Anne-Marie Courtemanche, District 9, Saint-Lambert
Pour bien des Lambertois, l’annonce de ce projet de construction résidentielle de plus de 400 unités fut une surprise ; belle pour certains, mauvaise pour d’autres. Pour ou contre, une chose est certaine, ce projet changera à jamais le visage de ce secteur et la vie qu’on y mène. Voici comment nous en sommes arrivés là.
Consciente de la nécessité de revitaliser le secteur Grand Trunk, la municipalité émet en 2008 des réserves à des fins publiques sur 4 des 8 immeubles qui le composent, soit le 10, rue Grand Trunk (ancien atelier de carrosserie actuellement utilisé comme studio d’art), le 15-17 Grand Trunk (garage et entreprise de peinture automobile/industrielle), le 750, avenue Victoria (ancienne station-service Richelieu) et le 50, rue Cartier (imprimerie).
L’imposition de telles réserves interdit, pendant leur durée, toute construction, amélioration ou addition sur l’immeuble qui en fait l’objet, et donc tout investissement de la part des propriétaires qui auraient fait augmenter les coûts éventuels d’acquisition par la municipalité. D’une période initiale de deux ans, ces réserves ont été renouvelées pour une période de deux autres années.
En début d’année 2012, la Ville de Saint-Lambert négociait et signait une entente avec Habitations Trigone qui détaille les obligations et devoirs de chaque partie. Puis, à l’échéance des réserves, le 16 avril, les propriétaires visés ont reçu un avis d’expropriation. Pendant les derniers mois, Habitations Trigone a travaillé à négocier des ententes avec les propriétaires fonciers du secteur en vue d’acheter leurs propriétés.
L’entreprise 9261-5319 Québec Inc. (appartenant à un tissage d’entreprises à numéro appartenant à Patrice St-Pierre et Serge Rouillard qui détiennent Habitations Trigone) a donc acheté en août le 780 et 782 Victoria, ainsi que le 760, Notre-Dame qui appartenaient jusque-là à Construction Denis Desjardins, au coût de 2 078 800 $. Puis, en septembre, Trigone achetait des mains du Canadien National le 99, rue Cartier au coût de 637 000 $. Ainsi que la rue Grand Trunk et l’avenue Notre-Dame jusqu’à Cartier qui lui a été vendue par la Ville de Saint-Lambert au coût de 497 550 $.
Consultation publique
Le lundi 17 septembre dernier, lors de l’assemblée publique du conseil municipal, une période de consultation publique a permis aux citoyens qui étaient nombreux et inquiets de poser des questions sur le projet, à la suite de la présentation des images et détails par Georges Pichet, directeur de la gestion du territoire, et Julie Larose, chef du Service de l’urbanisme, des permis et de l’inspection.
Parmi les inquiétudes soulevées à la fois par le Comité consultatif d’urbanisme et de nombreux citoyens présents, la nécessité d’obtenir la certitude que la circulation dans le secteur ne deviendra pas dangereuse – et chaotique – en raison de l’ajout de 400 unités de logement qui pourraient ajouter environ 600 voitures dans le secteur. Rappelons que dans ce secteur se trouvent l’école primaire Rabeau, le CPE Agathela-Girafe, l’hôpital de Saint-Lambert et une résidence pour personnes âgées.
Présenté comme un AATC (aménagement axé sur le transport en commun) en raison de sa densité et de sa proximité de la gare, ce projet compte tout de même 608 cases de stationnement au total, soit 1,52 case par unité, afin de respecter la réglementation municipale.
Le projet a tout de même été adopté le soir même, à 5 voix contre 3, sous réserve de résultats « favorables » de l’étude de circulation.
Parmi les voix qui se sont élevées contre cette adoption jugée hâtive, celle de Martin Croteau, conseiller du district concerné, se questionne : « Quelle est l’urgence ? Le fait que nous serons en élection dans un an ? Les citoyens ont raison d’être inquiets puisque nous n’avons pas en mains toutes les données pour nous permettre d’adopter ce projet en toute connaissance de cause. Pourquoi ne pas attendre les résultats de l’étude de circulation ? Et qu’arrivera-t-il si les résultats de l’étude sont défavorables au point où Trigone doive reculer ? Maintenant que 5 des 8 membres du conseil ont adopté le projet, s’exposera-t-on à des poursuites ? »
Des résultats « favorables »
Selon le maire Philippe Brunet, l’étude de circulation qui a été réalisée par la firme SNC-Lavalin vise en fait l’élaboration d’un plan directeur de circulation pour l’ensemble de la ville. Ce mandat octroyé en juin, d’une valeur de 62 000 $, comprend, de l’avis du maire, l’évaluation de l’impact potentiel de la circulation générée par l’ajout d’un complexe de plus de 400 unités dans le secteur Grand Trunk. Les résultats de cette étude seront analysés au cours des prochaines semaines.
Toutes les transactions effectuées à ce jour dans le cadre de ce projet l’ont été sur la foi de l’entente survenue en début d’année entre la Ville de Saint-Lambert et Habitations Trigone. À la suite de l’adoption du projet sous réserve des résultats favorables de l’étude de circulation, le lundi suivant, soit le 24 septembre, le comité de démolition – composé de Francis Dumais, François Boissy et Gilles Girard – donnait son aval à la démolition du 760 à 766 Notre-Dame, en vue de la construction de la première phase du projet.
« Les permis de démolition et de construction ne seront par contre émis que si les résultats de l’étude de circulation sont favorables », a précisé Francis Dumais. S’ils sont émis, ces permis ouvriront la voie à la première phase du projet, soit la construction du premier immeuble de 8 étages par Habitations Trigone. Au moment d’aller sous presse, la vente du 50, rue Cartier par Centre graphique 3000 inc. à Habitations Trigone était aussi sur le point d’être finalisée.
La suite des choses
Si aucune entente ne survient entre Pierre-Yves Angers et Patrick Dolla, propriétaires du 10 Grand Trunk et du 15-17 Grand Trunk, respectivement, et Habitations Trigone, ceux-ci seront prochainement expropriés par la Ville de Saint-Lambert qui revendra ensuite au même prix ces propriétés à Habitations Trigone.
Malgré le fait que la réalisation de ce projet dépend des résultats d’une étude de circulation qui n’est pas terminée, Habitations Trigone émettait le 27 septembre un communiqué dans lequel elle annonçait fièrement et sans aucune réserve la mise en branle de ce projet de construction, précisant même que « Les travaux devraient débuter à l’automne 2012, et ce, afin que les premières unités soient livrées en décembre 2013. »