Notre « printemps érable » tire à sa fin

Kristina Jensen, L’Écho de Cantley, juin 2012

Le printemps, qui est habituellement le temps où l'on attend l’arrivée du premier merle et des perce-neiges, a grandement changé cette année. En fait, le printemps 2012 sera gravé dans notre mémoire, mais pas pour les bonnes raisons. Les images perturbantes de la grève des étudiants, diffusées quotidiennement, ont envahi les écrans des téléviseurs à l’étendue de la province, du pays et même du monde.

C’était la saison de notre mécontentement. L’homogénéité de la société québécoise est remise en question, en raison du mouvement étudiant. Que vous portiez le carré rouge ou le carré vert, les camps sont bien établis, et chacun croit que l’autre a tort. Les slogans se propagent des deux côtés comme « Courchesne, prends les rennes.»; « Le Mouvement est en marche! », ou de l’autre côté de la médaille « Tout ça pour 1$ par jour de plus »…tout à coup – un rabais de 50 % – « Tout ça pour 50 cents par jour » ou « Tout ça pour les frais mensuels d’un téléphone cellulaire – bébés gâtés ». Les courriels « spam-a-tic » font le tour du monde virtuel sur le réseau Internet à une vitesse étourdissante. Deux générations se mènent une guerre de mots.

Le plus troublant, c’est que la violence s’est intensifiée de jour en jour. Les manifestations se sont multipliées. Les frustrations se sont envenimées. Les agents provocateurs des deux bords se préparent à la bataille. Nos gouvernements nous disent qu'ils n’ont pas d’argent pour investir dans l’avenir de notre pays, c'est-à-dire dans l’éducation de nos jeunes, notre plus belle richesse, notre plus importante ressource. Mais, par contre, ils ont trouvé l’argent pour payer les messages publicitaires dans de grands médias et les services policiers. Combien coûte le temps supplémentaire des escouades anti-émeute?

On s’empresse d’adopter des projets de loi relatifs à la suspension du trimestre et de tenter d’interdire le port du masque. Imaginez! Les gens portent un masque non seulement pour cacher leur identité, au cas où Mamie ou Papi les verraient à la télé, mais également pour se protéger du gaz lacrymogène utilisé par les policiers. En fait, on ne fait que créer un climat propice à l’anarchisme. Est-ce-que le Canada est devenu un état policier? Lisez le rapport du Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police de Toronto durant le G20.

Il y a des pays dans le monde, plus petit que le Canada, où chaque citoyen a droit à une éducation universitaire, et ce gratuitement, comme le Danemark. Leur gouvernement est d’avis qu’une jeunesse qui possède les compétences et les connaissances que leur apporte une formation postsecondaire constitue un atout! Par contre, ce n’est pas du gaspillage d’argent; ces gens donnent deux ans au service du pays, soit un excellent bassin de main-d’oeuvre pour l’État et un bon moyen d’apprentissage pour les participants. Les détracteurs se disent que ces pays vont faire faillite. Ne les écoutez pas. Ils ne cherchent que des excuses. Le Danemark est loin de là! Un investissement de cette nature est beaucoup plus compréhensible que le bien-être corporatif.

Nos enfants ont besoin de notre amour, non pas de se sentir obligés de se protéger contre une force qui va avaler leur avenir, leur droit d’avoir l’espoir d’une bonne éducation, le passeport essentiel pour se procurer un bon emploi à temps plein (au lieu de deux ou trois « jobines ».) qui rapportent suffisamment pour soutenir leurs rêves, les mêmes rêves que nous avons eus dans notre temps, soit se marier, s’acheter une maison, avoir une famille. Une force qui a consommé plus que sa part des ressources naturelles et d’autres biens dans la conquête de notre planète. « Quelle est cette force noire », vous demandez-vous?

Ce ne sont pas les suspects habituels, comme Al Qu’aida ou d’autres groupes d’extrémistes. Coucou, c’est nous, les fameux enfants de l’après-guerre, les « baby-boomers ». Des termes doux pour dire vampires. La génération qui a créé la devise « Qui termine avec le plus de jouets gagne ». La même génération qui a laissé aux jeunes une dette nationale affreuse, avec peu de possibilités de s’en sortir. Notre façon de démontrer notre grand regret est de les matraquer. Quelle honte.

Chose certaine, ce ne sont pas tous les « boomers » qui sont des consommateurs à outrance et qui n'ont laissé que des ruines derrière eux. On a un héritage inestimable grâce à eux; ils se sont battus pour obtenir des droits qui sont en péril aujourd'hui. Ce ne sont pas non plus tous les jeunes du mouvement étudiant qui sont des malfaiteurs.

L’intolérance n’a aucune place dans une société juste, surtout l’intolérance envers nos concitoyens, peu importe leur âge. Cette intolérance ne générera que du mal. C’est le temps de mettre notre argent au bon endroit, d’arrêter de consommer l’avenir de nos enfants en leur demandant de se la fermer, de communiquer avec nos enfants et de les écouter sérieusement. Un peu de CLASSE s’impose. Notre avenir collectif est en jeu.

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