur les fermes, qu'elles appartiennent à de petits ou à de grands propriétaires… on préfère des emplois mieux payés en industrie, ou encore, l'assurance-emploi ou le bien-être social…

Monsieur François Gendron, nouveau ministre de l'Agriculture, j'espère que vous n'allez pas légiférer, mettre la « grosse patte » de l'État dans le parterre privé des cultivateurs qui décideront de vendre leurs biens, si chèrement acquis ? C'est leur régime de rentes. Ils ne peuvent pas, eux, compter sur plusieurs généreuses pensions versées par l'État !

J'aimerais bien que ces messieurs et ces dames, « spécialistes » voulant défendre l'agriculture en région, se rendent à l'évidence que l'image de la petite ferme familiale, c'est du passé. Qu'on le veuille ou non, la production agricole, comme toute production sur la planète, est en pleine mutation.

J'ai moi-même cédé mes mille âcres de terre à ce producteur, monsieur Gérard Renaud, et dès l'automne dernier, je fus à même d'admirer ce « désert d'avoine » sur lequel j'ai moi-même travaillé, comme mes petits-fils et d'autres entrepreneurs locaux.

J'encourage d'autres producteurs locaux, qui sont eux aussi à l'âge de la retraite, à m'imiter; ce sera la solution à leur problème de succession, et cela leur permettra de recouvrer les capitaux et les efforts investis pendant toute leur vie, et d'ainsi profiter d'une retraite confortable.

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