Éducation globale : portrait d’un engagé passionné

Mario Bard, Bio Bulle, La Pocatière

« Il est hautement improbable de trouver des enfants profondément heureux à l’école primaire. » Le constat est impitoyable et provient de Mathieu Côté Desjardins, « maître d’oeuvre » d’un service de garde nouveau genre, La Grenouille et la Tortue. À 28 ans, le jeune homme originaire de Rimouski fait preuve d’une maturité impressionnante.

Mais comment en arrive-t-il à faire un constat aussi ébranlant? L’homme, qui possède une formation collégiale en Arts et Lettres ainsi qu’un baccalauréat en Éducation préscolaire et primaire, a peu apprécié ses années scolaires.

C’est en découvrant le concept de guidance juvénile qu’il a décidé d’en faire un projet. La guidance juvénile, telle que présentée sur le site internet La Grenouille et la Tortue (www.lagrenouilleetlatortue.ca), est une façon d’éduquer en inculquant des valeurs de pédagogie démocratique, de joie dans l’apprentissage, de jeu concret, de sensibilisation à vivre dans le temps présent ainsi que l’apprentissage des vertus que sont le pardon, la patience, la simplicité, la cohérence, l’intelligence sociale ou encore la tolérance. Tout cela en opposition aux valeurs dominantes, ici nommées « antivaleurs », que sont la surabondance, la surcon sommation, la surstimulation, le rapport punition-récompense ou encore la télévision et l’ordinateur PETITE ENFANCE : PIRE! Le jeune créateur se désole quand il aborde la question de la petite enfance. Selon lui, ce système est dramatique car on « triche les enfants », ceux-ci n’étant pas en mesure de dire ce qui ne va pas, contrairement à ceux de l’école primaire qui sont déjà plus bavards.

Pour arriver à donner vie à ce tout nouveau projet – créé en 2011 – il offre des consultations dans les garderies afin de les transformer en « métagarderies »! Ce qui veut dire un lieu qui devient un endroit d’éducation globale pour l’enfant : éveil à l’environnement, à la santé et à une meilleure qualité d’éducation; un endroit qui possède également « la puissance de raviver les communautés », estime-t-il. Tout cela en plus de son emploi comme professeur.

Pour l’instant, le projet n’est ni prématernelle, ni garderie. Il semble plus facile de le réaliser en milieu familial, ce qui devrait aussi s’avérer plus abordable pour les parents. On demande à ceux-ci de s’impliquer au moins trois heures par mois dans le projet « afin d’assurer le bon fonctionnement ».

 

BIO, MAIS DE QUALITÉ

A-t-il été influencé par ses parents? « Non, c’est plutôt moi qui les ai inspirés! », sourit Mathieu, précisant que sa mère a maintenant diminué sa consommation de viande et mis un peu plus de produits biologiques sur sa table. Peut-il déjà mettre en pratique, à l’école dite conventionnelle, ce qu’il aimerait mettre sur pied en termes d’alimentation? « On ne peut plus compter sur l’école pour l’alimentation bio », déplore-t-il. Et chaque fois qu’il s’est aventuré à présenter aux enfants les tenants et aboutissants de l’alimentation bio, les autorités scolaires n’ont pas apprécié. « Il y a encore beaucoup de réticence du milieu scolaire. » Les enfants ne connaissent finalement que les bases données par le Guide alimentaire canadien – ce qui est déjà un début – mais d’autres façons d’élargir la réflexion feraient comprendre les aspects sociaux et environnementaux de ce que nous mangeons chaque jour, en présentant au passage les principes du commerce local et équitable. « Dans certaines garderies, fait-il remarquer, on sert de la nourriture bio mais les enfants sont entassés et le reste [des activités] est très peu en lien avec des valeurs environnementales, de santé et d’éducation globale. C’est comme si on vous donnait un beau lit dans une chambre à gaz! », s’indigne le créateur.

 

RÉVOLUTION JOYEUSE!

Ce projet pour une nouvelle façon d’éduquer a un coût. « Avant le chalet et le condo, il faut investir dans l’enfance », indique Mathieu. Et son investissement –près de 100 000$ pour la dernière année – ne s’arrête pas au seul milieu scolaire. Il se veut public grâce à la production d’une websérie, La déséducation, sélectionnée en France au WebTV Festival et retenue parmi les finalistes aux prix Gémeaux en 2011. « Des professeurs du secteur collégial et universitaire, notamment en éducation et en sociologie, utilisent ses webisodes dans le cadre de leurs cours au Québec et en Europe », indique le site internet de l’organisme. Présent sur les médias sociaux que sont Facebook et Twitter, Mathieu a également donné des conférences sur le sujet à Trois-Rivières, Magog, Montréal et en Abitibi-Témiscamingue. Il existe donc un très grand intérêt lié à ses travaux. Comment les premières expériences de La Grenouille et la Tortue ont été reçues? « L’expérience crée des discussions avec des parents plus concluantes que dans le système scolaire. Ça m’a également permis de créer des partenariats : magasins d’alimentation, échange de visibilité, etc. » Il se réjouit de voir la volonté des gens qui veulent améliorer les choses et qui veulent faire la différence. « Une révolution joyeuse par les bienfaits et par l’exemple », conclut ce jeune passionné qui fait effectivement une différence.

 

 

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