Un café pas comme les autres

Matthieu Max-Gessler, La Gazette de la Mauricie, Mauricie

L'économie sociale réconcilie deux mondes, trop souvent opposés: les affaires et l'humain. Remplir des obligations de rentabilité tout en répondant à un ou des besoins de la population est toutefois un défi de taille. Un défi que le café Le Bucafin remplit depuis 10 ans, sans sourciller.

Le Bucafin a vu le jour il y a 10 ans, à l'initiative des citoyens des Premiers quartiers de Trois-Rivières. Ceux-ci ont d'abord mené une enquête auprès de leurs concitoyens pour savoir quels services manquaient dans le quartier. Les principaux besoins: un café, une buanderie sécuritaire et l'accès à Internet. «C'est la population qui a proposé de rassembler tous ces services en un même endroit, explique Cécilia Protz Salazar, coordonnatrice du Bucafin depuis plus de trois ans. Un comité citoyen a été créé suite à l'enquête et ils ont enclenché les démarches pour créer le Bucafin.»

Le choix de l'économie sociale n'en était pas un dans le cas du café-buanderie-Internet, mais la seule voie possible. «C'est beau de répondre à un besoin, mais il faut payer les machines et les cinq employés, poursuit Mme Protz Salazar. Puisqu'on n'avait pas accès à des subventions, il fallait tarifier nos services, tout en gardant l'accessibilité des lieux et activités aux gens du quartier.»

 

Services diversifiés et accessibles

Situé au 920, boulevard du St-Maurice, le Bucafin offre ainsi un service de buanderie et d'accès à Internet, à des prix modiques, aux résidents des quartiers Sainte-Cécile et Saint-François-d'Assise, en plus de vendre café et repas. Mais ses activités ne se résument pas à ces trois services: le Bucafin est également un espace d'exposition pour des artistes du coin et offre plusieurs ateliers et activités gratuites à la population. «On donne des cours d'Internet, de cuisine, sur les saines habitudes de vie, la prévention des dépendances et l'accès à l'emploi, poursuit la coordonnatrice. Quand les gens ont à débourser, c'est uniquement pour payer le matériel, comme les aliments pour les cours de cuisine.»

L'argent est le nerf de la guerre: bien que souvent utilisée, cette formule reflète bien le principal défi du Bucafin. «On reçoit un peu d'aide d'Emploi-Québec, mais les demandes sont toujours à refaire, déplore Mme Protz Salazar. Et on ne peut pas vendre nos produits et services trop cher, il faut tenir compte du revenu des gens. Ça demande une gestion serrée et c'est une bataille de tous les jours. Mais c'est une belle bataille: on rejoint près de 500 personnes par semaine.»

Cécilia et son équipe font également face au défi de l'espace restreint du Bucafin. «La cuisine est très petite, la buanderie aussi et on n'a pas assez de machines à laver, résume-t-elle. De plus, on n'a pas assez de place pour recevoir tous les groupes. Mais on est en train de réfléchir sur comment réaménager l'espace.»

Autre défi, qui concerne cette fois l'ensemble du milieu communautaire et de l'économie sociale: l'aggravation de certaines problématiques sociales. «Il faut mieux répondre aux besoins de la population, croit Mme Protz Salazar. Mais pour ça, il faut se concerter pour mieux agir. Ça prend une stratégie plus large.»

Malgré ces défis, le Bucafin est certainement là pour rester. En effet, la clientèle du café multiservices se prétend entièrement satisfaite de cette entreprise d'économie sociale qu'elle a, en quelque sorte, créée. «On nous dit que la nourriture est excellente et que les activités sont intéressantes, conclut Cécilia Protz Salazar. C'est un espace pour socialiser où les gens ne sont pas obligés de consommer pour y rester.»

Bref, une sorte de havre en cette société de consommation, où l'humain est trop souvent jugé sur sa capacité à payer… et non à rire, discuter, apprendre et rayonner.

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