L’effet Pellerin

Matthieu Max-Gessler, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, mai 2012

Il y a encore dix dans, Saint-Élie-de-Caxton était à peu près inconnu du grand public. Désormais, le village jouit d’une visibilité et d’une notoriété inespérées grâce à son «conteux», Fred Pellerin, qui a révélé sa communauté en contes plus fantastiques les uns que les autres. Un «effet Pellerin» qui a attiré nombre d’artistes et transformé à tout jamais le visage de Saint-Élie. Coup d’oeil sur une communauté artistique en pleine expansion, au coeur de la Mauricie.

Mémoire de Pellerin, les artistes n’ont jamais manqué à Saint-Élie-de-Caxton. «Sur la rue St-Pierre où mes parents habitaient quand j’étais jeune, on était quatre musiciens, se rappelle Nicolas, frère de Fred Pellerin et musicien accompli. J’ai beaucoup d’amis d’enfance qui, comme moi, sont partis du village pour étudier et se faire un réseau de contacts, puis sont revenus.»

Ce n’est pas l’«effet Pellerin» qui a poussé Judith Picard à s’établir dans le village à la traverse de lutins, mais la beauté de son paysage. «Je me suis installée là il y a huit ans, quand Saint-Élie n’était pas encore sur la mappe, explique la joaillère. C’est vraiment pour la villégiature que j’ai choisi le village, je voulais vivre ailleurs qu’en ville.»

Depuis que l’«eff et Pellerin» a pris son envol, nombre d’artistes de l’extérieur se sont établis à Saint-Élie. C’est le cas de Carl Chevarie, peintre trifluvien, qui y a élu domicile avec son frère il y a un peu plus de deux ans. «C’est sûr qu’un artiste va rechercher un endroit avec de l’achalandage touristique pour avoir plus de visibilité, explique-t-il. Fred a réussi à créer une frénésie dans le village et c’est ça qui m’a attiré.»

Les commerces et les lieux de rencontre n’ont pas tardé à pousser eux aussi. Du Rond Coin, où Carl Chevarie fait de la peinture en direct pendant la période hivernale, au Cafécito, en passant par Le Lutin Marmiton, tous ces points de rassemblement ont également soudé une communauté d’artistes auparavant plus individualiste. «C’est une communauté de trippeux, reconnaît Nicolas Pellerin. Des peintres, des écrivains, des musiciens: il y a de tout! En faisant connaître le village, Fred a amené une ouverture de la part des artistes. Avant, chacun faisait ses affaires dans son coin, mais aujourd’hui, il y a beaucoup de lieux de rencontre.»

Cette effervescence a également profité à Judith Picard, qui a déménagé son atelier au centre du village, au-dessus de la boulangerie artisanale, il y a bientôt trois ans. Une façon d’être plus près de la clientèle touristique, mais également des habitants de Saint-Élie. «C’est une manière différente de travailler, je reçois les gens directement dans mon atelier», explique-t-elle. La joaillère a elle aussi remarqué la solidarité qui s’est développée entre artistes, artisans et commerçants du coin, qui n’hésitent pas à s’envoyer mutuellement des visiteurs. «Il n’y a pas de compétition, tout le monde fait son possible pour qu’il y ait une belle ambiance au village. J’envoie régulièrement des gens au Rond Coin ou au Garage de la culture.»

Même constat de la part de Carl Chevarie: s’il y a de plus en plus d’artistes à Saint-Élie, ils ne se marchent pas pour autant sur les pieds. Le peintre envisage même d’agrandir son propre atelier pour y inviter d’autres artistes. «Il y a une belle ouverture d’esprit de la part de tout le monde, dit-il. Il y en a toujours, de la place!»

Nicolas Pellerin est fier du développement qui s’est fait à Saint-Élie-de-Caxton. Un modèle qui pourrait inspirer d’autres villages, selon le musicien. «Ça leur montre qu’on peut tout faire avec presque rien, exprime-t-il. C’est à partir des histoires que Fred a bâti la réputation du village, rien d’autre. Ça prouve qu’on peut rester dans son village et en faire un endroit dynamique.»

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