Il est mort dans la dignité

Mgr Edmond Laperrière, Le Stéphanois, Saint-Étienne-des-Grès, avril 2012

De qui s’agit-il ?.. De chacun et de chacune de nous ! La mort est un passage normal. Personne n’y échappe ; elle fait partie intégrante de notre condition humaine… Et nous aspirons à mourir dans la dignité.

Au Canada et au Québec, depuis quelques années, s’est ouvert à ce sujet un débat de société. Il en est question dans les médias et dans les conversations. La perspective de la mort est pour chaque personne une réalité qui nous rejoint au plus profond de nous-mêmes, suscite une foule d’émotions et même nous conduit à des questionnements et parfois à des projets pour ce temps futur.

Les débats sur la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté nous imposent de réfléchir, de bien distinguer les idées, d’examiner les opinions diverses, de se faire des convictions profondes, d’en parler autour de soi avec des personnes capables d’éclairage, et aussi de prendre part aux actions collectives qui sont proposées.

Le gouvernement du Québec a mis en place, en 2010, une Commission itinérante de l’Assemblée nationale, dirigée par les députés Geoffrey Kelly et Véronique Hivon. Le document de base de cette large consultation a été présenté à l’Assemblée nationale et s’intitule Mourir dans la dignité. La commission s’est déplacée dans onze villes du Québec, dont Trois-Rivières, pour recevoir les mémoires présentés par des groupes ou des individus et pour être à l’écoute de toutes les propositions faites sur ces sujets délicats qui demandent d’avoir une opinion éclairée et une humeur contrôlée. La commission Kelly-Hivon n’a pas encore, à cette date, rendu public le rapport de sa consultation de 2010 ni les conclusions à proposer au gouvernement et à la population du Québec, en particulier sur la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.

Dans quels sens iront les recommandations ? Geoffrey Kelly, président de la commission, avait déjà déclaré au départ : « Toutes les options sont sur la table. C’est vraiment l’opinion du public qui nous intéresse. » Et Véronique Hivon, vice-présidente, faisait remarquer que la fin de la vie n’est pas seulement une affaire légale, c’est aussi une question de santé et de dignité. Et on pourrait ajouter aussi : et d’éthique, car s’il est une valeur humaine liée à des valeurs de base, c’est bien celle de la vie !

Quel traitement fera l’Assemblée nationale à ce rapport ? Linda Couture, directrice de l’organisme citoyen non partisan Vivre dans la dignité (www.vivredignité. com) a mené une analyse indépendante de quelque 427 mémoires écrits et présentations orales à la Commission spéciale Kelly-Hivon. « Les chiffres sont clairs. Parmi les mémoires et présentations, à peine 2 % des participants sont pour le suicide assisté et seulement 34 % des participants aux auditions étaient favorables à l’euthanasie. Ces chiffres contredisent les statistiques fréquemment citées dans les médias par les promoteurs de l’euthanasie et du suicide assisté. (D’autre part, 60 % sont totalement opposés à l’euthanasie et au suicide assisté. Et surtout, 99 % considèrent que les soins palliatifs constituent le choix digne pour les Québécois en fin de vie. La direction que doit prendre un gouvernement démocratique est évidente. »

Une grande confusion existe chez de nombreuses personnes entre l’euthanasie (c’est-à-dire l’acte de provoquer la mort d’une personne par compassion ou parce qu’elle le demande), un acte interdit par le Code criminel canadien, et l’arrêt d’un traitement devenu futile (un geste universellement reconnu comme conforme à l’éthique). Les soins palliatifs ne sont pas pour l’acharnement thérapeutique, c’est-à-dire des traitements disproportionnés qui visent à prolonger la vie d’une personne malade en phase terminale sans espoir réel d’améliorer son état.

La pratique des soins palliatifs unit la compétence du personnel soignant, la compassion des bénévoles formés et l’amour des parents et amis, aidés d’une médication de plus en plus efficace. C’est un traitement et un accompagnement qui confirment les malades dans le sentiment qu’ils continuent à compter, à être aimés et qu’ils n’ont rien perdu de leur dignité, malgré des apparences contraires. Il n’y a pas de meilleure façon d’aider les personnes malades à mourir dans la dignité.

En ce vendredi 5 avril où des millions de chrétiennes et de chrétiens feront mémoire de la mort de Jésus, je termine ainsi cette réflexion : Jésus est mort dignement. Son corps était blessé, strié par les coups de fouet ; sa tête ensanglantée par la couronne d’épines ; ses genoux meurtris par les chutes en portant la traverse de bois où il serait cloué. Sur la croix, l’asphyxie et la soif le tenaillaient. Il avait demandé à Dieu son père de lui épargner ces supplices et cette mort, mais en Lui disant : « Que ta volonté se fasse, et non la mienne. » Malgré son état pitoyable, Jésus est mort en toute dignité, pardonnant à ses accusateurs et à ses bourreaux ; et même en nous donnant sa mère Marie pour qu’elle soit notre mère.

Jésus mourant était accompagné de personnes aimantes et compatissantes : sa mère, la soeur de sa mère, Marie de Magdala et Jean son disciple bien-aimé. La dignité de sa mort ne vient pas de ce qu’Il a été épargné de l’angoisse, des douleurs et de l’état de déchéance de son corps. Sa mort est digne parce qu’Il l’a acceptée telle qu’elle se présentait. Il s’est rendu jusqu’à son dernier souffle naturel par amour de la vie, par amour de son Père, par amour de ses semblables, par amour pour nous.

Il a vécu dans la dignité, en faisant toujours le bien partout où Il passait. Il nous faut non seulement mourir dans la dignité, mais aussi vivre dans la dignité durant toute notre vie jusqu’à notre dernier souffle naturel.

 

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