Johanna Fontaine, Le Journal des citoyens, Prévost, mai 2012
Entre deux séances de montage vidéo, Julie Corbeil, documentariste, cinéaste et conférencière, nous parle de quelques aspects de son métier lors d’un sympathique entretien, réalisé à Saint-Jérôme. Souriante et lumineuse, on ne peut s’empêcher d’être charmé par ses réalisations. Alors que les petites filles rêvent de devenir enseignantes, mamans ou même princesses, Julie Corbeil se voyait déjà comme rédactrice en chef d’un journal. Depuis, de nombreux tournages l’ont menée vers d’intrigantes destinations du globe.
Aucunement préoccupée par l’insécurité du métier, Julie Corbeil avoue avoir des modèles féminins qui ont encouragé sa détermination. «Un jour, je me suis demandé : est-ce que c’est un véritable métier ? Est-il possible d’aimer autant son travail? », relate-t-elle. Auprès de Marquise Lepage, scénariste et réalisatrice aguerrie, elle a trouvé conseils et soutien. Elle se dit inspirée par la réalisatrice québécoise Anaïs Barbeau-Lavalette, tout comme par Line Chaloux, du COFFRET, un organisme à but non lucratif venant en aide aux nouveaux arrivants. Remplie d’admiration pour ses mentors, elle souligne leur travail, qui est propulsé par des aspirations qui vont bien au-delà de l’aspect financier.
Lors d’un stage en Équateur, elle se lie avec la communauté d’un village et s’intéresse plus particulièrement au phénomène de l’immigration. Le documentaire qu’elle coréalise avec deux autres cinéastes, intitulé Aller-simple (2007), pose un regard singulier sur le quotidien des familles d’exilés clandestins à l’étranger. « Près de 50% des villageois ont quitté leur communauté pour travailler et envoyer de l’argent à leurs proches. Cela leur permet d’avoir un meilleur niveau de vie, et d’avoir accès à des biens qu’ils n’auraient jamais eu autrement», explique-t-elle.
Après avoir sillonné les écoles du Québec, pendant deux ans, Julie Corbeil partage ses expériences grâce à un médium très accessible : la vidéo. Ses conférences ont pour mission de faire tomber les préjugés et de faire connaître différentes cultures aux élèves. « Il reste encore du travail au niveau de l’ouverture en région, mais on constate une grande curiosité chez les jeunes », affirme-t-elle.
Au niveau local, elle préside le Ciné-club de Prévost où les documentaires occupent 90% de la programmation totale. À chaque projection, les quelque 120 places se remplissent. Les sujets sociaux, politiques et environnementaux touchent de près les gens et créent un engouement. «Avant, on devait chercher les films; maintenant, on se fait bombarder de courriels de cinéastes », ajoute-t-elle fièrement.
Cet espace d’échanges et de discussions favorise une vitalité citoyenne. «Les gens ont envie de se poser des questions », poursuit-elle. Elle croit que c’est en région que les débats de fond sont les plus chauds. Le bout du monde à Prévost Le 25 mai prochain, Julie Corbeil présentera son dernier documentaire qu’elle considère comme son premier véritable long métrage : Au bout du monde au Ciné-club de Prévost. Le film relate l’expérience des réfugiés bhoutanais, exilés et installés récemment à Saint-Jérôme. Il fait état de leurs contacts avec les Jérômiens depuis 2008. Trois ans de recherches et d’entrevues, et plus de vingt-cinq tournages plus tard, le film illustre concrètement les enjeux de l’intégration, ici en région. «Certains d’entre eux n’avaient même jamais tenu un crayon dans leur main. Seulement se rendre au Cégep pour leur cours de français, était pour eux toute une aventure » raconte la cinéaste. Elle ajoute qu’avant d'entreprendre des démarches en francisation, il faut penser à leur intégration. Comprendre la signalisation routière, se vêtir adéquatement pour chaque saison, découvrir les mets d’ici, tout ça n’est pas si simple pour ces gens d’un autre monde.
Quelques vedettes de ce documentaire seront présentes lors de la projection du film. Pour la suite des choses, Julie Corbeil souhaite que son projet plaise à la Société Radio-Canada et qu’il soit diffusé prochainement à plus grande échelle.