J. Girard, Échos Montréal, Montréal
L'exposition « Citoyens – Hier, aujourd'hui, demain », présentée jusqu'au 24 février à l'Écomusée du fier monde, dresse le portait de 41 personnes, connues et moins connues, du grand philanthrope au militant, en passant par l'intervenant et le bénévole, qui se sont engagées significativement dans des causes sociales depuis le milieu du 19e siècle.
L'idée de créer une exposition relatant l'histoire sociale de Montréal, et plus encore celle du quartier Centre-Sud, a germé il y a quatre ou cinq ans déjà, dans un souci de préservation et de transmission de la mémoire. « On a été contactés par des groupes qui étaient inquiets parce qu'un certain nombre de pionniers du mouvement communautaire des années 60 et 70 sont en train de disparaître », raconte René Binette, directeur de l'Écomusée.
« Certains sont décédés, certains ont pris leur retraite, mais sans qu'il y ait une transmission de la mémoire, déplore M. Binette. Ces gens-là vieillissent et disparaissent, et on n'a pas d'entrevue avec eux, on ne les a pas rencontrés, et ils ont peut-être des choses à nous raconter. Dans les organismes, il y a du sang neuf et ces jeunes ne connaissent pas les pionniers. […]. C'est comme ça qu'on a commencé ce chantier, pour faire la cueillette de leurs témoignages. »
LE PASSÉ ET LE PRÉSENT
Pour l'Écomusée, il était primordial de refléter la diversité de l'engagement citoyen. L'exposition aborde donc divers secteurs d'implication, comme la santé, le logement social, l'alphabétisation, la place des femmes, la sécurité alimentaire et l'environnement. Les grandes figures historiques de l'implication sociale, comme Émilie Tavernier-Gamelin, Marie-Gérin-Lajoie, Justine Lacoste-Beaubien ou Alphonse Desjardins, côtoient aussi les simples citoyens actuellement engagés dans leurs milieux.
Véronique Leduc, féministe éprise de justice sociale qui milite notamment pour les droits des travailleuses du sexe, et Mathieu Côté-Desjardins, qui a fait de l'éducation son cheval de bataille en diffusant les webséries « La déséducation » et « La rééducation », font également partie de l'exposition.
« L'Écomusée du fier monde a contacté l'organisme Stella afin d'inclure la mobilisation des travailleuses du sexe dans le panorama de l'engagement citoyen, explique Véronique Leduc. En tant que présidente de l'organisme, j'ai été honorée qu'on pense à nous inclure de façon positive, c'est-à-dire en dépassant la conception souvent véhiculée selon laquelle les travailleuses du sexe ne seraient que des victimes à sauver et en reconnaissant plutôt notre force de mobilisation et d'engagement social. »
Pour Véronique Leduc, la militance ne se réduit pas à la dénonciation, mais implique également la volonté d'adopter un « mode de vivre ensemble » plus solidaire. « La militance est une lutte pour dénoncer les injustices, mais également pour proposer et construire des modes de vie, des façons d'être au monde et de le concevoir qui soient plus justes et respectueuses de nos diversités », explique la jeune femme, qui travaille également avec le collectif de jeunes vidéastes engagés Les Lucioles et le groupe queer radical Les Panthères roses.
PASSER À L'ACTION
Ce qui a incité Mathieu Côté-Desjardins à s'impliquer socialement, c'est d'abord l'apathie et le désenchantement dont il a été témoin, et ce, autant sur les bancs d'université dans le domaine de l'éducation que dans les écoles elles-mêmes. Ce constat a heurté sa sensibilité au point où il a souhaité passer à l'action. Par la suite, « ce qui m'a amené à continuer à m'impliquer, c'est ma sensibilité qui a su évoluer pour devenir compassion pour la souffrance chez les enfants, qu'ils soient dans des milieux défavorisés ou non, infligée majoritairement par les grandes personnes », explique Mathieu Côté-Desjardins, dont les deux webséries sur le système d'éducation québécois ont grandement fait réagir.
Selon lui, une exposition comme « Citoyens – Hier, aujourd'hui, demain » est une véritable chance de s'instruire quant à l'importance de l'engagement social et communautaire. « La militance citoyenne est le coeur de ce que nous avons maintenant. C'est le genre de choses qui devrait être intimement lié aux écoles, qui sont malheureusement à des années lumières de la réalité », affirme le jeune homme, qui travaille actuellement à l'écriture d'un livre témoignant de sa vision de l'éducation.