Plan d’action pour l’itinérance 2010-2013 : Une réussite pour la ministre, un échec pour les organismes

Joëlle Girard, Échos Montréal, décembre 2011

Deux ans après l'annonce du « Plan d'action interministériel pour l'itinérance 2010-2013 », l'heure est au bilan pour le gouvernement Charest. Ainsi, le 25 novembre dernier, Dominique Vien, ministre déléguée aux Services sociaux, dressait un portrait positif de la première année de mise en œuvre du plan. « C'est plus de 80 % des 70 mesures prévues au plan d'action qui ont déjà été amorcées en 2010-2011 », a-t-elle soutenu par voie de communiqué, alors que l'opposition officielle qualifiait les actions du gouvernement de « ramassis ».

« Sur le terrain, on est loin de ce compte », estime quant à lui Pierre Gaudreau, coordonnateur du Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes (RAPSIM). L'organisme, à l'instar de la Ville de Montréal le 25 novembre, a déposé un mémoire à la Commission de la santé et des services sociaux de l'Assemblée nationale au sujet de l'itinérance.

« Beaucoup des mesures auxquelles la ministre fait référence sont encore à l'état de projection, alors que pour d'autres, c'est le status quo. On constate même un recul dans certains domaines. En plus, ces statistiques incluent des mesures comme l'installation de supports à vélo, qui n'ont absolument rien à voir avec la prévention ou la réduction de l'itinérance », explique M. Gaudreau.

« Québec doit faire plus dans ses champs de compétence », affirme pour sa part Jocelyn-Ann Campbell, responsable du développement social et communautaire au comité exécutif de la Ville de Montréal. « Les fonctionnaires municipaux et provinciaux se parlent, mais c'est trop lent à se concrétiser. »

Si la Ville de Montréal possède ses propres outils, tels que le plan d'action ciblé « Agir résolument pour contrer l'itinérance », Mme Campbell rappelle toutefois que la municipalité peut intervenir seulement dans le cadre de ses propres champs de compétence : l'habitation, la sécurité publique, le développement social et la diversité. La santé relève donc du provincial.

« Or, les cas de toxicomanie et de santé mentale ont augmenté considérablement au sein de la population en situation d'itinérance, ce qui pose des difficultés à la Ville dans la gestion de cette problématique », soutient Mme Campbell, évoquant du coup les décès de Mario Hamel, itinérant tombé sous les balles des policiers alors qu'il était en pleine crise, et de Patrick Limoges, un citoyen atteint mortellement par une balle perdue lors de l'intervention.

« Ce qui s'est passé l'été dernier nous a motivés à aller de l'avant », affirme-t-elle en citant le mémoire que la Ville a déposé récemment à la Commission de la santé et des services sociaux. La Ville y propose différentes mesures au gouvernement : augmenter le nombre de lits en urgence psychiatrique, assurer plus de soins adaptés, assurer un suivi personnalisé pour les « cas lourds » qui rebondissent trop souvent d'un service de santé à l'autre et se pencher sur la question du « droit de refus de traitement » pour mieux encadrer les itinérants qui s'en prévalent, tel que Mario Hamel.

Aux yeux de Pierre Gaudreau, la Ville s'est concentrée sur des mesures très précises à instaurer suite au choc causé par ce qu'il qualifie de « bavure policière », en faisant référence au cas de Mario Hamel. « Le mémoire de la Ville contient bel et bien des éléments intéressants […], mais il faut aussi agir en amont, sinon d'autres viendront inévitablement remplacer les « cas lourds ». Et même pour ces « cas lourds », les mesures proposées sont-elles adéquates ? »

« On a besoin d'une politique beaucoup plus ambitieuse », invoque-t-il, ajoutant que l'échec du gouvernement est probant en matière de réduction de l'itinérance. Le 25 novembre, cinq organismes spécialisés dans l'aide aux femmes itinérantes – Le Chaînon, La Rue des Femmes, Chez Doris, Les Maisons de l'Ancre et L'Auberge Madeleine – ont également lancé un cri d'alarme, dénonçant le manque déchirant de ressources devant l'augmentation soute nue de la demande. Tout comme le RAPSIM.
 

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