Faut que les étudiants paient leur injuste part…

Pierre Lavergne, La Gazette de la Mauricie, Trois-Rivières, mai 2012

En faisant la file au guichet l’autre jour, je n’ai pu m’empêcher d’écouter deux étudiants qui discutaient des droits de scolarité et des choix parfois curieux des gouvernements. Cet échange m’a inspiré un petit dialogue fictif entre deux jeunes étudiants. Mais attention, si le dialogue que je vous présente est fictif, il s’inspire tout de même de faits ou d’opinons réelles.

«-Je trouve qu’on a bien fait de retourner suivre nos cours avant de perdre notre session…

-Peut-être, mais je ne comprends pas le gouvernement là-dedans. Ils n’arrêtent pas de baisser les impôts pour les entreprises et pour les gens plus fortunés. Ils se privent eux-mêmes de plusieurs milliards de dollars de revenus et après, ils se plaignent qu’ils n’ont plus d’argent et nous disent qu’il faut qu’on fasse notre juste part.

-Oui, mais les baisses d’impôt ça aide à la création d’emplois!

-Oui, mais pourquoi le chômage ne baisse pas alors?

-À cause de la crise, j’imagine…

-Ça n’a rien à voir avec la crise. La raison c’est que l’argent accumulé grâce aux baisses d’impôts de Harper et Charest sert à 85% à spéculer à la bourse sans créer de jobs…

-Il reste que c’est quand même au Québec que ça coûte le moins cher pour étudier!

-Oui, si tu compares aux autres provinces ou aux États-Unis. Mais si tu regardes ailleurs comme en Europe, il y a plein de pays où c’est moins cher et même gratuit. Même à Cuba, un pays pas mal plus pauvre que le Québec, c’est gratuit!

-Ohi, mais à Cuba les salaires sont tellement bas!

-C’est pas un problème de salaires c’est un problème de choix de société, si le gouvernement choisit d’acheter des avions de guerre F-35 pour aller tuer des gens à l’autre bout du monde, ce sont des dizaines de milliards de dollars que tu n’as pas pour l’éducation ou pour la santé ici!

-Un instant, l’armée c’est de compétence fédérale et l’éducation ça relève du Québec

quand même…

-Il vient d’où, l’argent du fédéral, tu penses? C’est une partie de l’impôt des Québécois qui sert aux expéditions militaires pour défendre les intérêts des multinationales qui siphonnent les richesses d’autres pays.

-Tu mélanges tout, on n’arrivera jamais à s’entendre!-Écoute, regarde ce qui se passe en Grèce.

Au fil des ans, le gouvernement a pratiquement éliminé les impôts des entreprises et, par la porte d’en arrière, acheté des équipements militaires tout en s’endettant de plus en plus. Ici, Stephen Harper baisse les impôts des grandes entreprises et augmente le budget militaire de près de 50% en 6 ans. Il est maintenant rendu à 24 milliards$ par année. Il coupe l’aide aux pays pauvres, coupe Radio-Canada et beaucoup d’autres programmes et organismes, il diminue les transferts aux provinces, endette le pays en plus d’endetter les ménages! Tu ne trouves pas que ça commence à ressembler pas mal à la Grèce?

-C’est quoi le rapport avec les étudiants?

-Le rapport, c’est les choix faits par les gouvernements. Ou ils aident les richesà s’enrichir encore plus, ou ils s’organisent pour mieux répartir la richesse.» On pourrait évidemment continuer ce dialogue longtemps, car il est indéniable que le débat actuel sur les droits de scolarité ouvre toutes grandes les portes à d’autres débats de société plus larges. Pour des raisons de finances publiques, le gouvernement Charest instaure une assurance médicaments de 500$, puis une autre taxe santé de 200$ pour chaque citoyen, peu importe qu’il gagne dix millions ou 15 000 dollars par année. Parallèlement, il nous propose un Plan Nord qui va rapporter des milliards aux compagnies minières en ne laissant que des miettes aux Québécois et trouve facilement 200 millions pour l’amphithéâtre de Québec. Mais curieusement, impossible pour son gouvernement d’investir 200 millions$ pour les étudiants! Il faut qu’ils paient leur injuste part.

Si M. Charest travaillait vraiment pour les Québécois, il pourrait par exemple instaurer une taxe sur la surexploitation de l’eau faite par les grandes entreprises qui rapporterait 775 millions et il resterait plus de 500 millions pour la santé, l’éducation. En 2011, les profits des institutions financières ont été de 25,5 milliards au Canada et la taxe sur le capital qu’elles payaient a été abolie! Selon Québec Solidaire, la gratuité scolaire serait atteinte si une taxe de 0,8% sur le capital des entreprises financières était instaurée.

Malheureusement, M. Charest choisit d’aider plutôt les dirigeants et actionnaires des grandes entreprises, qui reçoivent pourtant déjà des milliards de dollars en subventions de toutes sortes chaque année!

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