Remuer la terre : les mineurs à travers les âges

Éric Cyr, collaboration spéciale avec  Le Trait D’union Du Nord, Fermont

Les hommes ont depuis des millénaires puisé dans les ressources du sous-sol afin d’en extraire des métaux. Que l’on songe aux expériences des alchimistes du moyen-âge, aux bijoux des tribus nomades  touarègues dans le désert du Sahara en Afrique ou à l’or des peuples incas et mayas en Amérique du Sud, les métaux précieux ont toujours exercé une fascination sur l’homme, ce qui n’enlève rien à l’importance des métaux utilitaires comme le fer qui a grandement contribué au développement du Nord du Québec et au Labrador.

 

Déplacer les montagnes

Comment décrire cette grande aventure minière du nord-est-québécois et du Labrador sinon par un simple passage biblique : « la foi peut déplacer des montagnes». Cette foi en une vie meilleure a toujours les mineurs depuis les tout débuts et ces derniers ont toujours sans cesse tenté d’innover afin d’améliorer leur sort. L’imagination et le courage des pionniers a grandement modifié les façons actuelles d’extraire les métaux du sol.

 

 

Des temps difficiles

La vie n’a pas toujours été rose pour les mineurs et à une certaine époque ces derniers risquaient bien souvent leur vie dans le cadre de leur travail. Que l’on songe aux mineurs des mines de charbon qui apportaient avec eux des serins (canaris) dans des cages sous terre afin de les prévenir si le niveau d’oxygène venait à faiblir dans les tunnels. En effet les oiseaux, plus fragiles que les humains, mourraient rapidement si la qualité de l’air était déficiente ce qui donnait un sursis aux mineurs pour rapidement remonter à la surface. Et que dire des fameux goulags, ces camps de travaux forcés dans l’ancienne Union soviétique où les dissidents et opposants du régime (des prisonniers politiques) et des prisonniers de droit commun étaient envoyés pour y travailler dans les mines. Pas besoin d’aller si loin pour retrouver un tel exemple, lors de la construction du Mont-Wright, à Fermont, certains bagnards ont vu leur peine écourtée s’ils acceptaient d’aller travailler dans le Nord.

 

Une lutte incessante

La vie des mineurs a toujours été composée de luttes incessantes pour faire valoir leurs droits et obtenir un salaire décent. Le roman Germinal de l’écrivain Emile Zola (un film éponyme réalisé par Claude Berri est aussi sorti en 1993) dépeint déjà les dures conditions des mineurs français en 19885. Ayant perdu son travail, le jeune Étienne Lanthier se fait embaucher aux mines de Montsou dans le nord de la France où il connaît des conditions de travail effroyables. Lorsque la compagnie des mines arguant la crise économique décrète une baisse de salaire, il pousse les mineurs à la grève en parvenant à vaincre leur résignation et à leur faire partager son rêve d’une société plus juste et plus égalitaire. Lorsque le conflit éclate, l’entreprise adopte une position très dure et refuse toute négociation. Affamés par des semaines de lutte, le mouvement se durcit et les militaires rétablissent l’ordre mais la grève se poursuit. Lors d’un mouvement de rébellion, plusieurs mineurs défient les soldats qui se mettent à tirer sur les manifestants et ceux-ci se résignent à reprendre le travail. Un ouvrier anarchiste sabote alors la mine emprisonnant des travailleurs sous terre. Un jour, le héros l’espère, les ouvriers vaincront l’injustice. Ce scénario ressemble quelque peu à ce qui s’est passée au Québec presqu’un siècle plus tard.

 

Murdochville

En mars 1957, les travailleurs de Gaspé Copper Mines (Noranda Mines) à Murdochville, en Gaspésie déclenchent une grève pour défendre leur droit à la syndicalisation. La compagnie refuse à l’époque de reconnaître le syndicat des Métallos affilié à la fédération des travailleurs du Québec (FTQ) et fait appel à des briseurs de grève ainsi qu’à la police dépêchée par le premier ministre, Maurice Duplessis, pour soumettre les grévistes. Cette intervention de l’État suscite l’indignation et la colère des mineurs. Puisque le syndicat n’a pas encore été reconnu officiellement, les travailleurs se trouvaient dans une situation de grève illégale et le ministre du Travail refuse de s’occuper de ce conflit. Ce dernier réclamait que les mineurs retournent au travail et qu’ils soient accrédités par la Commission des relations ouvrières avant d’agir. Le conflit dure sept mois. Cette grève passera dans l’histoire à cause de ses affrontements violents sans précédent qui ont fait un mort et plusieurs blessés. Bien que ces manifestations se soient terminées par une défaite pour les mineurs, après une bataille judiciaire de 15 ans, elles auront néanmoins permis à ceux-ci de recevoir plusieurs appuis importants donnant naissance à de nombreuses associations. Cette grève malgré tous ses aspects négatifs et ses gestes de sabotage aura finalement entraîné une importante vague de solidarité du Québec tout entier et cet échec aura permis aux syndicats de se renforcer considérablement.

 

Fluctuations du marché

Les travailleurs des mines savent bien que les villes champignons où ils habitent ont été construites pour la plupart par les entreprises minières et que leur durée de vie est intimement liée aux matières premières dont regorgent le sous-sol à proximité. Certaines villes ont décimées où sont devenues des localités fantômes aussitôt que le prix des métaux a chuté notamment Murdochville, Gagnonville et Schefferville. Les compagnies qui exploitent ces ressources savent que la durée de vie d’un gisement est limitée et n’hésiteront pas à fermer des villes sans égards à leurs habitants lorsqu’elles jugeront que leur chiffre d’affaires n’est plus assez rentable et voilà pourquoi les travailleurs devraient pouvoir obtenir un salaire alléchant afin de les inciter à venir s’y établir. La tendance actuelle semble être de construire des camps miniers plutôt que des municipalités organisées et de transporter les travailleurs par avion en vols nolisés, ce qui est moins attrayant pour ceux qui souhaitent fonder une famille où avoir une vie sociale normale.

L’époque des coureurs des bois et des grands constructeurs est révolue et la relève n’est pas toujours prête à faire le sacrifice de vivre dans de telles conditions.

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