Laure Waridel : la planète Québec

Arnaud Barbet. L’Itinéraire, Montréal

Certains Québécois se sont levés avec un mal de tête incroyable le 5 septembre 2012… Pauline Marois est élue, mais son parti est minoritaire. La population est indécise. Laure Waridel ne l’est pas : pionnière du commerce équitable, leader d’opinion et femme influente, sa volonté d’offrir un monde meilleur à nos enfants ne tarit pas. Au Pouding Café, sur la rue Ahmerst, elle fait le point sur la «planète Québec».

L’Itinéraire (L’I.) : En 2009, désabusée par certains comportements, vous disiez en entrevue dans L’Itinéraire : «J’ai l’impression qu’on attend le Messie qui va régler nos problèmes, mais les problèmes, c’est d’abord nous!» Qu’en est-il aujourd’hui?

Laure Waridel (L.W.) : Je continue de croire que l’être humain est au cœur du problème, mais aussi et surtout qu’il est au cœur des solutions. Et j’insiste sur le mode solution. Le projet doctoral que je mène actuellement met en évidence la possibilité d’une économie qui est à la fois écologique et sociale. Elle est marginalisée, mais elle existe.

L’I. : Au lendemain des élections, quel message auriez-vous pour Pauline Marois?

L.W. : Étudier le programme de Québec Solidaire (rire), notamment leur Plan vert. Il propose une économie au service des gens, et ce, dans le respect de l’environnement. C’est notre grand défi. Il faut affronter l’économie telle qu’elle est et penser à une transition, sinon on fonce dans le mur.

L’I. : Les enjeux environnementaux ont été peu présents dans la campagne électorale. Croyez-vous que la population québécoise s’en désintéresse?

L.W. : Non, le soulèvement contre les gaz de schiste et la réflexion sur le Plan Nord montre que la population est bien là. Le réveil du 22 avril dernier l’a montré. Mais les politiciens n’ont pas été capables, jusqu’à présent, d’aborder le sujet de front. Depuis 30 ans, on fait une priorité de l’économie au détriment des enjeux environnementaux. Aujourd’hui, il vaudrait mieux prévenir que tenter de guérir à grands frais. Le nucléaire et les mines d’uranium sont des bombes à retardement.

L’I. : Le programme de Pauline Marois concernant le développement durable de la province est ambitieux. Pourriez-vous nous en citer un atout et un frein?

L.W. : L’un de ses atouts est le député Daniel Breton [NDLR : élu de la circonscription Sainte-Marie – Saint-Jacques, où se trouvent les bureaux de L’Itinéraire]. Il a fondé le mouvement Maîtres chez nous au 21e siècle, qui fait la promotion des énergies renouvelables. Il s’implique énormément dans la préservation de notre patrimoine environnemental. Le frein essentiel, c’est l’absence de principe de précaution, qui est une condition préalable essentielle à la crédibilité d’un moratoire ou d’une étude publique.

L’I. : Depuis longtemps, l’électrification des transports en commun pour lutter contre la pollution de l’air est une solution connue, sans cesse repoussée. Qu’en pensez-vous?

L.W. : Je souhaite que l’on démarre les grands travaux d’électrification le plus tôt possible. Pauline Marois aura-t-elle les coudées franches? Aujourd’hui, on prône le tout autoroutier, des projets sont déjà en place, d’autres arrivent. Il faut choisir! Ici, on carbure au pétrole! Quand je suis en Suisse, je voyage dans des trains livrés par Bombardier. Une hérésie. Au Québec, le potentiel de l’énergie verte est pourtant immense.

L’I. : Le moratoire sur l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste devrait être mis en place très rapidement par le nouveau gouvernement. Qu’en pensez-vous?

L.W. : Un vrai moratoire sur l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste serait excellent, car les technologies propres n’existent pas. Si la force sociale pousse, on devrait obtenir un débat de fond avec des scientifiques indépendants, pas ceux de l’industrie! Mesurons le pour, le contre, et décidons ensemble avec les communautés concernées.

L’I. : En Europe, la notion de pollueur-payeur porte ses fruits. Le Québec peut-il joindre le mouvement?

L.W. : C’est possible si nous payons notre juste part! Les Québécois aiment la justice, ils comprendront. Actuellement, on socialise les coûts et on privatise les profits. C’est typique. Par exemple, les grosses fermes industrielles sont plus subventionnées que les petites fermes biologiques et écologiques. La population paie deux fois. Une première fois en subventionnant ces modes de production non durables, et ensuite pour les problèmes de santé et de décontamination qui en découlent. L’amiante en est aussi un bel exemple : le principe de pollueur-payeur responsabilise les individus et les entreprises. Encore faut-il que les entreprises ne nous fassent pas payer la différence.

L’I. : Les décisions environnementales semblent être avant tout du ressort du gouvernement. L’action individuelle a-t-elle encore sa place?

L.W. : Les deux sont nécessaires et complémentaires. On peut se brosser les dents et se laver les oreilles, on ne va pas arrêter un pour faire l’autre. C’est de l’hygiène démocratique que de poser des gestes cohérents dans notre vie personnelle, mais aussi dans notre vie collective.

 

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