Gobie : le fleuve et les Grands Lacs ont été conquis!

Daniel Robitaille, Le Bulletin Des Chenaux, Ste-Geneviève-de-Batiscan

Connaissez-vous le gobie? Voilà un petit poisson d’en moyenne 10 cm de longueur qui a totale­ment et complètement envahi les Grands Lacs et notre majestueux fleuve Saint-Laurent en moins de 20 ans.

Le gobie à taches noires est une espèce invasive qui est native de la mer Caspienne en Russie. Sa présence a été notée pour la première fois en 1990 dans la rivière Sainte- Claire, une grosse rivière qui relie le lac Érié au lac Huron en Ontario. Selon toute vraisem­blance, ces petits poissons ont voyagé par les eaux de ballasts des paquebots transocéa­niques pour ensuite être relâchés dans nos eaux. C’est un petit poisson très résistant qui peut vivre en eau salée, saumâtre ou douce, et ce, même si la qualité de l’eau laisse grande­ment à désirer. Il mesure en moyenne de 7 à 15 cm, mais peut tout même atteindre 20 cm. Il peut vivre jusqu’à cinq ans et se reproduire jusqu’à six fois par année (vous avez bien lu!), d’où sa grande capacité de prolifération. Cer­tains traits caractéristiques permettent de le reconnaître facilement. D’abord, il a une tache noire sur la nageoire dorsale. Il a aussi des yeux globuleux placés sur le dessus de la tête, un peu comme ceux d’une grenouille. Finalement, ses deux nageoires pelviennes (sur le ventre) sont soudées ensemble pour former ce qui ressemble à une ventouse que les gobies utilisent d’ailleurs pour parvenir à se maintenir en place sur le fond en présence d’un courant plus fort.

Malheureusement, sa présence n’amène pas que du positif, bien au contraire. Ce poisson est un féroce compétiteur de nos espèces indigènes pour le territoire et pour la nourri­ture disponible. Il est déjà établi qu’il mange les oeufs de doré, d’achigan, d’esturgeon et de truite chaque fois qu’il en a la chance. Les conséquences à long terme peuvent donc être très fâcheuses, particulièrement s’il migre dans les eaux intérieures pour peupler nos lacs et nos rivières.

 

Buffet à volonté, mais pour qui?

Une des plus grandes lois de la pêche est la suivante : trouvez le garde-manger des poissons que vous cherchez et vous les y trouverez. Dans le cas qui nous intéresse, il y en a presque partout et parfois en très grande abondance. On a même déjà vu des concentrations de 100 gobies au mètre carré!!

Heureusement, le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) a déjà été de l’avant pour essayer de comprendre l’impact du gobie dans l’écosystème du fleuve et pour vérifier si un certain contrôle de cette espèce envahissante par la prédation est plausible. Ce genre d’études pour com­prendre l’évolution des écosystèmes et des populations de poissons est très important pour assurer la pérennité des écosystèmes et, par la bande, de l’industrie de la pêche sportive. Elles peuvent prévenir certaines ca­tastrophes ou plus simplement permettre un développement et une évolution souhaitable. Chaque dollar investi dans des études de ce type vaut son pesant d’or. L’étude qui nous intéresse ici s’intitule : Prédation du gobie à taches noires par les poissons du Saint- Laurent : contrôle potentiel d’une espèce exotique. Elle a été financée par le plan d’action Saint-Laurent et par le MRNF. Les données ont été récoltées en 2007 sur le lac Saint-Pierre.

– Les gobies sont cinq fois plus présents dans le lac Saint-François que dans le lac Saint-Pierre (malgré tout, j’en trouve beaucoup dans les estomacs des poissons du Saint-Pierre).

– La perchaude (22 %) et le brochet (26 %) se nourrissent peu de gobies. L’explication avancée est que le gobie préfère les fonds durs (sable, gravier, roche) alors que la perchaude et le brochet fréquentent les zones herbeuses denses.

– Dans l’ordre, voici les trois principaux prédateurs des gobies :

1. Doré noir : près de deux dorés noirs sur trois avaient mangé au moins un gobie (64 %);

2. Doré jaune : près d’un doré jaune sur deux avait ingéré au moins un gobie (46 %);

3. Achigan à petite bouche : un peu plus d’un achigan sur trois avait mangé au moins un gobie (36 %).

– Le pourcentage d’estomacs vides ob­servés au lac Saint-Pierre est semblable à celui que l’on rencontre habituellement dans d’autres plans d’eau. Bref, ce n’est pas parce qu’il y a beaucoup de nourri­ture disponible (gobies) que les espèces prédatrices arrêtent momentanément de manger. On aurait pu supposer ici que devant une grande abondance de nourri­ture, les prédateurs mangeaient beaucoup durant une certaine période et qu’après être rassasiés, ils arrêtaient de manger.

Le gobie est un poisson sans vessie nata­toire. Dès qu’il cesse de nager, il coule au­tomatiquement vers le fond. On le retrouve donc bien accoté au fond 99 % du temps. Remarquez aussi l’oeillet placé à 60° plutôt qu’à 90°; il est parfait pour draguer le fond quand le leurre n’est pas sous l’embarcation, ce qui sera le cas dans les présentations pro­posées ici. J’ai essentiellement deux façons de présenter mes gobies. Si je pêche en eau peu profonde, ma façon de faire s’apparente au jig horizontal tel qu’on le connaît pour le doré. Je lance ma présentation vers le rivage ou au loin sur le plateau où je pêche. Pour la récupération, là il faut penser « gobie ». En gardant ma pointe de canne à pêche basse, je la pointe dans une direction et je mouline rapidement en faisant deux ou trois tours de manivelle, puis j’arrête. Et ainsi de suite. Je change la direction vers laquelle je dirige la pointe de la canne et je mouline à nouveau rapidement de la même façon. Voilà la danse du gobie!

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